L’irrésistible ascension des produits structurés

Salima Barragan

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En quatre ans, le volume des nouvelles émissions a bondi de 60%. Avec Sylveline Besson d’Indosuez WM.

L‘industrie suisse des produits structurés a brassé un volume de 368 milliards de francs suisses en 2020, se hissant au rang des plus grands marchés au monde. Généralement sur actions, devises, taux ou sur les matières premières, ces instruments financiers qui se décomposent en deux constituants, se sont démocratisés au cours des deux dernières décennies. D’un marché destiné aux plus expérimentés, ces produits complexes sont devenus plus transparents et plus accessibles grâce au développement des plateformes en ligne et aux efforts déployés par les acteurs de la branche pour les vulgariser auprès du public. 

D’un marché de niche à la démocratisation 

C’est vers 1995 que la jeune industrie innovatrice des produits structurés prit son essor fulgurant. Près de 13 ans plus tard, la faillite retentissante de Lehman Brothers qui sera suivie d’une longue crise mondiale du crédit troubla la prospérité de ce marché de niche, forçant l’industrie à revoir sa copie. Devenus plus accessibles et plus intelligibles, les produits structurés sont rentrés depuis 2014 dans la phase de maturité. «La diminution de la taille du ticket, un choix plus large de sous-jacents et de types de structures offrant des formules de remboursement diversifiées, ainsi que l’émergence des produits structurés labellisés vert expliquent leur succès actuel», note Sylveline Besson qui cumule la double casquette de responsable Capital Markets chez Indosuez Wealth Management et membre du Comité de Direction, représentante buy-side de la «Swiss Structured Products Association» (SSPA).

La SSPA, qui est l’association faîtière helvétique, diffuse depuis 2016 des statistiques qui agrègent les volumes d’émission des 11 principaux émetteurs suisses membres de l’association. Passé de 227 milliards de francs suisses durant cette première année d’observation à 368 milliards en 2020, le volume total a bondi de 60% en l’espace de quatre ans. Mais dans la réalité, l’univers se divise entre le marché primaire (56%), qui émet des nouveaux titres et le secondaire (44%), où s’échangent des produits de seconde main. «Evidemment, la création de valeur provient de la génération d’idées et de la construction de nouveaux produits», relève-t-elle.

Mais ce n’est pas seulement un marché en pleine ascension. Initialement réservé à un cercle d’investisseurs, il s’est également popularisé auprès d’une plus large frange de particuliers, vulgarisé et diffusé sous leur forme la plus élémentaire par les sites de trading. D’un modèle d’affaires exclusivement Business to Business (B to B) de banques d’investissements qui structurent des produits pour les fournir aux banques privées, le Business to Consumer (B to C) s’est ajouté, caractérisé par des plus petits tickets d’achat ainsi qu’une multitude de nouveaux acteurs qui ont pris le train en marche. « Le marché était auparavant occupé par quelques grandes banques, qui jouaient le rôle d’émetteur, tandis que les banques privées commercialisaient leurs produits à une clientèle avertie. Mais la période post Lehman a déclenché une nouvelle phase. Les régulateurs ont élevé les standards du devoir d’information afin de protéger les investisseurs. Ils exigent des établissements qu’ils indiquent précisément les contenus des produits et expliquent clairement les risques liés.  Cet environnement a permis au marché de s’étendre et de favoriser la naissance des fintechs disposant de leur propre plateforme», résume-t-elle. L’amélioration des plateformes de trading dédiées aux particuliers a ainsi démocratisé l’accès à des produits simplifiés et standardisés; «dits vanille» dans le jargon financier. Mais les banques privées utilisaient déjà les plateformes de leurs fournisseurs, un outil précieux qui leur permet de comparer les offres et les prix pratiqués par les principaux émetteurs, car le choix dans le domaine est abondant et surtout très hétéroclite.

Afin de s’y retrouver dans la jungle marketing des désignations différentes selon les émetteurs, la SSPA a sorti en 2006 la Swiss Derivative Map qui est une cartographie précise des produits traités, afin d’en accroître leur transparence. Mais la SSPA ne va pas s’arrêter là. «L’Association a mené en 2020, avec le Buy-Side (les banques privées) et le Sell-side (les émetteurs) un large projet d’harmonisation des noms des produits afin d’affiner la compréhension des types de structures, ce qui permet aux clients finaux d’obtenir une meilleure comparabilité des produits», ajoute-t-elle. 

Des performances au rendez-vous

La combinaison des marchés boursiers haussiers et des taux d’intérêt faibles ont propulsé les produits d’optimisation de rendement (Yield Enhancement) dans une optique de diversification et de performance. «Les reverse convertibles (des produits monétisant la volatilité et versant des coupons à l’investisseur) qui ont très bien traversé la crise sanitaire, ont affiché de belles performances qui contribuent au succès grandissant de ces produits», observe-t-elle. Et leur attrait pourrait perdurer en 2022 en prévision de la remontée graduelle des taux et de la résurgence de l’inflation qui pourraient rendre les marchés boursiers plus incertains: «Les reverse convertibles offrent des coussins de sécurité qui absorbent les baisses de marché afin d’apporter davantage de sécurité dans les portefeuilles. Nul doute qu’en 2022, quel que soit l’environnement de marché, il existera toujours un type de structures qui permettra de tirer bénéfice de celui-ci».