Néonicotinoïdes: le jour d’après

Andrea Astone, BMO Global Asset Management

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Parmi les entreprises impliquées dans la production de néonicotinoïde, toutes ne sont pas prêtes à discuter des risques concernant la biodiversité.

Les néonicotinoïdes sont une classe de produits toxiques employée comme insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes. Plusieurs études démontrent que les effets de ces pesticides sur la biodiversité risquent de perdurer à long terme, quand bien même leur utilisation est interdite en Europe depuis fin 2018, tant la contamination des sols est sévère.

En avril 2018, les Etats membres de l’Union européenne adoptaient la proposition de la Commission européenne d’interdire l’usage de néonicotinoïdes jugés dangereux pour les insectes pollinisateurs et en particulier les abeilles. 

Dans le cadre de notre engagement vis-à-vis de la sécurité chimique et des risques d’atteinte à la biodiversité, nous avons procédé à un examen des pratiques d’entreprises agrochimiques. L’objectif était d’évaluer leurs réponses aux nouvelles règles.

Il existe néanmoins une prise de conscience accrue des risques
découlant de la réglementation et de la nécessité d’innover.

Les dix entreprises impliquées dans la production de néonicotinoïdes avec lesquelles nous avons dialogué étaient les suivantes: FMC Corp, Nufarm Ltd, K+S AG, Israel Chemicals Ltd, Monsanto Co, Yara International ASA, Mosaic Co, CF Industries Holdings inc., Syngenta AG et BASF SE. Six d’entre elles se sont montrées réceptives. Mais elles n’étaient pas toutes prêtes à discuter en profondeur de leur gestion des risques concernant la biodiversité. Les échanges ont néanmoins permis de constater qu’il existe une prise de conscience accrue des risques découlant de la réglementation et de la nécessité d’innover.

Parmi les entreprises avec lesquelles nous avons engagé le dialogue, les réponses de BASF, Mosaic, CF, Nufarm et FCM nous ont donné une impression positive. Certaines d'entre elles commencent à se baser sur les normes réglementaires les plus strictes pour évaluer le risque auquel elles se trouveraient exposées si ces normes venaient à être appliquées au niveau mondial. 

Vers des produits de substitution

Plusieurs entreprises ont également affirmé être conscientes de la nécessité de proposer des produits de substitution et ont lancé des programmes de R&D dans ce sens. Cependant, toutes les alternatives aux néonicotinoïdes ne sont pas sans danger pour les pollinisateurs. C’est le cas des produits à base de flupyradifurone et de sulfoximine. De récentes études ont en effet montré qu'ils pouvaient avoir des effets secondaires importants, si bien que certains pays ont commencé à interdire leur utilisation. 

Les biopesticides pourraient véritablement
contribuer à une approche plus durable.

Ceci démontre qu’il est important de veiller à ce que des ressources consacrées à la mise au point de nouvelles générations de pesticides soient sans danger pour la biodiversité. C’est le cas des biopesticides qui pourraient véritablement contribuer à une approche plus durable. 

La réglementation sur les néonicotinoïdes ne touche pas seulement les entreprises agrochimiques, mais aussi les agriculteurs qui craignent pour le rendement de leurs cultures. Tout en encourageant le développement de substituts aux néonicotinoïdes, il convient donc également de consentir des efforts d’information et de soutien à la communauté agricole. 

Les entreprises agrochimiques ont un rôle central à jouer pour favoriser cette évolution. Et en tant qu’investisseurs, il est important que nous les encouragions à progresser dans leur reconnaissance de la biodiversité en tant que problème de gouvernance important et concret ainsi que dans leur prise en compte des réglementations les plus strictes comme référence en matière de risque et de conformité. Elles doivent également s’efforcer à plus de transparence en ce qui concerne les impacts de leurs produits sur la biodiversité et développer leurs recherches concernant les produits phytosanitaires qui ont un impact moindre sur la biodiversité. Enfin, elles doivent être encouragées à s’engager aux côtés des agriculteurs et à leur offrir des programmes d’information concernant les impacts de leurs produits sur la biodiversité ainsi que les méthodes agricoles alternatives.

Étude de cas: BASF

Estimant que BASF serait affectée par l'interdiction de l'Union européenne, nous lui avons donné la priorité dans notre plan d'engagement. Nos questions ont porté sur sa prise en compte des considérations relatives à la santé des abeilles dans sa stratégie de développement de produits. 

BASF a formalisé la protection des abeilles
dans son processus de R&D depuis 2019.

Forte d’une équipe de 250 personnes travaillant à la sécurité des produits chimiques, l’entreprise dispose de procédures bien rodées, mais nous avons cherché à comprendre en quoi elles pouvaient l’aider à s'adapter à une situation réglementaire qui évolue rapidement. 

BASF nous a informés que, depuis 2019, la protection des abeilles est formalisée dans son processus de R&D. Les experts apicoles effectuent des tests toxicologiques à un stade précoce du cycle de développement des produits, et seuls ceux qui ne causent pas de mortalité chez les abeilles font l’objet de développements ultérieurs. 

BASF a également organisé des formations pour les agriculteurs afin d'éduquer les petits exploitants sur les manières adéquates d'utiliser les produits afin d’éviter de nuire à la biodiversité. L’entreprise a également effectué des recherches sur les produits après leur vente pour mesurer leur impact sur le terrain. 

Nous avons été impressionnés par le niveau de précision des informations fournies par l’entreprise, mais cela ne permet pas de limiter entièrement les risques, en particulier compte tenu de la complexité de l'intégration d’une partie des actifs de Bayer.

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