Les marchés asiatiques ont enregistré une décote par rapport aux autres marchés développés, en partie en raison des faiblesses observées dans la gouvernance d'entreprise. C'est la raison pour laquelle les régulateurs asiatiques se sont efforcés, l'année dernière, de promouvoir des réformes visant à améliorer la gouvernance, dans l'intérêt des investisseurs particuliers domestiques, principaux acteurs des marchés d'actions asiatiques.
Le Japon a été le premier à lancer des réformes dans ses entreprises dans le cadre des Abenomics en 2014. Ces réformes ont pris de l'ampleur au cours des deux dernières années, la Bourse de Tokyo (TSE) montrant la voie à suivre. La TSE plaide en faveur d'une meilleure gouvernance d'entreprise en mettant l'accent sur la sensibilisation de la direction aux coûts du capital, à la rentabilité et au cours des actions. Afin de s'engager avec les différentes parties prenantes, comme par exemple les acteurs du marché, les universitaires et les organismes gouvernementaux concernés, la Bourse de Tokyo a mis en place un «Conseil d'experts». Les entreprises ont jusqu'à mars 2025 pour répondre aux nouvelles exigences de cotation, qui comprennent des mesures visant à améliorer leurs évaluations («The comply or explain rules»).
Les entreprises s'engagent désormais davantage avec les acteurs des marchés domestiques et étrangers pour générer de la valeur.
A la suite de ces réformes, les annonces de rachat ont triplé, la proportion d'administrateurs extérieurs au conseil d'administration a doublé et les participations stratégiques ont augmenté. Les entreprises s'engagent désormais davantage avec les acteurs des marchés domestiques et étrangers pour générer de la valeur.
Au début du programme, 50% des actions cotées en bourse se négociaient en dessous de leur valeur comptable. Aujourd'hui, ce ratio s'est amélioré pour atteindre environ 30%. Les raisons de cette faible valorisation peuvent être attribuées à la mauvaise performance des bénéfices, au manque d'attention portée aux opportunités de croissance, aux conglomérats dont les activités non complémentaires méritent une décote plus importante et à une mauvaise gestion du capital lorsqu'il s'agit de récompenser les actionnaires.
Au-delà du Japon, la Corée du Sud a également pris des mesures dans le but d’améliorer l'évaluation des actions cotées dans le pays. Tout comme le Japon, le gouvernement coréen estime que la faible valorisation est principalement due au manque d'efficience du capital des entreprises. Afin de résoudre ce défi, la Corée se concentre sur l'établissement d'un ordre de marché équitable et transparent, sur l'amélioration de l'accessibilité aux marchés des capitaux et sur le renforcement de la protection des actionnaires minoritaires. Pour inciter les entreprises à accroître leur valeur, le gouvernement étudie diverses réformes fiscales, notamment une réduction du taux d'imposition des dividendes et des avantages qui en découlent. Un référentiel «Korea Value-Up» regroupant les entreprises ayant les meilleures pratiques sera mis en place et un département spécialisé dirigera le programme Corporate Value-up, sur le modèle du « Conseil d’experts » au Japon.
Une différence essentielle entre les efforts de la Corée et ceux du Japon est la présence des Chaebols, de grandes entreprises conglomérales contrôlées par des familles en Corée. Les chaebols résistent aux changements majeurs de la structure actuelle. La principale raison de cette résistance est probablement le niveau élevé des droits de succession en Corée, qui sont parmi les plus élevés des États membres de l'OCDE et peuvent atteindre jusqu'à 65 % pour une participation majoritaire.
En ce qui concerne la Chine, le pays tente également de mettre en œuvre des réformes similaires à celles du Japon et de la Corée du Sud. La Chine s'est empressée de racheter des actions et d'augmenter les dividendes, même si les investisseurs doutent que des changements plus importants en matière de gouvernance soient en cours. Les entreprises chinoises cotées en bourse ont annoncé un montant record de dividendes en espèces, s'élevant à 2’200 milliards de yuans pour 2023, dans le but de promouvoir le concept d'«évaluation aux caractéristiques chinoises».
Au début de l'année, le Conseil d'Etat a publié des lignes directrices sur l'amélioration du système de budget d'exploitation pour le capital détenu par l'Etat. Les entreprises d'Etat sont encouragées à distribuer leurs bénéfices. Par ailleurs, la Commission chinoise de régulation des valeurs mobilières (CSRC) a annoncé, à la fin de l'année dernière, une série de lignes directrices révisées sur les rachats d'actions, visant à renforcer la confiance des investisseurs dans les sociétés nationales cotées en bourse.
Enfin, Singapour a également pris des mesures pour améliorer son marché. La Bourse de Singapour (SGX) examine depuis 2015 des propositions visant à rétablir la confiance dans les actions de Singapour. Actuellement, les deux tiers des actions cotées à la SGX se négocient en dessous de leur valeur comptable. Parmi les propositions à l'étude figure l'exigence d'une participation accrue des family offices, des entreprises de gestion de patrimoine, des fonds de pension et des fonds souverains sur le marché boursier. Une autre suggestion est de créer un marché boursier de l'Asie du Sud-Est.
Bien que les résultats de ces réformes ne soient pas encore pleinement visibles, une chose est certaine : ils marquent un progrès significatif dans la promotion d'un environnement commercial plus fort et plus résilient dans la région asiatique.