Mesurer la pression des banques centrales

Victor Verberk, Robeco

2 minutes de lecture

Le retrait des liquidités des institutions monétaires reste un facteur déterminant sur les marchés.

Alors que le monde entre dans une ère de tensions géopolitiques et de refonte des chaines d’approvisionnement mondiales, les banques centrales poursuivent leur propre guerre: une guerre contre l'inflation. Afin de ramener l’inflation dans le droit chemin, elles pourraient avoir à infliger de désagréables réajustements à l'économie. En d’autres termes, une récession douloureuse est à venir.

Ajuster la politique monétaire

Au cours de la dernière décennie, les décideurs politiques se sont lourdement trompés dans leurs prévisions de croissance ou d'inflation. Désormais, les banques centrales s'inquiètent de voir l'inflation s'installer par le biais des salaires et du pouvoir de fixation des prix des entreprises. Cela montre à quel point prévoir l'inflation est un exercice difficile, de même que la gestion de celle-ci. Il faudra donc s’attendre à des erreurs d’ajustement de la politique monétaire.

Aussi, les banques centrales pensent qu'elles doivent faire pression sur la demande pour faire baisser les anticipations en matière d'inflation. Afin de mieux mesurer la nature de cette pression, il faut se pencher sur des exemples historiques. Ceci permet d’en apprendre plus sur la potentielle profondeur de la récession à venir.

En effet, l'histoire a démontré que lorsque l'ISM passe de 60 à 50, les spreads ont tendance à s'élargir. Ce n'est qu'une fois que la récession est reconnue, généralement lorsque les ISM et les PMI tombent sous la barre des 47-48, que le ralentissement est pris en compte. En outre, la croissance de la masse salariale ralentit en moyenne jusqu'à moins 200’000 à la fin du cycle de resserrement. En ce qui concerne l'économie américaine, elle est encore bien au-dessus de ce seuil. Par ailleurs, les conditions financières médianes en période de récession ont été historiquement beaucoup plus strictes qu'aujourd'hui. L'impact sur les taux, le pétrole et les actions a encore du chemin à faire. De plus, l'indicateur des salaires de la Fed d'Atlanta ne montre pas encore de ralentissement significatif.

Ensuite, vient le cycle du marché. Historiquement, les marchés baissiers du crédit associés à une récession durent au moins un an et demi. Pour l’instant, cela ne fait que neuf mois. En outre, l'ampleur de l'élargissement des spreads est généralement d'au moins 150 points de base, alors qu’à ce jour moins de la moitié de ce mouvement a était fait.

A quand la fin du cycle?

Il est cependant impossible de savoir précisément quand la fin du cycle de resserrement aura lieu.  Mais, les taux d'intérêt atteignent généralement un pic avant les spreads de crédit. De plus, les taux d'intérêt atteignent un pic, en moyenne, à peu près au moment de l'avant-dernière hausse des taux. Sur la base de ce cadre, Il est possible que la fin du cycle de resserrement ait lieu entre novembre ou décembre de cette année.

Il existe quelques possibilités qui pourraient modifier ce scénario. Tout d'abord, une fin inattendue de la guerre en Ukraine ou de la récession elle-même pourrait faire chuter le cours du pétrole. Ceci serait bénéfique pour l'inflation et la croissance et pourrait donner à la Fed une raison de faire une pause dans sa politique de resserrement monétaire. Deuxièmement, le pouvoir de fixation des prix des entreprises est peut-être meilleur que prévu, cela permettrait aux entreprises de rester en bonne santé. Tout bien considéré, la fin de cette phase de marché baissier n’est pas pour tout de suite, mais l’on s’en rapproche.

Le retrait des liquidités des banques centrales reste un facteur déterminant sur les marchés. Les rendements des actions et du crédit continuent d'être corrélés aux changements dans les bilans globaux des principales banques centrales du monde. Le passage de l'assouplissement quantitatif au resserrement monétaire a pour conséquence une déflation importante des prix des actifs.

Etant donné le message très clair des banques centrales selon lequel le retour à l'inflation reste leur priorité, il ne faut pas s’attendre à ce qu'un programme d'assouplissement quantitatif sauve le marché de sitôt. Au contraire, la volatilité sur les marchés risque d’augmenter. En effet, avant même que les taux se stabilisent, il est fort à parier qu’il y aura d’abord une période de baisse des rendements et de hausse des spreads

A lire aussi...