Le non coté accroît la diversification et réduit la volatilité

Yves Hulmann

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Environ 80% de la capitalisation boursière est constitué d’entreprises non cotées en bourse, rappelle Eric Deram de Flexstone Partners.

Investir dans des entreprises non cotées en bourse permet d’accroître la diversification de ses placements tout en réduisant son exposition à la volatilité à court terme des marchés boursiers. Dans cette optique, Flexstone Partners a lancé un nouveau fonds de co-investissement dans des actifs privés qui mise en particulier sur les petites et moyennes capitalisations au niveau mondial. Quels sont les caractéristiques de cette approche d’investissement? Entretien avec Eric Deram (ED), managing partner chez Flexstone Partners, et Caroline Gibert (CG), managing director & head of ESG. 

Flexstone Partners lance un fonds de quatrième génération consacré à des co-investissements dans des actifs privés avec un accent placé sur les petites et moyennes capitalisations au niveau mondial. De manière générale, quels sont les avantages d’investir dans des placements privés plutôt que dans des sociétés cotées en bourse?

ED: On peut évoquer les principaux aspects suivants. Tout d’abord, le «non coté» a démontré sa capacité à surperformer le «coté» au cours des 20 à 30 dernières années. Ensuite, environ 80% de la capitalisation boursière globale est constitué d’entreprises non cotées en course. Investir dans des sociétés non cotées en bourse donne accès à une grande variété de secteurs et d’entreprises supplémentaires. Enfin, les placements dans des sociétés non cotées en bourse contribuent à améliorer la diversification des portefeuilles.

«Investir dans le non coté réduit la volatilité de votre portefeuille
lors des périodes de turbulences sur les marchés boursiers.»

CG: Les entreprises non cotées en bourse répondent également souvent davantage à une logique économique plutôt que financière. Le non coté tend aussi à atténuer les chocs et offre également une forme de protection à la baisse quand les marchés boursiers sont sous pression. De ce point de vue-là, investir dans le non coté réduit la volatilité de votre portefeuille lors des périodes de turbulences sur les marchés boursiers.

Pratiquement, comment est-il possible de prendre des participations dans des sociétés cotées?

ED: Il y a, pour l’essentiel, deux manières de prendre des participations dans des entreprises non cotées. D’une part, vous pouvez investir directement dans la PME de votre cousin, de votre voisin ou dans une quelconque entreprise avec laquelle vous avez des contacts directs en achetant une part du capital de sa société. D’autre part, vous pouvez investir dans de telles entreprises via un fonds de private equity fermé qui, lui, achète des parts dans des entreprises non cotées en bourse. Maintenant, notre nouveau fonds de co-investissement dans les petites et moyennes capitalisations emprunte en quelque sorte une troisième voie: les 200 à 300 millions de dollars sont placés directement dans les entreprises parallèlement aux montant qui ont déjà été investis par des fonds de private equity. 

«Pour les investisseurs qui voudraient se réserver la possibilité de sortir
plus rapidement, il existe aussi un marché secondaire très dynamique.»

Nous investissons de manière minoritaire dans ces entreprises alors que les fonds de private equity ont, eux, des parts plus importantes ou majoritaires dans ces sociétés. Celles-ci sont constituées par des PME réalisant typiquement entre 50 et 500 millions de chiffres d’affaires. Nous pouvons ainsi nous appuyer sur l’expertise locale des fonds de private equity avec lesquels nous travaillons et leur proximité avec ces marchés, tout en engageant aussi directement de l’argent dans des entreprises non cotées.

CG: Dans le segment non coté, l’information n’est pas publique. On ne peut pas simplement analyser les données fournies par Bloomberg ou Reuters, donc il est indispensable d’avoir un relais sur place pour avoir le contact avec ces entreprises.

Avec votre fonds de co-investissement, il se peut donc que vous investissiez via deux canaux distincts dans une même entreprise?

ED: Oui. D’un côté, on place parfois de l’argent directement dans une entreprise. De l’autre, on investit via le fonds de private equity qui assure le rôle de chef de file dans la transaction. En termes de coûts, le co-investissement présente un atout majeur étant donné que vous n’avez pas besoin de payer les commissions habituellement versées aux fonds de private equity pour la partie constituée par votre investissement direct. Vous avez ainsi l’avantage d’avoir accès aux rendements du private equity sans toutefois devoir payer toutes les commissions usuelles prélevées dans ce domaine.

«Nous avons maintenu le niveau de pertes à un peu plus de 3%,
un niveau très faible en comparaison du secteur.»
En termes de secteurs, votre fonds de co-investissement investit dans des entreprises avec des profils très variés: il y a une société américaine qui propose des produits pour perdre du poids, une entreprise française de services funéraires ou encore une firme américaine de courtage de freight. Quels sont vos critères de sélection par secteurs et par régions?

ED: Notre approche vise à investir dans des entreprises affichant une forte croissance sur leur marché respectif. Nous ne nous imposons pas de limite définie d’avance sur le plan sectoriel. Toutefois, si nous n’avons de limite formelle, nous appliquons une limite informelle avec un plafond d’environ 20% pour chaque secteur. Sur le plan géographique, nous investissons beaucoup en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Scandinavie s’agissant de l’Europe. S’y ajoutent principalement les Etats-Unis et l’Asie.

Quel niveau de participation prenez-vous dans le capital des entreprises?

ED: Cela peut varier de 1 à 2% au minimum à des parts atteignant jusqu’à 25-30% dans certains cas. Parfois, nous siégeons même au conseil d’administration de certaines entreprises. Nous visons toujours à garder une grande diversification pour minimiser les risques: nous avons investi dans plus de 104 dossiers depuis 2004. Grâce à cette large diversification, nous avons maintenu le niveau de pertes à un peu plus de 3%, un niveau très faible en comparaison du secteur. Dans le private equity, on l’estime aux environs de 15%.

Quelle est la durée d’engagement avec laquelle il faut compter pour ce type d’investissements?

CG: Elle est moins longue que pour les fonds de fonds avec lesquels la durée d’engagement est de l’ordre de 16 ans. Dans le private equity, elle se situe plutôt aux environs de 10 ans. Maintenant, dans les faits, il arrive souvent que celle-ci soit prolongée avec l’accord des investisseurs, ce qui peut la prolonger à 12 ou 13 ans en moyenne. S’agissant de notre fonds de co-investissement, elle est d’environ 10 ans.

«Nous tenons compte des aspects de durabilité dans le cadre
de notre travail de due diligence en analysant chaque entreprise.»

ED: Pour certaines personnes, cela peut paraître long mais cette durée est cohérente avec la vision d’investissement à long terme que nous avons. Une des clés pour obtenir des rendements attrayants dans le private equity est d’investir de manière régulière. Nous ne conseillons pas de pratiquer trop d’opérations de «stop and go». Maintenant, pour les investisseurs qui voudraient se réserver la possibilité de sortir plus rapidement, il existe aussi un marché secondaire très dynamique.

Vous investissez aussi en tenant compte des critères ESG. Peut-on intégrer cette dimension dans les placements privés de la même manière qu’on le fait pour des sociétés cotées en bourse?

CG: Evidemment, chaque entreprise détenue en mains privées ne publie pas toujours un rapport de durabilité de plusieurs centaines de pages, comme c’est le cas avec certains grands groupes. Nous tenons compte des aspects de durabilité dans le cadre de notre travail de due diligence en analysant chaque entreprise. Parmi les fonds de private equity, on examine comment les gérants majoritaires se sont engagés sur ce plan et quelle est leur grille d’analyse. A un premier niveau, nous sommes très attentifs à ce que tout ce qui constitue un risque matériel pour une entreprise, qu’il s’agisse de l’endroit où ses bâtiments sont construits, de la gestion des déchets ou de sa gouvernance d’entreprise. A un deuxième niveau, nous évaluons quel est l’accompagnement de ces entreprises sur le plan ESG. Par exemple, comment il est possible d’accompagner une PME de façon à ce qu’elle puisse diminuer ses émissions de CO2, réduire sa quantité de déchets, utiliser des emballages moins polluants, etc. C’est un travail de fond et il y a parfois tout à faire dans ce domaine.

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