Marché obligataire: des opportunités à saisir

Raffaele Prencipe, DPAM

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Le retour à la normale s’inscrit dans un climat d’incertitudes. Une situation qui devrait consacrer la gestion active pour les titres à taux fixe.

©Dylan McLeod, Unsplash

 

Lors d’une sortie peu habituelle, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde annonçait le 11 janvier: «sauf chocs supplémentaires, les taux ne vont pas continuer à augmenter». Une telle situation implique en principe une plus grande prévisibilité de la politique monétaire, un rallye sur les obligations d’Etat et une augmentation des durations. Pourtant, de nombreuses incertitudes demeurent, et il n’est pas dit que la volatilité retombe de sitôt.

Un paysage économique inflammable

La décision de la BCE, jeudi 25 janvier, de maintenir ses taux inchangés, a conforté les marchés dans leur anticipation d’une baisse de 125 points de base (pb) pour l’année. Or, aux Etats-Unis, la tendance est à une résilience de la croissance, ce qui invite à la prudence.  Contre toute attente, le taux de croissance annualisé des Etats-Unis a atteint 3,3% au troisième trimestre 2023. Cette résilience est confirmée par la robustesse des indicateurs économiques nationaux en matière d’emploi et de commerce de détail notamment. En parallèle, l’inflation s’est maintenue bien au-delà de l’objectif de 2% en 2023. Face à ces chiffres, la Fed conserve donc une posture prudente, qui pourrait se traduire par une baisse des taux directeurs bien inférieure à ce qui est anticipé.

Des deux côtés de l’Atlantique, la contraction du crédit bancaire pourrait peser sur le pouvoir d’achat, alors que les impayés se multiplient, y compris chez les locataires.

L’incertitude à laquelle sont confrontées les banques centrales réside dans la fragilité de cette résilience, alors que l’Europe montre des signes importants de faiblesse, notamment dans ses secteurs industriel et manufacturier, ainsi que dans les services. Des deux côtés de l’Atlantique, la contraction du crédit bancaire pourrait peser sur le pouvoir d’achat, alors que les impayés se multiplient, y compris chez les locataires. Crise induite par le marché, nouveau choc géopolitique et hausse du chômage sont autant de risques qui pourraient faire pression à la baisse sur les taux, entrainant potentiellement une baisse allant jusqu’à 175 pb.

Pour les investisseurs, cette incertitude implique une forte variabilité des indicateurs, en premier lieu le rendement du bon du Trésor des Etats-Unis à 10 ans, qui pourrait être contenu entre 3% pour les scenarios économiques les plus moroses et 4,5% si la solidité actuelle persistait.

Divergence des politiques fiscales

Non-négligeables pour soutenir l’activité et juguler l’inflation, les politiques budgétaires adoptées de part et d’autre de l’Atlantique devraient poursuivre sur des chemins différents. Aux Etats-Unis, un haut niveau de dépenses est attendu quel que soit le vainqueur de la prochaine élection présidentielle. La différence s’observera dans les leviers utilisés (abaissement des charges pour les Républicains contre augmentation des aides pour les Démocrates). Ainsi, les projections du Congressional Budget Office (CBO) tablent sur un creusement du déficit à 2000 milliards de dollars par an de 2024 à 2033 (soit 7,3% du PIB), contre 1400 milliards en 2023. Une telle évolution, car elle va à rebours d’une politique monétaire anti-inflationniste, pourrait maintenir la Fed dans une posture attentiste. Seul un «shutdown» serait de nature à enrayer cette dynamique dépensière, et entraîner un resserrement fiscal, qui se ferait ressentir dès février.

En Europe, l’heure est à la fin du «quoi qu'il en coûte» (stratégie désignant les aides massives déployés par les Gouvernement pour contrecarrer les effets de la pandémie). La procédure de déficit excessif (PDE), action de la Commission européenne contre les Etats dont le niveau de dette dépasse les 3% du PIB, entrera à nouveau en vigueur au mois de juin.

Une prime à la réactivité

Malgré une volatilité maintenue, la normalisation de l’action des banques centrales devrait aller dans le sens d’une réduction de la prime de risque. Dans un tel contexte, une gestion active devrait permettre aux investisseurs de tirer meilleur profit de la situation. Il est à cet égard crucial de maintenir un portefeuille équilibré entre obligations gouvernementales des marchés développés et émergents, et obligations d'entreprises. Une surpondération des obligations libellées en dollars par rapport à l'euro pourrait en outre offrir l’avantage de capturer des rendements plus élevés. Enfin, l'émission croissante de titres en monnaies locales sur les marchés émergents offre l’opportunité de diversifier un peu plus l’exposition aux devises.

Dans l’ensemble plus réactifs pour lutter contre l’inflation, plusieurs pays émergents entament en effet une phase de baisse des taux. La prise de positions sur ces marchés alternatifs est intéressante, à condition de s’assurer que l’environnement est pérenne (évolution de la politique monétaire, prévisions d’inflation et mesure du risque de crédit).  Le Mexique, malgré l’ombre représentée par la dette de PEMEX sur les finances publiques, reste attrayant grâce à des rapatriement conséquents de fonds depuis les Etats-Unis. La Pologne, le Brésil, l'Indonésie et la Turquie représentent également des marchés à surveiller.

Normalisation des politiques monétaires, incertitude sur le scénario économique qui s’imposera en 2024 et reconfiguration du bloc émergent sont autant d’éléments qui imposent une posture prudente pour les investisseurs. Pour naviguer efficacement dans ce paysage en transition, les investisseurs les plus avertis privilégieront un accompagnement approfondi et une gestion active de leurs portefeuilles.

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