Or: la demande des banques centrales émergentes reste un soutien clé

Yves Hulmann

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Selon Krishan Gopaul du World Gold Council, la réouverture de la Chine aidera à compenser l’atonie de la demande en Inde pour la bijouterie.

L’évolution de la demande pour l’or a été contrastée selon les régions et les segments de marché durant les trois premiers mois de cette année, a indiqué le dernier rapport «Gold Demand Trends» publié vendredi par le World Gold Council basé à Londres. Alors que la demande globale (hors marchés OTC) pour l’or a reculé de 13% en rythme annuel au premier trimestre, on a pu au contraire observer un redressement du marché OTC, qui a porté la demande globale à 1174 tonnes, soit une légère hausse de 1% par rapport à la même période de 2022.

Si la demande provenant des banques centrales a été soutenue, marquant même un record au premier trimestre, ainsi celle pour l’or détenu sous forme physique en lingots ou en pièces, elle a été en revanche nettement plus faible dans le segment de la bijouterie. Krishan Gopaul, analyste senior auprès du World Gold Council, a commenté les tendances pour le premier trimestre lors d’un entretien avec Allnews.ch.

Le retour de la Chine n’éclipse pas encore la faible demande indienne

S’agissant des principaux moteurs de la demande pour l’or au premier trimestre 2023, Krishan Gopaul observe que comment souvent il y a eu différents facteurs, évoluant parfois de manière contradictoire, qui ont influencé la demande globale pour le métal précieux. «Et c’est aussi l’occasion de souligner la grande diversité de la demande pour l’or», fait-il remarquer. Selon l’analyste, il est aussi intéressant de noter que la demande pour les barres et les pièces d’or a augmenté de 5% au premier trimestre en comparaison annuelle. A l’inverse, le segment de la bijouterie est resté pratiquement inchangé au premier trimestre, notamment en raison de la faiblesse de la demande en Inde (-17% au premier trimestre en comparaison annuelle), qui n’a pas encore pu être compensée par le rebond de la demande en Chine.

«Les acheteurs sont davantage sensibles à un approvisionnement responsable ou à la réduction des émissions relatives à l’extraction de l’or.»

Qu’attend-il pour la suite en Chine? Certes, «il y a déjà un net rebond de la demande en Chine au premier trimestre, porté par la fin des restrictions liées au COVID-19 mais aussi par le Nouvel-An chinois. Maintenant, concernant la demande pour le deuxième trimestre, nous sommes nettement plus prudents, compte tenu de l’absence de festivités durant cette période. Le deuxième trimestre est souvent une période calme en Chine», observe-t-il.

Singapour, premier acheteur entre janvier et mars

La demande des banques centrales, qui ont ajouté 228 tonnes à leurs réserves globales au premier trimestre, reste un pilier important du marché. Quelles banques centrales sont les plus actives sur ce plan et pourquoi? «La demande provient principalement de banques centrales de pays émergents, complétée par les achats de certains instituts d’émission de pays développés à l’exemple de Singapour qui a acheté 69 tonnes d’or au premier trimestre. Parmi les banques centrales des pays émergents, la Banque populaire de Chine (BPC) a acheté 58 tonnes d’or, la banque centrale de Turquie 30 tonnes. La banque centrale indienne, avec 7 tonnes, est aussi un acheteur régulier», explique-t-il.

Quant à savoir pourquoi les banques centrales achètent de l’or, le spécialiste met en évidence les aspects suivants: «Ces achats sont surtout motivés par des raisons de diversification de leurs actifs, la volonté de se protéger contre l’inflation mais aussi par l’absence de risque de contrepartie lorsque l’on détient de l’or. Par ailleurs, il faut aussi garder à l’esprit que, en dépit de ces achats, les banques centrales des pays émergents détiennent proportionnellement toujours moins d’or que celles de pays développés. Les instituts d’émission aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Suisse restent d’importants détenteurs d’or», met-il en perspective.

Les «cryptos» ne représentent qu’une concurrence marginale.

Jusqu’à l’an dernier, on a parfois entendu dire que les cryptomonnaies allaient devenir le nouvel «or numérique». Les «cryptos» pourraient-elles devenir une concurrence sérieuse pour l’or? L’expert relativise: «Je pense qu’il s’agit de catégories d’actifs très différentes. D’une part, car les cryptomonnaies, comme on a encore pu le voir en 2022, sont des actifs très volatils. D’autre part, nous n’avons vu un effet de la concurrence des cryptomonnaies en tant qu’actif de diversification que de manière très marginale jusqu’à présent.»

Les discussions sur la durabilité et les critères ESG concerne désormais tous les types de placement. Comment analyse-t-il cette évolution s’agissant de l’or? «On voit effectivement que les aspects liés à la durabilité gagnent en importance dans tous les domaines. Concernant l’or, les acheteurs sont davantage sensibles à un approvisionnement responsable ou à la réduction des émissions relatives à l’extraction de l’or», observe-t-il.

Les vents contraires s’affaiblissent

Au sujet des perspectives pour le reste de 2023, le World Gold Council s’attend à une progression de la demande cette année, notamment dans le contexte de l'affaiblissement des vents contraires qui étaient jusqu’ici liés à la vigueur du dollar américain et aux hausses des taux d'intérêt. La demande positive des ETF sur l’or s'est poursuivie au début du deuxième trimestre et la menace imminente d'une récession dans les marchés développés pourrait déclencher une accélération des afflux plus tard dans l'année, anticipe l’organisation. Autre facteur important: les achats effectués par les banques centrales devraient rester importants et constituer la « pierre angulaire de la demande » tout au long de l'année 2023, même s’ils pourraient rester à des niveaux inférieurs aux records de l’an dernier.

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