Panique sur les places boursières

Axel Botte, Ostrum AM

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L’effondrement rapide des cours fait écho à 2008. Le 10 ans américain enfonce ses plus bas historiques.

© Keystone

La chute des indices s’est accélérée dans des volumes très importants avant la clôture mensuelle de février. Le S&P 500 plonge de 11,5% sur cinq séances. L’Europe connait une purge similaire. Les indices chinois résistent en revanche alors que la BoJ a quadruplé ses achats d’ETFs actions. Le pétrole recule vers 50$ sur le baril de Brent. La hausse de la volatilité implicite fait écho aux achats de protection sur les indices de CDS. Le VIX atteint 42% et le CDX high yield s’approche des 380pb (+114pb en 2020). On observe des flux sortants significatifs sur le high yield américain au profit des Treasuries. La Fed est pressée de réduire ses taux de sorte que la courbe américaine s’est fortement.

Le 2 ans rejoint ses niveaux de 2016. Le Tnote à 10 ans traite au plus bas historique sous 1,05%. Le Bund (-0,65% lundi) plonge aussi vers ses niveaux d’août 2019. Les souverains périphériques et le crédit IG s’élargissent de 25pb. Le BTP italien (+38pb) s’échange à 183pb. C’est un bain de sang sur le high yield européen (+112pb). Le dollar perd du terrain à mesure que les anticipations de taux courts s’ajustent. Le yen et l’euro retrouvent les faveurs des investisseurs. Les prises de profit sur l’or seront probablement de courte durée.

Le graphique de la semaine

La volatilité financière engendre des opérations de couverture sur le crédit. Les primes de CDS sont remontées fortement sur l’effet des achats de protection.
L’iTraxx XO cote 298pb en hebdomadaire comparé une moyenne de 372pb depuis 2010. Ce spread couvre désormais le risque de défaut associé aux notations des noms présents dans l’indice estimé à 249pb. La prime nette du risque de défaut anticipé se chiffre à 49pb.
Sur le CDX américain (378pb), la prime après déduction des défauts anticipés (évaluée à 282pb) atteint 92pb.

 

Liquidation avant la capitulation?

Le cycle boursier fait souvent intervenir la psychologie des investisseurs. La rapidité du plongeon des indices boursiers a surpris nombre d’intervenants entrés tardivement dans le rally boursier de 2019. Les mains faibles sont les premières à vendre. Ce sont les les plus liquides comme les actions de grande capitalisation qui s’ajustent en priorité. La première jambe baissière efface la hausse excessive engendrée par l’assouplissement monétaire de la Fed entamé en septembre dernier. Ensuite les spéculations sur l’ampleur du coût économique associé à l’épidémie de Covid-19 et à la réponse des autorités monétaires et des gouvernements ont provoqué un surcroit de volatilité.

Tous les regards tournés vers la Fed

Invariablement, les regards se tournent vers la Fed, toujours prompte à baisser les taux en cas de turbulences boursières. Jerome Powell s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué reprenant les éléments de langage qui avait préfiguré la baisse de taux de juillet de juillet dernier. Une réduction des Fed Funds (25 ou 50pb?) semble acquise pour mars. Idéalement la Fed devrait signaler le caractère assurantiel de l’intervention à venir quitte à aller au-delà des pour couper court aux spéculations sur un cycle complet de baisses de taux. Le marché intègre désormais 100pb d’allègement à l’horizon de la fin d’année. De fait, l’économie américaine ne requiert aucun soutien à ce stade. L’investissement résidentiel progresse rapidement avec la chute des taux à long terme. Le refinancement des dettes hypothécaires libère des ressources pour alimenter la consommation.

Les sempiternels appels à la relance budgétaire traduisent
le manque de marges de manoeuvre monétaire.

La plupart des enquêtes conjoncturelles s’améliorent également de sorte que la croissance entre janvier et devrait avoisiner 2,5%Ta. En Chine, les sondages (PMI, Cheung Kong, enquête PME de Standard Chartered) traduisent évidemment un effondrement de l’activité en février. La détente des conditions financières est une chose, mais les perturbations sur la chaine de valeur mondiales perdureront. Par ailleurs, les pertes d’activité dans les services sont irrécouvrables à court terme. L’effet de toute relance budgétaire dépendra de la reprise d’activité des travailleurs chinois. La trésorerie des entreprises sera sans doute mise à mal malgré la détente monétaire. En outre, la hausse rapide de l’inflation chinoise porte un coup supplémentaire à la consommation des ménages. Les prix alimentaires sont en hausse de 20% sur un an. L’Europe résiste.

L’épidémie affecte une économie européenne qui montrait des signes d’amélioration. Le nombre de cas en hausse en Italie motive une réponse budgétaire chiffrée à 3,6 milliards d'euros en 2020 (0,2pp de PIB). Les sempiternels appels à la relance budgétaire traduisent le manque de marges de manoeuvre monétaire. La pression sur les marges bancaires via l’aplatissement des courbes interdit toute action de la BCE sur les taux.

Au mieux, la BCE pourrait élargir les critères d’éligibilité des titres à son programme d’achat. Aucune décision n’est attendue à court terme après une communication liminaire de Christine Lagarde. La Banque du Japon s’est montrée plus volontariste en augmentant sensiblement le rythme de ses achats d’ETFs actions.

La Fed est sous pression et la pente
de la courbe s’accentue de nouveau.

Les marchés d’actions concentrent évidemment l’essentiel de la pression vendeuse. Le positionnement acheteur net sur le contrat à terme du S&P 500 était similaire à janvier 2018. Cela explique sans doute les premiers décrochages engendrant en cascade l’activation de stop. Les performances sont très homogènes ce qui traduit les ventes de contrats à terme et l’importance de la gestion passive (ETFs et autres fonds indiciels) sur les marchés. Les volumes étoffés en fin de mois s’apparentent peut-être à un mouvement de capitulation. Il est néanmoins trop tôt pour envisager un rebond pérenne des indices boursiers. La volatilité implicite demeure élevée. En Europe, on retient le nouvel effondrement des banques pénalisées par la rechute des rendements obligataires. Les valeurs cycliques payent leur rebond prématuré de l’automne dernier.

Sur le plan des flux obligataires, on observait depuis quelques semaines un redressement des achats nets de Treasuries par les Banques Centrales en amont des turbulences boursières. Cela avait initialement engendré une hausse du dollar effacée depuis au profit de l’euro et du yen. La Fed est sous pression et la pente de la courbe s’accentue de nouveau. Il convient de maintenir un biais acheteur compte tenu de la volatilité des marchés boursiers. Le niveau bas des taux en zone euro ne laisse aucune marge à la BCE.

L’aplatissement devrait se poursuivre sur le segment 2-10 ans (20pb). L’émission de 30 ans allemand (1 milliard d'euros) sera révélatrice de la réalité de la demande d’emprunts publics à rendements très négatifs (-0,17% à 30 ans). Les spreads périphériques souffrent de la hausse de l’aversion pour le risque malgré le déploiement constant du programme d’achat de la BCE. Le BTP italien s’échange à 177pb à 10 ans. L’Espagne et le Portugal suivent (>90pb). Les swap spreads s’élargissent sous l’effet de la demande de Bund et de la hausse perçue du risque bancaire.

Les ETFs sur le marché du high yield américain connaissent des sorties massives au profit des Treasuries et des MBS. La chute du brut (WTI sous 45 dollars) accentue la pression sur le secteur pétrolier. Une hausse des défauts de paiement est inévitable en 2020. Le secteur du loisir est également en difficulté (écartement de 200pb en février). La prime de risque se reconstitue sur les marchés de dette spéculative. Selon nos estimations, le CDX HY offre près de 100pb de marge par rapport au spread compensant les défauts anticipés (374pb vs. 282pb). Les flux vendeurs sont moins importants sur l’investment grade des deux côtés de l’Atlantique. Toutefois, le crédit en euros s’élargit de 25pb sur une semaine.

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