Une dette problématique

Gary Kirk, TwentyFour AM

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Avec ou sans bon «Brexit», les emprunts d’Etat britannique ne sont plus des actifs sans risque. L’alternative se trouve outre-Atlantique.

Depuis le référendum britannique de juin 2016, la plupart des actifs libellés en livres sterling se négocient avec une «prime Brexit» importante. Cette dernière s’explique par le degré élevé d'incertitude concernant la teneur de l'accord final  avec l’UE (ou, le cas échéant, son absence), ainsi que la date de cet accord. Bien qu’une prime soit justifiée pour les actifs risqués, pour les investisseurs, la gestion de leurs portefeuilles passe nécessairement par des actifs sans risque et négativement corrélés avec les autres actifs.

L’Etat, un mauvais débiteur?

Pour cette partie des actifs sans risque des portefeuilles, les investisseurs cantonnés aux actifs en livres sterling, n'ont pas d'autre choix que celui de se tourner vers les emprunts d’Etat britanniques, les «Gilts». Fort heureusement, depuis le référendum, ces emprunts ont affiché toutes les caractéristiques attendues des actifs sans risque et leur corrélation avec les actifs à risque est restée négative. 

Si les négociations autour du Brexit venaient à déboucher sur une impasse,
les «Gilts» pourraient présenter un certain risque de crédit.

Toutefois, si les négociations autour du Brexit venaient à déboucher sur une impasse, les «Gilts» pourraient alors présenter un certain risque de crédit. Cela s’est déjà vu lorsque d’autres États souverains ont traversé des périodes d'incertitude et de tensions économiques. Une telle éventualité n’entre pas dans notre scénario de base, mais pourrait être une hypothèse dans le scénario le plus pessimiste.

Trop d’enthousiasme, un risque de taux

Si, à l’inverse, un accord viable était conclu avec l’UE, on peut imaginer que la masse des capitaux actuellement en attente de placement, reviendrait s’investir au Royaume-Uni pour satisfaire l’appétit entrepreneurial très présent dans l’économie britannique. Ce retour des investisseurs britanniques ne serait pas sans répercussions sur des taux directeurs qui, habituellement, reflètent assez fidèlement l’évolution de ceux de nos amis d’outre-Atlantique.

L’inflation étant susceptible de devenir permanente au fil du temps,
elle devra alors être combattue par le biais de la politique monétaire.

A cet égard, il convient de rappeler les commentaires récents de Michael Saunders, membre du Comité de politique monétaire (MPC) de la Banque d’Angleterre,  à propos du Brexit et de son puissant effet de freinage sur l'économie britannique. Selon lui, la faiblesse de la livre a induit une certaine inflation. Or, cette dernière étant susceptible de devenir permanente au fil du temps, elle devra alors être combattue par le biais de la politique monétaire.

Un 2% réaliste

La combinaison d'un rattrapage des dépenses d'investissement et d’une dynamisation de la consommation, alliés à une inflation bien ancrée, pourrait favoriser le retour progressif du taux d’intérêt directeur britannique vers une position neutre. Si le Royaume-Uni devait arriver à un Brexit «mou», l’estimation de Michael Saunders qui place le taux neutre aux alentours de 2%, paraît réaliste, même en tenant du compte du fait que cet économiste est l'un des membres les plus agressifs du MPC. Pour parvenir à ce niveau, cinq nouvelles hausses seraient nécessaires, ce qui explique nos réticences vis-à-vis de la détention de «Gilts».

Le marché des emprunts d’Etat américain
est celui qui présente le potentiel de baisse de taux le plus important.

Pour les investisseurs qui ont la possibilité de recourir à des opérations de couverture de change, il existe des alternatives moins risquées. C’est le cas des bons du Trésor américain, car la palette des actifs sans risque est très limitée actuellement, du moins si l’on tient compte des rendements ajustés pour la couverture de change. D’ailleurs, la principale motivation des investisseurs pour acquérir des bons du Trésor américain n’est pas tellement le rendement, mais bien la protection du capital contre les risques de baisse ainsi que la corrélation négative de ces titres avec les autres actifs. Après avoir connu neuf hausses de taux consécutives, le marché des emprunts d’Etat américain est celui qui présente le potentiel de baisse de taux le plus important. Par ailleurs, la probabilité que les bons du Trésor américain se voient imposer une prime de risque débiteur est faible.

Nous avons été interrogés à maintes reprises sur le fait que la part des actifs sans risque de nos portefeuilles n’était pas investie en «Gilts». Mais comme nous l’avons expliqué plus haut, ce choix résulte du fait que les emprunts d’Etat britannique pourraient décevoir, et ce, aussi bien dans le cas où un scénario de ralentissement économique viendrait à se concrétiser, que si, et cela est le cas le plus probable, la conjoncture s’avérait plus positive. Fort heureusement, il existe des options plus intéressantes que les «Gilts» pour les investisseurs qui ont la latitude de pouvoir se couvrir contre le risque de change.

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