Investissements durables: quoi d’neuf?

Ophélie Mortier, DPAM

3 minutes de lecture

La stabilité réglementaire risque de rester un rêve pour les professionnels de la finance, car les questions sont nombreuses.

En septembre dernier, la Commission européenne lançait deux consultations portant sur l’application du SFRD, règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers. Or, si la nécessité de réglementer les investissements ESG fait consensus, en revanche le calendrier de mise en place des différents éléments de cette réglementation représente un véritable défi pour le marché.

Conçu initialement comme un cadre général regroupant les informations à fournir aux investisseurs, le SFRD est devenu une grille d’évaluation de la durabilité des produits financiers. Il s’apparente à un instrument d’étiquetage. Comme le constate la Commission: «Le fait que les articles 8 et 9 du règlement SFDR soient utilisés comme des labels ainsi que la multiplication des appellations ESG dans les différents pays semblent indiquer qu’il existe une demande pour un étiquetage de la durabilité des produits financiers». Cependant, une telle utilisation du SFRD «risque de favoriser l’écoblanchiment, ne serait-ce que parce que les concepts et définitions élaborés pour ce règlement n’ont pas été conçus dans ce but. Ils devaient au contraire permettre de couvrir une gamme de produits aussi large que possible de manière à ce que toute prétention à la durabilité doive faire l’objet d’une justification»(1).

On affine et on classe

L’idée de la commission est donc de repartir sur la base de l’approche actuelle, mais en affinant les définitions et les caractéristiques environnementales et sociales des investissements durables. Serait également précisée la notion de «dommage significatif». Par ailleurs, dans le souci de répondre à la demande d’étiquetage formulée par le marché, la nouvelle approche introduirait une catégorisation des produits en fonction de leurs stratégies d’investissement. Elle pourrait se représenter ainsi:

  1. Produits investis dans des actifs qui s’efforcent d’offrir des solutions ciblées et mesurables aux problèmes de durabilité qui affectent les personnes et/ou la planète (producteurs et distributeurs d’énergies renouvelables ou entreprises spécialisées dans la construction de logements sociaux ou dans la régénération des zones urbaines par exemple).
  2. Produits qui cherchent à répondre à des standards établis en matière de durabilité ou qui adhèrent à des principes liés à la durabilité (entreprises qui ont pu donner la preuve de l’efficacité de leur politique de gestion de l’eau et des déchets, entreprises avec représentativité élevée des femmes sur le plan décisionnel). 
  3. Produits excluant les secteurs et/ou entreprises dont les activités ont des effets négatifs sur les personnes et/ou la planète. 
  4. Produits axés sur la transition vers la durabilité: investissements dans des secteurs en phase d’alignement avec la taxonomie ou dans des secteurs en transition alignés avec la taxonomie, investissements dans les entreprises, activités économiques ou les portefeuilles qui affichent des objectifs crédibles de décarbonisation ou d'amélioration des droits des travailleurs ou encore de réduction de leur impact environnemental par exemple.

A l’heure actuelle, 53% des actifs sous gestion au niveau mondial entreraient dans la catégorie «article 8» et 3,5% seulement satisferaient aux critères de la catégorie «article 9», un constat qui reflète la nature «fourre-tout» de la catégorie «article 8»(2).

Plus de clarté SVP

Outre la typologie des produits, la consultation a soulevé plusieurs autres questions importantes portant sur les principales incidences négatives (PAI), les coûts en ressources humaines et financières ainsi que la convergence et les interactions entre les produits durables, la taxonomie et les PAI des options durables de la directive MIFID.

Le SFDR a apporté une certaine transparence, mais sans parvenir à clarifier la situation. Il s’agit donc d’un nouveau défi à relever par la Commission européenne, le marché ayant besoin de transparence, de clarté et de comparabilité. Sur le plan de la clarté, il lui faut un minimum de définitions qui permettent de parler la même langue en appliquant les mêmes règles et les mêmes principes. Il conviendrait par exemple que les objectifs durables des produits gagnent en clarté, notamment en ce qui concerne leur articulation avec les objectifs financiers. Pour ce qui concerne la comparabilité des produits, il s’agit d’assurer la cohérence des stratégies durables des détenteurs d’actifs qui investissent dans de multiples produits financiers et auprès de différents acteurs du marché. Les mois à venir s'annoncent donc passionnants!

Un calendrier chargé pour le premier semestre

1er janvier 2024: La directive européenne sur la communication des entreprises en matière de durabilité (corporate sustainability reporting directive ou CSRD) entre en vigueur pour les entreprises déjà soumises au reporting extrafinancier NFRD (Non Financial Reporting Directive). 
La CSRD impose à toutes les grandes entreprises de publier régulièrement des rapports sur les incidences de leurs activités tant sur le plan social qu’environnemental. 
Grâce à cette directive, les investisseurs, les consommateurs, les politiques et toutes les autres parties prenantes seront en mesure d’évaluer les performances non financières des entreprises.  Toutes les grandes entreprises qui ne sont pas soumises actuellement à la NFRD, mais sont concernées par la CSRD, devront publier leur premier rapport en janvier 2026.

1er janvier 2024: Les actes délégués relatifs aux objectifs climatiques qui complètent la taxonomie européenne verte ont pris effet le 11 décembre 2023 et sont applicables depuis le 1er janvier 2024. Il faut donc dorénavant publier les informations concernant l’éligibilité des investissements aux quatre derniers objectifs environnementaux de la taxonomie (économie circulaire, pollution, incidences de l’activité économique sur l’eau et la biodiversité) pour l’année 2023. La divulgation de l'alignement de la taxonomie conformément à ces actes délégués sera exigée à partir de 2025 pour les entreprises non financières et à partir de 2026 pour les entreprises financières.  

Mai 2024: Propositions concernant l’objectif climatique à l’horizon 2040

Juin 2024: Elections européennes

 

(1)  cf. Consultation ciblée sur la mise en œuvre du règlement sur la publication d’informations en matière de finance durable (SFDR), page 30
(2)  Données Morningstar

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