Les marchés financiers ont entamé une nouvelle semaine d’incertitude, les investisseurs mondiaux devant jongler entre des pressions inflationnistes persistantes et une Réserve fédérale qui privilégie la prudence à l’action. Résultat: un climat instable, dans lequel les frictions géopolitiques et le fléchissement des indicateurs économiques modifient l’appétit pour le risque et poussent à un repositionnement défensif sur l’ensemble des classes d’actifs. Au cœur de ces turbulences, un nouveau récit autour des tarifs douaniers, de plus en plus perçus comme une lame à double tranchant: facteur d’inflation, mais frein pour la croissance mondiale. Le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné ce paradoxe dans ses dernières déclarations, exprimant son inquiétude quant à une inflation commerciale qui pourrait dépasser la résilience économique. Tout en réaffirmant l’approche «attentiste» de la banque centrale, Powell a insisté sur le fait qu’«il n’y a aucune urgence» à baisser les taux – bien que les marchés envoient un message contraire.
Les contrats à terme suggèrent une probabilité de 87% de statu quo en mai, mais un virage attendu d’ici juillet: les investisseurs anticipent à 78% une baisse de 25 points de base, dans un contexte de ralentissement attendu.
Etats-Unis: résilience ou signe d’alerte?
Les données économiques américaines ont envoyé des signaux contrastés. Les ventes au détail ont augmenté de 1,4% en mars, portées par des achats anticipés de biens onéreux. Mais en profondeur, les ventes de détail de base ont ralenti à seulement 0,4%, contre 1,3% en février. Les données manufacturières se sont révélées plus inquiétantes: si l’indice Empire State s’est légèrement redressé, il reste en territoire négatif; l’enquête de la Fed de Philadelphie a montré une nette dégradation, avec une chute des nouvelles commandes.
Le modèle de la Fed d’Atlanta anticipe une contraction de 2,2% du PIB au premier trimestre, ou un résultat quasi nul une fois ajusté des distorsions liées à l’or.
Les actions américaines ont réagi avec prudence. Le S&P 500 a perdu 1,5%, le Nasdaq a reculé de 2,6%, creusant leurs pertes annuelles respectives à –10% et –16%. Tous les indices n’ont pas reculé: les small caps ont légèrement rebondi (+1,1% pour le Russell 2000), et les valeurs bancaires ont progressé de 1,9% sur fond de rendements obligataires relativement stables. UnitedHealth a en revanche pesé lourdement sur le Dow Jones, chutant de plus de 24% à la suite de résultats décevants et de prévisions pessimistes.
L’Europe surperforme, les matières premières lancent un avertissement
À l’inverse, les marchés actions européens se sont envolés – l’Italie en tête avec un gain hebdomadaire de 5,9%, suivie de l’Espagne et de l’Allemagne – portés par des résultats d’entreprises solides et un apaisement des risques politiques. En Asie, les marchés chinois et japonais ont aussi enregistré des hausses modérées mais significatives, récupérant une partie de leur retard depuis le début d’année.
Les matières premières ont raconté une autre histoire. L’or s’est envolé de 2,7% à 3 387 $/oz, portant son gain annuel à 25,8%, les investisseurs cherchant à se protéger. Les actions des producteurs d’or ont bondi de plus de 50% depuis janvier, soulignant la force de cette couverture contre l’inflation. Les prix du pétrole ont progressé légèrement, soutenus par l’espoir d’un apaisement des tensions commerciales transatlantiques et le renforcement des sanctions américaines.
Les marchés obligataires ont reflété ce repli défensif. Les rendements ont baissé: les taux à 2 ans sont tombés à 3,81%, ceux à 10 ans à 4,31%. Le dollar s’est affaibli pour la troisième semaine consécutive, surtout face au franc suisse, signe d’un repli vers les devises refuges.
Perspectives: prudence avec conviction
Les marchés restent fermement dépendants des données. Tous les regards sont désormais tournés vers les publications macroéconomiques de la semaine – des indicateurs avancés de lundi à l’enquête sur le sentiment des consommateurs attendue vendredi, qui a récemment montré des anticipations d’inflation à 6,7%, leur plus haut niveau depuis 1981.
Dans ce contexte, Petiole Asset Management préconise une posture d’investissement prudente mais active. Les portefeuilles sont calibrés avec une exposition équilibrée entre valeurs de croissance, de rendement et défensives – associée à une forte liquidité et des stratégies alternatives sélectives. Les actions préférentielles, le private equity secondaire et le crédit structuré restent des axes clés. Dans l’immobilier, l’accent est mis sur les stratégies opportunistes ou à forte valeur ajoutée – le tout intégré dans une allocation stratégique 64/36 entre actions et obligations.
Le message aux investisseurs suisses: préparez-vous à une turbulence persistante – mais sachez que des opportunités subsistent, à condition de faire preuve de sélectivité, de discipline et d’ouverture mondiale.