Mi-temps 2019 – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

6 minutes de lecture

Bilan intermédiaire assorti de bonnes perspectives. Supertrends: des phares dans la tourmente.

Les jours se sont bien allongés et le solstice d’été approche. Comme nous arrivons donc à la moitié de l’année, le moment est opportun pour tirer un bilan intermédiaire. C’est ce qu’a fait le Comité de placement du Credit Suisse lors de sa dernière réunion. Après un solide premier semestre, nous avons abaissé à neutre notre opinion sur les actions des pays émergents et investissons nos prises de bénéfices dans des obligations de ces pays libellées en USD afin d’accroître la diversification. En outre, nous expliquons pourquoi le marché haussier et l’économie mondiale restent globalement sains en dépit de l’élévation des risques. Nous étudions ces derniers en détail et signalons les facteurs auxquels la Suisse devrait prêter attention pour conserver sa compétitivité. Notre analyse des Supertrends constitue elle aussi une sorte de bilan intermédiaire. Sa version actualisée très attendue est à présent disponible. Elle met en évidence des possibilités structurelles de placement qui ne s’arrêtent pas aux cycles boursiers traditionnels.

Bilan intermédiaire assorti de bonnes perspectives

Après une absence due aux jours fériés, nous procédons aujourd’hui à une sorte d’état des lieux de milieu d’année. À la différence du football suisse, où les Berner Support Club Young Boys remportent la première mi-temps et donc l’ensemble de la saison 2018/2019, on observe un changement de leadership sur les marchés boursiers cette année. Alors que les «ours» se profilaient encore en tête du classement en 2018, ce sont les «taureaux» qui ont dominé la compétition au premier semestre 2019. Un regard sur les dix années écoulées révèle que ces derniers affichent aujourd’hui un score de 7:3 dans la course à la performance. Aucun doute là-dessus. Ce rythme – deux pas en avant et un en arrière, comme dans la «procession dansante d’Echternach» au printemps – correspond probablement à la cadence naturelle d’une hausse de longue durée. Toute personne capable de supporter des revers obtiendra de meilleurs résultats en investissant à long terme. Voilà la leçon la plus évidente que les investisseurs peuvent tirer de ce premier semestre.

Cette année, les marchés boursiers de certains pays émergents et des États-Unis ont caracolé en tête de liste – parfaitement en phase avec notre stratégie de placement. En Europe, c’est la Suisse qui s’est retrouvée en haut du classement. Et dans la comparaison indépendante des gestionnaires de fortune réalisée à l’échelle internationale, nous sommes parvenus à accroître l’avance de la House View du Credit Suisse en termes de performance sur les dernières périodes d’un, de trois et de cinq ans. Jusqu’ici, rien à redire.

Néanmoins, alors que les investisseurs se réjouissent de ce bon semestre boursier, les «ours» déplorent que ces résultats s’accompagnent d’un ralentissement conjoncturel qui pourrait les rendre précaires. En deuxième lieu, nous retenons par conséquent que la bourse et l’économie évoluent rarement de manière synchrone. Les investisseurs ne doivent pas se fonder sur des règles universelles, mais sur l’ensemble des circonstances. Deux questions s’imposent donc: premièrement, quelle est la situation de la Suisse et de l’économie mondiale aujourd’hui? Et deuxièmement, combien de temps la hausse s’étalant sur toute la dernière décennie (de 2009 à 2019) peut-elle encore durer?

Tableau général de la Suisse et de l’économie mondiale

L’économie suisse et l’économie mondiale se portent mieux qu’on ne pourrait le croire. Certes, la croissance mondiale a ralenti à quelque 3% en 2019, comme nous l’anticipions, mais nous ne partageons pas pour autant les craintes récessionnistes. Bien entendu, nous sommes conscients des problèmes rencontrés par la branche automobile allemande ou du blocage des réformes en Italie, et nous ne regardons pas à travers des lunettes roses la hausse des salaires, la baisse de la compétitivité britannique ou encore la pénurie de placements financiers induite par les intérêts à taux zéro. Pourtant, j’entends dire presque quotidiennement par des entrepreneurs suisses et d’autres décideurs que les perspectives commerciales de la plupart des sociétés de notre pays sont toujours «étonnamment» positives. «Étonnamment» parce que les gros titres alarmistes des médias font craindre le pire. Quoi qu’il en soit, la bonne humeur de mes interlocuteurs trouve également écho dans les statistiques. 

Bien entendu, la Suisse ne peut pas poursuivre son «mini-boom» économique de l’année dernière. Nulle part les arbres ne montent jusqu’au ciel. Mais les branches les plus importantes – construction, industrie pharmaceutique, finance et tourisme – sont globalement saines. De même, notre compétitivité, nos exportations et notre consommation ne suscitent pas le pessimisme. Nous nous attendons toujours à une croissance de 1,5% cette année et ce, pratiquement sans inflation.

Néanmoins, aucun pays ne peut vivre en autarcie, du moins sur le plan économique. C’est particulièrement vrai dans le cas de notre petite Suisse mondialisée. L’UE est notre principal partenaire commercial. Selon l’Administration fédérale des douanes, nous réalisons 60% de notre commerce extérieur avec elle, suivie par les États-Unis et la Chine. C’est pourquoi un échec des négociations actuelles concernant l’accord-cadre que nous souhaitons conclure avec l’UE serait sans aucun doute préjudiciable à la compétitivité de la Suisse. 

Voici quelques indicateurs mondiaux qui devraient être importants pour l’évolution de l’économie:

Croissance 

En dépit de la guerre commerciale, l’économie mondiale progresse encore de manière modérée. Bien que la croissance ait ralenti et que la question des échanges internationaux inquiète les décideurs, les statistiques n’annoncent pas de récession. Le conflit commercial demeure néanmoins un risque dont l’issue est inconnue.

Les taux de croissance de la production industrielle mondiale et du commerce signalent eux aussi une décélération de l’expansion, mais pas une récession. En mars dernier, les exportations mondiales ont à nouveau progressé de 2,1%.

Consommation

La consommation, principal pilier de la conjoncture dans les pays industrialisés, tire profit des bonnes perspectives du marché de l’emploi et de la hausse des salaires. C’est particulièrement le cas en Suisse, dont le niveau des salaires est élevé et la performance économique (environ 80’000 francs par habitant) correspond pratiquement au double de celle de l’UE. Les salaires horaires réels augmentent également aux États-Unis, qui sont le plus grand marché de consommation du monde (voir graphique 3).

Productivité

Il y a une bonne nouvelle à cet égard: jusqu’ici, la progression des salaires n’a pas induit d’inflation parce que les entreprises sont contraintes de compenser les coûts salariaux par une augmentation de la productivité. C’est pourquoi celle-ci est en hausse depuis vingt trimestres consécutifs aux États-Unis. Il faut également relever un autre point: en cas d’élévation des salaires et de manque de main d’œuvre, les sociétés font tout pour accroître la productivité par salarié. De nombreux entrepreneurs suisses me le confirment. Souvent, la technologie de l’information agit comme un véritable catalyseur de solutions bénéfiques pour tous: les salariés et les entreprises gagnent davantage, ce qui stimule au final la consommation et les investissements.

Bilans des entreprises

Comme les taux d’intérêt ont chuté à un plancher inédit, le ratio entre le service de la dette et le cash-flow a atteint aujourd’hui son plus bas depuis 1989, en dépit d’un endettement record. C’est pourquoi les inquiétudes de certains «ours» à propos de la hausse de la dette mondiale ne se reflètent ni dans une augmentation comparable des primes de risque de crédit, ni dans une progression des taux réels. 

Cette année encore, les entreprises conserveront davantage de bénéfices qu’elles n’en distribueront aux actionnaires, afin de disposer de réserves de liquidités en vue de futurs investissements. Il est vrai que la plus grande demande d’actions émane actuellement des sociétés qui rachètent leurs propres titres, mais ce phénomène signale en premier lieu un potentiel de hausse latent qui se concrétisera lorsque les investisseurs institutionnels décideront eux aussi d’étoffer leurs portefeuilles d’actions.

Inflation 

Il y a longtemps que l’inflation n’avait pas été aussi faible dans le monde. Cette situation s’explique par des raisons structurelles, lesquelles devraient se maintenir à moyen terme. Premièrement en effet, l’inflation dans les économies développées est principalement le résultat d’une concurrence effective ou réduite. Lorsque l’offre est importante et la concurrence forte, les entreprises ne peuvent guère augmenter leurs prix. C’est pourquoi Amazon, Ebay ou Ricardo – pour ne citer qu’eux – ont davantage lutté contre l’inflation que la plupart des banquiers centraux actuels. L’inflation apparaît donc en premier lieu là où la concurrence est réduite, notamment dans les secteurs réglementés comme la santé ou l’agriculture. Bien entendu, le conflit commercial pourrait la stimuler lui aussi – nos économistes estiment que le taux d’inflation aux États-Unis est susceptible d’augmenter de 0,1% ou 0,2%. Deuxièmement, le vieillissement démographique a un double effet déflationniste: d’une part, les personnes âgées consomment généralement moins que les jeunes, ce qui tend à faire baisser les prix. D’autre part, l’allongement de l’espérance de vie a pour conséquence d’inciter les institutions de prévoyance à rechercher des placements à long terme générateurs de revenus. C’est la raison pour laquelle les courbes de taux s’affaissent régulièrement dans les sociétés vieillissantes. Troisièmement, de nombreuses innovations disruptives ont un impact déflationniste. Ainsi, le streaming a fait chuter les prix des CD et des DVD, Uber exerce une pression sur les tarifs des taxis et Airbnb fait concurrence aux hôtels traditionnels. 

Taux d’intérêt

Ce sont les ménages privés, les entreprises et les États qui profitent de la stabilité des prix et des taux bas. Seules les banques centrales souhaitent une hausse de l’inflation afin de disposer d’une plus grande marge de manœuvre. Leurs instruments de politique monétaire ne leur permettent toutefois pas vraiment d’exercer une influence sur la concurrence ni, partant, sur l’inflation. Voilà pourquoi l’assouplissement quantitatif qu’elles ont pratiqué pendant une décennie ne leur a permis, nulle part dans le monde, d’atteindre durablement leur objectif d’inflation. La Banque nationale suisse a ainsi pratiquement décuplé la somme de son bilan ces dix dernières années sans obtenir d’inflation en retour. Il en va de même aux États-Unis, dans l’UE et au Japon. La stabilité des prix augmente le pouvoir d’achat des consommateurs, et le niveau bas des taux d’intérêt a généré un boom de la construction et de l’immobilier dans le monde entier ces dix dernières années, au cours desquelles d’ailleurs la baisse des taux a été plus forte que la hausse de la plupart des rendements des actions. À la surprise de beaucoup, c’est en raison de ce phénomène que les primes de risque des actions sont actuellement supérieures à leurs niveaux d’il y a dix ans dans bien des pays. En Suisse, les primes de risque moyennes des actions (c’est-à-dire la différence entre les rendements des actions et ceux des obligations) se situent aujourd’hui à plus de 7%, un niveau inhabituellement attractif. Et il y a encore un point intéressant: les taux réels sont à leur plus bas depuis plus de 150 ans dans le monde entier, ce qui devrait s’expliquer surtout par des raisons structurelles. Un facteur de plus qui s’oppose à une inversion de la tendance.

Voilà donc globalement de bonnes nouvelles – tout au moins pour les investisseurs axés sur le long terme. C’est ce qui nous amène à la question de savoir combien de temps la hausse boursière actuelle, amorcée en 2009, pourrait encore durer.

Ce qui met fin aux marchés haussiers

Les hausses sont souvent interrompues par des accès de panique temporaires (corrections allant de 5% à 20%), tandis que les facteurs de risque ci-après précèdent fréquemment un marché baissier (corrections de plus de 20%). Notre évaluation actuelle (voir tableau 2) montre pourquoi nous estimons que le potentiel de hausse est intact bien que les risques de corrections passagères après le récent rallye aient plutôt augmenté.

Supertrends: des phares dans la tourmente

Les Supertrends sont des évolutions structurelles qui résultent de nécessités intérieures. Comme ils chevauchent souvent des cycles conjoncturels, ils offrent des placements attractifs alliant des caractéristiques défensives et un potentiel de croissance. Il n’est souvent pas possible de classer les gagnants ou les perdants de tels placements dans des catégories traditionnelles (secteurs, pays, etc.). C’est pourquoi ma très estimée collègue Nannette Hechler-Fayd’herbe, CIO régional International Wealth Management et responsable Global Economics & Research au Credit Suisse, a initié il y a plus d’un an nos analyses des Supertrends sur la base de notre stratégie de placement, analyses avec lesquelles son équipe et elle-même ont remporté un grand succès. Compte tenu du contexte actuel, nous recommandons vivement la lecture de la version actualisée de ces analyses et des recommandations correspondantes (lien vers les Supertrends).

Savez-vous quelles entreprises et quels placements profiteront le plus du nouvel ordre géopolitique qui se met en place actuellement ou de la montée du populisme? Quels risques contournables ces évolutions présentent pour les investisseurs? Comment réagir le mieux possible, en termes de placement, au changement démographique de notre société? Quels nouveaux marchés sont créés par les Millennials et lesquels profitent plus particulièrement de l’allongement de l’espérance de vie? La version actualisée de notre analyse des Supertrends répond notamment à toutes ces questions, ainsi qu’à celle de savoir quelles évolutions technologiques présentent actuellement un potentiel particulièrement attractif de croissance et d’augmentation de valeur.

Les Supertrends revêtent une grande importance dans les portefeuilles de placement, et les étudier est un must pour tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de notre société.

Décisions récentes du Comité de placement du Credit Suisse

Nous restons favorables aux actions. Bien que les risques géopolitiques en particulier et la menace qu’ils représentent pour la confiance des marchés et des entreprises pèsent actuellement plus lourd que d’habitude, nous maintenons la surpondération des actions mais la réduisons un peu en prenant des bénéfices dans les pays émergents et en les réinvestissant dans des obligations de ces marchés libellées en USD. Nous pensons que la plupart des emprunts vont dégager encore des rendements légèrement positifs, et nous privilégions ceux du segment du haut rendement et des pays émergents afin d’accroître la diversification des portefeuilles.
 

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