Les règles ont changé

Victor Verberk, Robeco

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L’«ennemi commun» a déclenché des réponses massives, coordonnées et non conventionnelles de la part des autorités.

Toutes les règles ont changé. Les plans de relance sont à présent financés par les banques centrales. La récession économique du deuxième trimestre 2020 est totalement inédite. Elle s’est accompagnée d’un choc de l’offre de pétrole, ce qui a doublement pénalisé les actifs risqués. Depuis, les marchés se sont redressés et considèrent le Covid-19 comme un choc de croissance.

Une normalisation des résultats est nécessaire pour justifier ce rally mais il est possible qu’elle ne se produise pas. L’«ennemi commun» a déclenché une série de réponses massives, coordonnées et non conventionnelles de la part des autorités. Toutes les règles ont changé et les plans de relance sont financés par les banques centrales.

Une correction sans précédent suivie d’une impressionnante reprise

Alors que les marchés des crédits et des actions ont connu une correction historique, la reprise a été tout aussi impressionnante. Les taux étant au plus bas, il n’y a pas de plan B et cela signifie que la liquidité et les primes de risque évolueront à la hausse comme à la baisse, au gré des circonstances.

Les dispositifs gouvernementaux parviennent à lisser, étaler
et atténuer les pertes des PME pour les banques.

Dans ce contexte, il est important de bien gérer les risques crédits. La question n’est pas de savoir quel scénario positif ou négatif est le bon, mais de savoir si l’on est récompensé pour les risques. Les spreads restent supérieurs aux niveaux médians à long terme, mais la prudence est de mise:

  • dans le High Yield, il n’y a pas de moyenne. Outre les sociétés notées BB raisonnablement valorisées, dont le levier est actuellement plus faible que chez leurs homologues notées BBB, un certain nombre d’entreprises sont en détresse et feront défaut.
  • Hormis ces faillites quasi certaines, les dérivés et ETF High Yield s’échangent de nouveau à des prix proches de leurs niveaux les plus serrés.
  • Dans le segment Investment Grade, il convient de faire attention aux crédits émergents, car de nombreux pays émergents seront moins en mesure d’assurer un soutien continu.

Les niveaux de dette sont préoccupants. Il faut savoir que si le levier brut des entreprises a considérablement augmenté ces derniers mois (probablement pour accumuler des liquidités), les niveaux d’EBITDA publiés seront très mauvais dans les prochains mois. Ce double problème poussera les niveaux d’endettement vers de nouveaux records.

On pourrait remettre en cause cette idée en affirmant qu’avec des taux qui resteront faibles encore un bon moment, les niveaux de dette ne sont plus si importants. Mais l’accès aux marchés financiers l’est. La question du refinancement est essentielle. Il semble que pour les crédits Investment Grade, ce problème soit en partie levé par les banques centrales. Mais dans le High Yield, ce sont les fondamentaux qui prévalent.

Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. Par exemple, les dispositifs gouvernementaux parviennent à lisser, étaler et atténuer les pertes des PME pour les banques. En outre, la dernière vague de TLTRO a été accordée aux banques au taux Libor moins 100 pb. Ces milliards de dollars de dette brute accordés aux banques à ce taux constituent une forme de subvention à très grande échelle. Par conséquent, et à condition qu’elles ne réduisent pas leurs portefeuilles de prêts, les banques bénéficient de subventions colossales. Pour les créanciers, c’est le moment de vendre, tant que les spreads sont intéressants.

Il n’existe tout simplement plus
de liquidité simultanée dans le crédit.

La situation actuelle est exceptionnelle et chaque entreprise est en train de renflouer son bilan. Mais pas question de parler de rachats d’actions ou même de dividendes lorsque l’on perçoit des aides gouvernementales. Bien sûr, un tel alignement est généralement une bonne chose pour les marchés du crédit. Cela fournit un contexte propice à la valorisation des spreads.

Le soutien technique des autorités exclut la liquidité simultanée

Les décideurs politiques préfèrent injecter plus de liquidités pour résorber les problèmes budgétaires qu’accepter la défaite, mais avec quelles conséquences?

Il n’existe tout simplement plus de liquidité simultanée dans le crédit. On doit vendre au plus haut, dans un contexte de rentrées de fonds communs de placement, et acheter quand les banques centrales n’interviennent pas sur les marchés pendant quelques jours. La règle consiste à être contrariant et à avoir de la trésorerie pour parer aux sorties de capitaux.

Les banques centrales sont efficaces, il faut le reconnaître. Le meilleur exemple étant le programme de rachat des crédits d’entreprises (SMCCF) de la Réserve fédérale américaine. Cependant, la seconde fois que ce programme a été annoncé, avec plus de détails concernant sa mise en œuvre, cela a déclenché un nouveau rally du crédit. Les rachats actuels sont peu nombreux, ce qui montre que la simple menace d’intervention a suffi. Précisons que la Fed ne rachètera pas d’entreprises insolvables, mais jusqu’à présent, cette mesure n’a impressionné personne.

Concernant le High Yield, le contexte technique est différent. Dans ce segment, une récession se traduit par la disparition, une fois tous les dix ans, des émetteurs les plus fragiles, et plusieurs processus de marché baissier sont en jeu. Normalement, la valeur nominale totale des crédits CCC augmente considérablement par rapport aux actifs notés B, car les entités les plus faibles glissent vers la zone grise entre le High Yield investissable et le défaut. Ce processus a débuté en mars, mais durant les deux dernières récessions, il n’a joué un rôle qu’au bout de plusieurs années. Cela est semble-t-il qu’un début. Malgré les liquidités des banques centrales, un marché baissier qui ne durerait que 5 semaines serait inhabituel, et ne correspondrait qu’à 5% de la durée des deux derniers marchés baissiers récessionnistes.

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