Ne pas ignorer la crypto-réglementation

Hans-Jörg Morath, Digital Asset Solutions

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Chronique blockchain. Les USA renforcent le cadre juridique pour les actifs numériques. En Europe, un ensemble de règles a été adopté pour le secteur. Ce n'est pas sans risque pour la Suisse. 

La réglementation des marchés financiers aux États-Unis est complexe. Plusieurs autorités sont impliquées, comme la Securities and Exchange Commission (SEC), la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), la Réserve fédérale ainsi que d’autres agences.

Le Congrès devrait définir le domaine de compétence respectif. Cependant, en raison de la polarisation du système de partis, aucun cadre juridique pour les actifs numériques n’a encore vu le jour. Au lieu de cela, les deux partis font de la politique avec des projets de loi (bills) contradictoires, qui ont préparé le terrain pour que la SEC fasse cavalier seul.

L’approche agressive des régulateurs

L’approche agressive des régulateurs inquiète, les plaintes de la SEC contre d’importants prestataires de services sont actuellement au centre de l’attention. Les quatre plus grandes plates-formes de crypto-trading Coinbase, Binance, Kraken et Gemini sont directement concernées, d’autres mesures de l’autorité suivront probablement. Il est évident que la vis est serrée. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’un nombre croissant d’entreprises de cryptographie basées aux Etats-Unis ouvrent des filiales à l’étranger.

Grâce à la politique et à la réglementation, la Suisse a pu assurer très tôt la sécurité juridique nécessaire à l’éclosion de ce que l’on appelle la «Crypto Valley». La Finma a été l’un des premiers régulateurs au monde à publier des directives pour l’émission de cryptomonnaies (Initial Coin Offerings, ICO). L’octroi de licences bancaires aux cryptobanques SEBA et Sygnum en 2019 a constitué une autre première mondiale. Et la «loi DLT» a créé, à l’été 2021, la base juridique pour le traitement des titres numériques de la blockchain. Jusqu’à présent, ces étapes ont contribué à l’établissement de plus de 1000 crypto-entreprises.

La Suisse officielle et les acteurs de la cryptographie feraient bien de suivre de près l’évolution de la législation aux États-Unis et en Europe.
Le secret bancaire nous salue

Toutefois, c’est rarement une bonne idée pour les juridictions de vouloir faire des affaires avec une législation fondamentalement différente de celle des États-Unis. La Suisse, en particulier, a fait des expériences pertinentes et négatives en la matière (voir secret bancaire). Les responsables en Suisse feraient donc bien de suivre de près les activités législatives aux Etats-Unis dans le domaine des actifs numériques - et d’en tirer à temps les conclusions nécessaires pour leur propre cadre législatif.

L’évolution aux États-Unis représente également un défi pour les acteurs locaux du secteur de la cryptographie. Ils ne doivent pas compter sur le fait qu’ils font tout correctement tant qu’ils respectent le cadre légal suisse. Le secteur est connu pour sa pensée globale et responsable, voire en partie libertaire. Cela devrait permettre d’avoir une vision d’ensemble et d’en tirer les conclusions nécessaires.

Mieux vaut anticiper que regrette

A cela s’ajoute le fait que des changements ne se dessinent pas uniquement aux Etats-Unis, mais aussi dans l’UE: Après plusieurs années de débat au Parlement européen, les instances compétentes de l’UE ont récemment adopté le premier ensemble de règles pour les fournisseurs de services de cryptographie. Certains aspects sont identiques à ceux du droit suisse, notamment en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

L’interprétation d’autres domaines n’aura toutefois lieu que d’ici 2025, et il faudra voir s’il y a des divergences avec la législation suisse – ce qui obligerait probablement la Suisse à agir: l’UE insiste clairement, comme dans d’autres domaines, sur le respect de ses prescriptions dès que des prestataires de services servent des clients dans l’Espace économique européen.

La Suisse officielle et les acteurs de la cryptographie feraient bien de suivre de près l’évolution de la législation aux États-Unis et en Europe – et d’agir en anticipant plutôt que de réagir (trop tard).

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