
Avant les élections américaines, il aurait été difficile d’envisager que le premier produit structuré émis aux Etats-Unis puissent l’être en 2025. Les jeux ne sont cependant pas faits. L’environnement réglementaire américain est particulièrement répressif vis-à-vis de tout acteur offrant des produits adossés à des sous-jacents jugés trop «complexes». A fortiori sur un marché des produits structurés dominés par des investisseurs privés, contrairement au marché européen. Ceci étant dit, lorsque deux des commissaires les plus crypto-sceptiques de la Securities and Exchange Commission (SEC) annoncent leur départ prématuré, le scénario d’un premier certificat sur un actif cryptographique dès 2025 devient soudainement hautement probable.
L’actuel directeur de la SEC, Gary Gensler, qui a supervisé des poursuites contre des plateformes d’échanges cryptographiques, a annoncé fin novembre sa décision de démissionner de son poste le jour même de l’investiture du nouveau président élu. Plus récemment, mardi 17 septembre, à la surprise générale, la Commission bancaire du Sénat a brusquement annulé le vote pour une deuxième nomination de la commissaire de la SEC, Caroline Crenshaw. Qui était connue pour ses prises de position radicale contre les cryptomonnaies.
Cette approche réglementaire répressive a persisté durant quatre administrations présidentielles différentes.
Le PDG de Coinbase, Brian Armstrong, a immédiatement réagi à la nouvelle, insistant sur le fait que Caroline Crenshaw était «pire que Gensler» et que «ses politiques ont fait plus de mal que de bien». Ironie de l’histoire, Caroline Crenshaw avait été nommée par Donald Trump lors de son premier mandat et avait insufflé à celui-ci son scepticisme initial vis-à-vis des actifs numériques.
Serait-ce la fin de l’activisme ou interventionnisme réglementaire américain qui s’est mis en place au lendemain de la Grande Crise Financière de 2007-2008? Il est utile de rappeler que cette approche réglementaire répressive a persisté durant quatre administrations présidentielles différentes, y compris les administrations Trump et Biden. Ce qui a fait dire à de nombreux observateurs qu’un tel activisme devait nécessairement refléter un consensus bipartisan en matière d’application des lois entourant les services financiers. Les départs quasi simultanés de deux commissaires particulièrement fauconniers vis-à-vis des cryptos paraissent remettre en cause une telle opinion.
La question essentielle est de savoir si la SEC persistera ou non à considérer les cryptomonnaies comme des «valeurs mobilières». Car, l’an dernier, c’est sur cette base qu’elle a en effet intenté des poursuites contre deux des plus grandes plateformes d’échanges de cryptomonnaies, à savoir Binance et Coinbase. A qui la SEC reproche l’exploitation «non régulée» d’une bourse de valeurs mobilières. Or l’échange de valeurs mobilières doit être régulée.
«La capacité de la SEC à intenter des poursuites en matière de cryptomonnaies sera gravement compromise.»
Mais les experts du cabinet d’avocats américain Davis Polk & Wardwell ont rappelé, dans une note publiée plus tôt dans l’année, qu’un juge du district sud de New York avait statué contre la SEC dans une affaire contre Ripple Labs. Cette entreprise développe le protocole de paiement «Ripple» (ticker XRP). Certes, expliquent les avocats, le tribunal a statué que les ventes de XRP par Ripple étaient effectivement des transactions sur titres en vertu du droit fédéral.
Cependant, il n’en a pas moins estimé que le jeton XRP, en soi, n’est pas une valeur mobilière. Et seulement traité comme tel. C’est le même argument invoqué par Coinbase et Binance contre la SEC dans une bataille juridique toujours en cours. «Si une telle décision est maintenue et adoptée par d’autres juridictions américaines, la capacité de la SEC à intenter des poursuites en matière de cryptomonnaies sera gravement compromise», poursuivent les experts de Davis Polk & Wardwell.
Enfin, est-ce que la SEC mérite-t-elle malgré tout sa réputation de «crypto-hater»? N’est-ce pas elle qui, en début d’année, a approuvé la cotation en bourse d’une dizaine de fonds d’investissement adossés au prix au comptant de Bitcoin. «Reste à voir si l’approbation de la cotation par la SEC et la disponibilité de ces produits négociés en bourse (ETP) raviveront l’intérêt des acteurs du marché pour l’introduction de produits structurés enregistrés auprès de la SEC liés aux cryptomonnaies», s’interrogent les experts de Davis Polk & Wardwell.