Un Barrier Reverse Convertible sur Nvidia en vaut-il la peine?

Levi-Sergio Mutemba

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Les produits d’optimisation du rendement sont plus intéressants sur des sous-jacents en stagnation, voire en légère baisse.

©Keystone

 

Le mois dernier, un expert des produits financiers complexes nous confiait qu’un produit d’optimisation du rendement sur Bitcoin (BTC) ne présente pas beaucoup d’intérêt pour l’investisseur. Au rythme auquel sa valeur augmente, autant détenir l’actif sous-jacent directement et participer pleinement à sa hausse. Plutôt que d’acheter un barrier reverse convertible (BRC), par exemple, dont le rendement est plafonné à hauteur du coupon. Un coupon certes plus élevé que celui d’une obligation traditionnelle, mais très inférieur au gain en capital de BTC, en hausse de plus de 150% sur l’année écoulée (au 26 mars 2024).

L’on pourrait se poser la même question dans le cas d’un sous-jacent tel que l’action Nvidia. Quel intérêt présenterait un BRC, dont le payoff consiste simplement au remboursement du nominal à maturité, augmenté du paiement d’un coupon annuel compris, en l’occurrence, entre 12% et 15%? L’action du leader mondial des unités de traitement graphique (GPU) enregistre en effet un gain de près de 260% à 940 dollars sur un an. Soit plus de 15 fois en moyenne le rendement offert par une BRC cotée à la SIX Structured Products (SIX SP).

L’une des explications pourrait résider dans la crainte de l’éclatement – ou le dégonflement – d’une bulle.

Pourtant, force est de constater que l’offre de BRC reposant sur l’action Nvidia et cotées à la SIX SP est particulièrement étoffée. On y retrouve 27 produits de ce type. Soit presque autant que pour le titre Roche (28), davantage que pour Nestlé (19) et Novartis (8), d’après les données de la SIX SP. Ces trois blue chips suisses sont pourtant les candidats favoris et les plus traités en tant que sous-jacents pour des produits d’optimisation du rendement. Seul le titre Tesla, une autre action de croissance, sert de sous-jacent à un nombre similaire de BRC (29) que Nvidia, parmi les actions à forte capitalisation boursière.

L’une des explications pourrait résider dans la crainte de l’éclatement – ou le dégonflement – d’une bulle du titre Nvidia. Sa performance sur cinq ans (au 26 mars 2024) est de près de 2000%. Davantage que les 1270% enregistrés par BTC sur la même période. De quoi alimenter les besoins de couverture des traders, par l’achat d’options de ventes (put), de ventes d’options d’achat (short call) ou d’achat de produits d’optimisation offrant une protection conditionnelle contre une baisse de cours éventuelle mais limitée.

Dans l’absolu, un repli du titre est possible. Mais c’est loin d’être le scénario privilégié par la plupart des traders. Et ce pour des raisons fondamentales. Les solutions de calcul accéléré sur GPU du groupe américain continuent d’être largement plébiscitées par les clients et utilisateurs les plus exigeants en termes de productivité de leurs propres processus. Ainsi, Timothy Arcuri, analyste chez UBS, à San Francisco, vient de relever son objectif de prix sur douze mois sur Nvidia à 1100 dollars contre 800 dollars auparavant.

Ceux de Goldman Sachs, qui avaient déjà relevé leur objectif à 800 dollars le mois dernier, l’ont fixé à 1000 dollars la semaine dernière. HSBC vise 1050 dollars. Et la liste des opinions favorables n’en finit pas. Toutefois, il serait intéressant de constater comment les BRC sur Nvidia cotées à la SIX SP se sont comportés au cours des douze derniers mois. Notons, par exemple, que le barrier reverse convertible RNVACV (CH1254551737) offrant un coupon de 15% p.a., qui a expirée vendredi dernier, affichait une barrière de protection à 55% du prix d’émission, soit 148,57 dollars, au moment où le titre valait 270 dollars.

Ironie du sort, la seule BRC knockée est une convertible à barrière haussière.

Le convertible KNYQDU (CH1256187415) sur l’action américaine, lancée il y a également un an, paie quant à elle un coupon annuel de 9,75% et arrive à échéance le 5 avril prochain. Il faudrait que Nvidia perde plus de 84% de sa valeur et ne cote plus que 134 dollars pour que le détenteur de la BRC soit confronté à un risque de perte de son capital. La marge de sécurité est énorme! Plus récemment, autrement dit la semaine dernière, fut lancée la BRC FADWJB avec un coupon de 12,50% p.a. (CH1322551594), arrivant à échéance le 21 mars 2025. Là aussi, la barrière est profonde, soit 50%. Ce qui signifie que Nvidia doit chuter jusqu’à 439,72 dollars pour que le remboursement du nominal soit remis en cause. Là encore, un scénario peu probable, selon l’écrasante majorité des analystes.

Le seul BRC présentant un risque réel de perte en capital est le BRC inversé ABKNSQ émis par Swissquote (CH1282385751) fin janvier. En effet, par cette structure, le risque est haussier. C’est-à-dire que le remboursement du capital n’est plus garanti, si l’action Nvidia atteint un certain niveau de cours à la hausse. En l’occurrence, une barrière (dite «up-and-in») fixée à 832,33 dollars. Au moment de l’émission, le 31 janvier 2024, le titre cotait environ 616 dollars. La barrière ayant été touchée le 4 mars dernier, Nvidia doit reculer jusqu’à ce niveau de cours d’ici l’échéance du produit, pour que le remboursement du capital à 100% soit préservé. Soit un repli de 34%.

L’avenir nous dira si les souscripteurs à de tels produits d’optimisation ont vu juste ou non. En l’état, il faudrait néanmoins que se matérialise un risque majeur et non identifié à l’heure actuelle pour remettre en cause une ascension de cours dont très peu de personne ne doutent qu’elle se poursuivra, du moins à court terme.

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