Il est bien trop tôt pour se livrer à un exercice de prédiction, mais on peut faire quelques calculs élémentaires d’arithmétique électorale.
L’élection présidentielle française aura lieu dans un an. Avec un paysage politique morcelé et un système électoral à deux tours, l’avantage va aux candidats ayant les clientèles électorales les mieux définies et les plus larges, à savoir Emmanuel Macron et Marine Le Pen. A la différence de 2017, Macron est le tenant du titre, non plus un outsider se présentant comme candidat hors-système. Quant à Le Pen, elle a renoncé à des positions radicales, comme la sortie de l’euro, rédhibitoires à sa victoire. Il est bien trop tôt pour se livrer à un exercice de prédiction, mais on peut faire quelques calculs élémentaires d’arithmétique électorale.
L’analyse des élections part d’ordinaire des sondages d’intentions de vote. Cet examen (qui est loin d’être infaillible) a son utilité quand les forces politiques en compétition sont bien identifiées et que l’échéance est proche. Aucune de ces conditions n’est réunie à ce jour en France. La gauche est divisée, la droite cherche son candidat. Prenons donc le problème à rebours, en se demandant non pas qui va gagner mais combien de suffrages il faut recueillir pour gagner. C’est un moyen objectif de clarifier le champ des possibles.
L’élection présidentielle est la seule qui intéresse les Français. Le taux d’abstention y est bas, moins de 20% en moyenne, contre 50% pour les élections européennes. Cela dit, quand les électeurs s’estiment mal représentés par les finalistes, ils s’abstiennent ou expriment un vote invalide. L’abstention avait dépassé 30% en 1969 (après la démission-surprise du Général De Gaulle) car le second tour opposait deux candidats de droite, ce qui avait démobilisé la gauche. En 2017, l’abstention et le vote blanc/nul ont bondi car la campagne avait connu de nombreux rebondissements ayant eu pour effet de plomber le candidat de droite. Son parti LR ne s’en est toujours pas remis.
La mobilisation de l’électorat sera l’une des clés de l’élection de 2022. En partant d’un corps électoral de 48 millions et selon différentes hypothèses, on estime que le nombre de suffrages nécessaires pour être élu se situera entre 13,7 et 18,2 millions. Sachant qu’au premier tour, il y aura une dizaine de candidats et que le meilleur n’aura pas plus de 9 millions de voix, cela suppose une forte capacité d’attraction au second tour pour prétendre à la victoire finale. En 2017, Emmanuel Macron avait gagné avec 20,7 millions de voix contre 10,6 à Marine Le Pen. Dans un duel où figure un candidat du RN (ex-FN), l’électeur de gauche tend à soutenir l’autre candidat, Chirac en 2002 et Macron en 2017, mais cet effet de «barrage républicain» tend à s’amenuiser. Si le face- à-face de 2022 est le même qu’en 2017, l’abstention risque de monter. Le principal vivier de voix pour Macron et Le Pen viendra des électeurs LR. Ce n’est pas un hasard si dans les élections régionales de juin prochain, le RN est représenté dans deux régions par d’anciens membres de LR. Quant à LREM, le parti présidentiel, il discute localement d’alliances ou de reports avec des candidats LR.
Les indicateurs de climat des affaires avaient surpris à la hausse en mars. Il en a été de même en avril, signalant que malgré la mise en place d’un troisième confinement, c’est l’espoir de la réouverture qui domine. L’optimisme est croissant depuis plusieurs mois dans la construction et le secteur manufacturier. Curieusement la production industrielle a chuté en février (-4,6% m/m en février), peut- être juste un aléa ponctuel. Les services et le commerce de détail, directement touchés par les restrictions sanitaires, sont à la traîne. L’indice PMI-services a tout de même gagné 2,2 pts en avril (2,6pts en mars) pour s’inscrire juste au-dessus du seuil critique de 50 points, du jamais vu depuis l’été dernier. Les enquêtes de l’INSEE et de la Banque de France montrent que la faiblesse est de plus en plus concentrée sur un petit nombre d’activités, la restauration étant sans surprise la plus exposée.
Du côté des consommateurs, la situation reste ambivalente. D’un côté, le moral reste bas. En avril, l’indice INSEE de la confiance des ménages était stable à 94 pts, le seuil de 100 étant la normale historique. Le creux dans ce cycle était 89 pts en novembre dernier. De l’autre, les dépenses continuent de progresser modestement, ce qui n’est pas si mal vu les circonstances sanitaires.
Le programme de stabilité 2021-2027 présenté par le gouvernement le 14 avril dernier prévoit un déficit public de 9% de PIB en 2021 (dont 2,2 points de déficit cyclique) et 5,3% en 2022. L’an dernier, le déficit avait représenté 9,2% du PIB. Le ratio de dette publique est projeté en hausse de 115,7% du PIB en 2020 à 117,8% en 2021.
Les élections régionales, décalées d’une semaine, se tiendront les 20 et 27 juin 2021. La date de dépôt des listes de candidats est fixée au 17 mai. Compte tenu de son manque d’implantation locale, le parti présidentiel espère surtout limiter ses mauvais résultats et poursuit des discussions pour d’éventuelles alliances avec LR, le parti de droite. L’une des régions les plus surveillées est Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le RN y est bien implanté, ayant d’ailleurs failli l’emporter en 2015, et il est haut dans les sondages. Sa tête de liste est un transfuge de LR, ex-ministre de Nicolas Sarkozy. Une victoire RN serait nécessairement lue sous le prisme des élections présidentielles de 2022. Pour LR, qui contrôle actuellement 8 des 17 conseils régionaux, ces élections régionales sont aussi un moyen de jauger les chances de divers prétendants à la candidature pour l’élection de 2022 (Xavier Bertrand dans le Nord, Valérie Pécresse en région parisienne, Laurent Wauquiez en région lyonnaise).