La thématique chinoise séduit-elle encore?

Levi-Sergio Mutemba

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La demande des produits structurés exposés à la Chine s’accroît, mais les investisseurs suisses «hésitent à agir». Avec Nicolas Liégeois de la Banque Pictet.

Pour Nicolas Liégeois, Head of Structured Products & Derivatives chez Pictet, les récentes mesures de relance annoncées par Pékin se sont accompagnées d’une hausse de la demande pour les produits structurés offrant une exposition plus ou moins directe à la deuxième économie du monde. Avec un biais haussier indéniable des positionnements. Les investisseurs asiatiques sont naturellement les principaux contributeurs de ce regain d’intérêt. Et ils l’étaient déjà deux mois avant l’élection de Donald Trump.

Quel a été jusqu’ici le poids de la Chine en tant que thème d’investissement sous-jacent des produits structurés en Suisse et à l’échelle globale?

La Chine occupe depuis des années une place de choix parmi les thèmes d’investissement pour les produits structurés. La croissance rapide de son économie et l’ouverture graduelle de ses marchés financiers aux investisseurs étrangers ont permis à la Chine de s’intégrer davantage dans les portefeuilles globaux. Bien que son poids dans l’indice MSCI World reste limité, c’est-à-dire inférieur à 5%, elle représente une part significative dans les indices des marchés émergents, attirant l’attention des investisseurs en quête d’opportunités de diversification en Asie.

«Les investisseurs privilégient les produits de rendement avec des expositions directes sur des valeurs-phares.»

Les produits structurés permettent aux investisseurs d’accéder à des rendements potentiels tout en minimisant les risques associés à la volatilité du marché chinois. Ils offrent une exposition aux actions et indices chinois ou à des paniers thématiques liés au développement de la deuxième plus grande économie mondiale. Parmi les thèmes populaires, on retrouve la croissance de la classe moyenne, l’urbanisation, la technologie, la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, l’immobilier ou encore l’innovation.

Les investisseurs suisses utilisent souvent ces opportunités de diversification, recourant à des produits sur indices pour bénéficier d’une exposition à la Chine. En Asie, les produits liés à ce marché représentent une part plus substantielle, en particulier ceux qui proposent une exposition directe aux entreprises chinoises.

Cette thématique a-t-elle bénéficié des mesures de relance économique en Chine?

Oui, absolument. Les mesures de relance économique annoncées début septembre par les autorités chinoises, tant monétaires que fiscales, ainsi que celles ciblant les secteurs immobilier et financier, ont ravivé l’intérêt et le dynamisme des marchés chinois. Ces mesures ont déclenché un fort rebond des actions, qui sous-performaient les marchés européens et américains depuis la fin de la pandémie. Les flux d’investissements vers les actions chinoises ont augmenté, de nombreux investisseurs se repositionnant via l’achat d’options call sur le marché de Hong Kong. La forte demande a accru la volatilité implicite, rendant les positions haussières plus coûteuses.

Il y a eu un regain d’intérêt pour les produits structurés de participation, tels que les Certificats Bonus ou les structures hybrides de type «Buy the Dip», avec une préférence marquée pour ceux qui offrent une exposition haussière tout en protégeant le capital. Par exemple, des produits en dollars US permettent une participation positive à la hausse d’un indice jusqu’à 15%, avec une perte maximale limitée à -5% sur un an.

En Suisse, les investisseurs hésitent à agir, préférant peut-être attendre la mise en œuvre des mesures de relance et une meilleure visibilité sur les relations sino-américaines au lendemain de l’élection de Trump. Cela contraste avec l'’Asie, où les volumes de produits de rendement et de participation ont augmenté depuis la mi-septembre.

Pourriez-vous citer des actifs sous-jacents qui se trouvent être les plus populaires lorsqu’il s’agit de s’exposer au marché chinois?

Les indices les plus prisés sont ceux qui sont à la fois liquides et couramment utilisés comme références par les investisseurs. Le Hang Seng China Enterprises Index (HSCEI) pour les entreprises chinoises cotées à Hong Kong (actions H) et le Hang Seng Index (HSI), qui inclut de nombreuses entreprises chinoises et multinationales opérant en Chine, figurent parmi les plus suivis.

Pour la Chine continentale, l’indice CSI 300 (SHSZ300), qui regroupe les 300 plus grandes capitalisations boursières cotées aux Shanghai & Shenzhen Stock Exchanges, est le plus prisé et sert de sous-jacent à de nombreux produits structurés. Les ETF sont également populaires, comme l’iShares China Large Cap (FXI US) et l’iShares MSCI China (MCHI US) aux États-Unis, ou l’iShares FTSE A50 China (2823 HK) à Hong Kong.

Sur le plan microéconomique, les investisseurs privilégient les produits de rendement avec des expositions directes sur des valeurs-phares comme Alibaba (9988 HK) ou Tencent (700 HK). Ils optent aussi pour des expositions indirectes sur des titres de secteurs positivement corrélés à l’économie chinoise, comme les entreprises européennes du luxe, l’industrie automobile ou les ressources de base.

Un des produits les plus négociés en Chine (Hong Kong), il me semble, est le «Callable Bull/Bear Contract» ou «CBBC». En quoi diffère-t-il du warrant dont nous sommes familiers en Suisse?

Les Callable Bull/Bear Contracts (CBBC) sont des instruments dérivés, côtés à la Bourse de Hong Kong, suivant la performance d’un actif avec un effet de levier, dans la mesure où l’investisseur paie une fraction du prix du sous-jacent. Ils permettent de parier sur la hausse (Bull) ou la baisse (Bear) de cet actif. Alors que les warrants peuvent être dans la monnaie ou hors de la monnaie, les CBBC sont toujours dans la monnaie.

La valeur théorique d’un CBBC, hors coût de financement, dépend de la différence entre le prix de l’actif sous-jacent et un prix d’exercice (strike). Autrement dit, le «prix de l’actif – prix d’exercice» pour les contrats Bull, et le «prix d’exercice – prix de l’actif» pour les contrats Bear. Le «Call» désactive le produit si ce seuil est atteint, on parle alors de mécanisme de «knockout».

Les CBBC sont principalement utilisés par les particuliers et se divisent en deux catégories. A savoir le «Type N», dont le seuil « Call » est identique au prix d’exercice, et le «Type R», dont le seuil «Call» diffère du prix d’exercice. Ainsi, lorsque le seuil «Call» est atteint, les contrats de Type N ne versent pas de valeur résiduelle, contrairement aux contrats de Type R. Ces contrats se rapprochent des warrants knock-out et mini-futures, traités en Suisse. Enfin, les CBBC étant toujours dans la monnaie, contrairement aux warrants, l’effet de la volatilité implicite est négligeable.

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