Nous retirons quelques jetons de la table

Yves Bonzon, Julius Baer

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Pendant la phase de turbulences de mars dernier, nous avons augmenté les actions suisses. Depuis lors, les marchés se sont redressés au-delà de nos attentes.

UNE TRÈS FAIBLE RÉDUCTION DU RISQUE 

Les marchés financiers ont été très calmes ces derniers jours. L’indice de volatilité CBOE (VIX), qui mesure la volatilité sur l’indice S&P 500, s’est stabilisé entre 20% et 23%. Le marché suisse des actions présente des caractéristiques défensives lorsque l’incertitude est élevée à court terme. À long terme, les actifs suisses et le franc suisse sont l’une des meilleures réserves de valeur. Pendant la phase de turbulences de mars dernier, nous avons augmenté les actions suisses. Depuis lors, les marchés se sont redressés au-delà de nos attentes et le marché suisse en a pleinement profité avec une hausse de 15% en francs suisses et de 19% en dollars américains. Le fait que les taux d’intérêt à long terme n’aient pas augmenté lorsque l’économie s’est redressée en mai et juin a grandement aidé le marché suisse, qui abrite une pléthore de titres défensifs de longue durée. Dans les semaines à venir, le potentiel de baisse des taux d’intérêt à long terme semble limité. De plus, la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle américaine promet d’apporter son lot de nouvelles, bonnes et mauvaises. D’une part, le président américain fera tout son possible pour soutenir la croissance jusqu’à l’élection, en particulier en tentant par tous les moyens d’annoncer un vaccin contre la COVID-19, ce qui en l’occurrence profiterait davantage aux actions cycliques qu’aux actions défensives. D’autre part, le potentiel de mauvaises surprises est intact. Joe Biden est en tête des sondages, mais rien n’a encore été décidé. S’il est élu, son programme devrait en fin de compte soutenir la reprise, mais les investisseurs pourraient craindre un parti pris politique trop orienté à gauche. C’est pourquoi nous sommes enclins à prendre à la marge quelque bénéfices et à augmenter légèrement l’allocation en liquidités. Le produit de la réduction des actions suisses est conservé en francs suisses dans tous les profils de portefeuille concernés. 

OBLIGATIONS EN RENMINBI 

Avec la mise en oeuvre récente de notre position sur les obligations libellées en renminbi, notre allocation à la Chine est désormais conforme à nos perspectives séculaires. Après une décennie record 2010-2019 pour le portefeuille américain 60/40 (60% actions, 40% obligations), nous avons choisi son équivalent chinois pour la décennie à venir lorsque nous avons actualisé nos perspectives séculaires l’automne dernier. L’exposition à la monnaie chinoise se fait au détriment du dollar américain, qui montre des signes de fatigue après la forte hausse de la décennie précédente. La Chine est aujourd’hui le seul grand pays à appliquer un dosage de politiques macroéconomiques conservateur, sans assouplissement quantitatif et avec des taux d’intérêt réels positifs. Le marché obligataire intérieur chinois est l’un des derniers à offrir un rendement nominal supérieur à 3%. 

LA FED À JACKSON HOLE 

La réunion annuelle virtuelle des banquiers centraux à Jackson Hole sera le point culminant de la semaine. Les observateurs qui décryptent les banques centrales s’attendent à ce que M. Powell préannonce un changement dans l’approche de la Réserve fédérale (Fed) en matière de ciblage de l’inflation. Dorénavant, la banque centrale se permettrait de dépasser son objectif d’inflation de 2% si celui-ci n’était pas atteint précédemment. En d’autres termes, l’objectif serait le niveau de l’indice des prix, et non plus le niveau d’inflation sur 12 mois glissants. En revanche, la perspective d’un contrôle de la courbe des taux est exclue – pour le moment – après la publication du procès-verbal de la réunion du Comité fédéral de l’open market qui s’est déroulée en juillet. Le contrôle de la courbe des taux ne manquera pas d’arriver, mais pour cela, l’économie devra d’abord se remettre sur les rails et la courbe des taux devra se raidir. 

LES LIQUIDITÉS SUBMERGENT TOUT LE RESTE 

Le facteur numéro un qui soutient les actions reste clairement la croissance des agrégats de masse monétaire. Cet argent doit être investi quelque part et les actions restent la classe d’actifs liquides la moins chère. Au cours des prochaines semaines, nous ne nous attendons pas à ce que les banques centrales changent de direction. Toutefois, au sein de l’équilibre des politiques budgétaires et monétaires, c’est le volet fiscal qui est le plus fragile. Contrairement à la politique monétaire, qui est décidée unilatéralement par les banques centrales, le soutien budgétaire nécessite un processus de validation politique et doit être revu périodiquement. 

À ce stade, la pandémie n’est pas encore résolue. Les cas diminuent aux États-Unis, mais s’accélèrent en Espagne et ailleurs en Europe, ce qui entrave la reprise. Plus le produit intérieur brut restera en dessous de son niveau de fin 2019, plus la perte de revenus des entreprises sera importante. Selon certaines estimations, il manquerait plus de 15’000 milliards de dollars de revenus, correspondant à un trou d’ampleur identique dans les bilans des entreprises les plus touchées. L’abondance des liquidités, associée à une reprise modérée, a entraîné un effondrement de la volatilité du marché obligataire (voir le graphique de la semaine). Nous savons par expérience que les marchés financiers modernes creusent leurs propres failles lorsque la volatilité reste trop faible pendant trop longtemps, comme ce fut le cas en 2017, ce qui nous a conduit au choc de volatilité de janvier 2018. Il est impossible de prévoir quand le positionnement accumulé des investisseurs entraînera une rupture après cette période de calme excessif. Le danger, cependant, est bien présent. De fait, c’est lorsque la volatilité est élevée que les marchés sont les moins risqués.

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