Private equity: comment se prémunir des risques d’inflation?

Eric Deram, Flexstone Partners

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Un portefeuille diversifié permet de générer des rendements solides, indépendamment du contexte géopolitique ou sanitaire.

©Keystone

L’inflation occupe une place unique dans le monde de la finance. Toute allusion à son accélération tend à déclencher des ventes massives d'actions et à encourager les prédictions apocalyptiques de baisses des rendements. L'inflation de la zone OCDE a atteint 7,2% en glissement annuel en janvier 2022 selon l’organisation. Avec des chiffres en forte hausse par rapport aux 1,6% enregistrés en janvier 2021, l'inflation fait son grand retour, probablement de manière durable. Et l’inquiétude gagne également les investisseurs en private equity. Selon une enquête récente d'Eaton Partners, 89% des investisseurs en private equity se disent préoccupés par l’environnement inflationniste actuel.

Il faut remonter à 1981, alors que le private equity n’en n’était qu’à ses premiers balbutiements, pour trouver un taux d’inflation américain supérieur à celui d’aujourd’hui.

Pourtant, le secteur semble particulièrement moins exposé à l’inflation que d’autres classes d’actifs. Ainsi, certaines études ont pu montrer que sur les vingt dernières années, les performances sur le marché américain du private equity étaient certes tributaires des périodes de grands bouleversements, comme l’éclatement de la bulle Internet en 2000 ou la crise financière de 2008, mais pas des périodes d’inflation. Il faut toutefois nuancer ce constat dans la mesure où le secteur n’a encore jamais dû faire face à une telle pression inflationniste. Sur ces vingt dernières années, le pic d’inflation aux Etats-Unis – atteint en 2007 – n’était que de l’ordre de 4,1%. Il faut remonter à 1981, alors que le private equity n’en n’était qu’à ses premiers balbutiements, pour trouver un taux d’inflation américain supérieur à celui d’aujourd’hui.

Il y a trois principaux risques qui pourraient peser sur les rendements de private equity si l’inflation demeure élevée. Tout d’abord, le risque d’une hausse des coûts de financement. Le coût de la dette est, en effet, un facteur de performance important pour le secteur et, en situation d’inflation, les banques centrales tendent à relever les taux d’intérêt, ce qui fait grimper le coût de la dette à taux variable. Or les dernières données disponibles indiquent que le ratio médian de la dette sur EBITDA pour les opérations de rachat en private equity était de 5,8:1 pour les Etats Unis et de 6,4:1 pour l’Europe au quatrième trimestre 2021. Ce risque peut, cependant, être mitigé. Le recours à la dette n’est qu’un des moyens pour créer de la valeur et les investisseurs peuvent, par exemple, choisir de se focaliser plutôt sur la croissance des bénéfices des entreprises dans lesquelles ils investissent ou sur des opérations d’arbitrage des multiples. S’assurer au préalable que ses investissements soient en mesure de supporter une hausse des taux et diversifier son portefeuille en termes d’industries et de stratégies permet également de minimiser son exposition au risque.

Investir dans des entreprises avec un fort pouvoir de fixation des prix, comme les entreprises B2B, devrait pouvoir contribuer à protéger l’investisseur.

Le deuxième risque majeur est celui d’une baisse des valorisations implicites. Les craintes liées à l’inflation continuent de faire plonger la plupart des indices boursiers et les acteurs du marché ont commencé à intégrer des taux d’actualisation plus élevés dans leurs modèles de valorisation. La même dynamique s’applique au secteur du private equity, ce qui implique que les multiples de valorisation devraient baisser à court terme. Ici encore, la diversification de ses stratégies d’investissement constitue une mesure utile permettant de réduire les multiples d’acquisition. Privilégier les petites capitalisations et les conserver pendant 3 à 5 ans avant de les vendre à des fonds de private equity à grande capitalisation permet aux investisseurs de bénéficier des opérations d’arbitrage des multiples de valorisation, et ce même face à une baisse de la valorisation globale car les multiples d’acquisition augmentent généralement avec les tailles des entreprises.

Enfin, l’augmentation des coûts des intrants, de même que les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement, peuvent accroître la pression sur les marges des entreprises et peser sur la croissance de leurs bénéfices. Investir dans des entreprises avec un fort pouvoir de fixation des prix, comme les entreprises B2B ou les entreprises leaders dans leur secteur, devrait pouvoir contribuer à protéger l’investisseur, de même que le développement de solides capacités opérationnelles afin de pouvoir naviguer les eaux infiniment plus agitées de cet environnement inflationniste.

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