Lutte contre la fraude: les cryptoactifs se restructurent

Stéphane Marrache, Coinhouse

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. La régulation arrive à grands pas avec un impact important sur les acteurs du marché. Tour d’horizon de l’écosystème.

Contrairement à ce qui est souvent martelé dans certains medias, l’écosystème des cryptoactifs serait de moins en moins propice aux organisations criminelles.

Le FMI estime que l'argent blanchi dans le monde représente un montant de 800 à 2000 milliards de dollars, soit 2 à 5% du PIB mondial. Selon une étude de Chainanalysis, spécialiste des solutions de traçage et d’investigation sur la blockchain, les opérations illicites utilisant des cryptoactifs représenteraient un montant équivalent à environ 2% de la capitalisation de Bitcoin ou 1,1% de la capitalisation de tous les cryptoactifs. Le constat est que les cryptoactifs seraient donc de moins en moins utilisés par les organisations criminelles et que leur réputation sulfureuse désormais exagérée aurait simplement été le corolaire propre à l’émergence de toute nouvelle technologie disruptive.

En observant des sondages récents, on remarque aussi que l’adoption des cryptomonnaies en tant que classe d’actifs est en train d’avoir lieu: 18% des américains et 35% des Millenials auraient acheté des cryptomonnaies l’année dernière. Sans parler de grandes institutions comme Facebook ou encore JP Morgan qui ont lancé des projets comme Libra ou JP Morgan Coin.

Le Ponzi «One Plus Token» à lui tout seul aurait réussi à escroquer 3 milliards
de dollars à des petits porteurs principalement basés en Asie.
Les arnaques ont des conséquences sur la volatilité du marché

N’écartons pas pour autant l’utilisation des cryptomonnaies par le monde du crime, car son impact sur la volatilité des cours n’est pas négligeable.

Ainsi en 2019, même si l’on observe une recrudescence très importante des phénomènes de rançongiciel («ransomware») notamment auprès des entreprises, c’est indéniablement les pyramides de Ponzi qui en valeur sont les évènements les plus significatifs (estimés à presque 4 milliards de dollars sur l’année).

Le Ponzi «One Plus Token» à lui tout seul aurait réussi à escroquer 3 milliards de dollars à des petits porteurs principalement basés en Asie. Or s’il y a bien un effet collatéral, c’est que les organisateurs des Ponzi une fois leur méfait commis n’ont alors qu’une idée en tête: convertir leurs crypto monnaies obtenues frauduleusement en monnaie fiduciaire pour pouvoir plus facilement les dépenser. Compte tenu des montants en jeu et de la faible liquidité du marché des cryptoactifs, cela ne va pas sans générer très souvent de fortes perturbations sur les cours.

Ainsi, selon Chainanalysis, l’affaire du One Plus Token aurait en grande partie expliqué le décrochage des cours du bitcoin de plus de 30% en septembre 2019 dernier.

Les mesures des régulateurs bientôt appliquées

Les régulateurs ont bien conscience de ces phénomènes et semblent determinés à y remédier en renforçant la règlementation. Des recommandations ont notamment été émises par le Groupe d’Action Financière (GAFI/FATF) sous l’égide des pays du G20. Ces dernières forcent les Prestataire de Services sur Actif Numérique (PSAN/VASP) à muscler leurs procédures d’identification client (Know Your Customer - KYC) et de lutte contre le blanchiment (Anti Money Laundering - AML).

La mise en place de ces procédures aura des conséquences
en termes de coût et d’organisation.

Des préconisations ont été formulées, notamment portant sur la mise en place prochaine d’une procédure dite de «Travel Rule» qui contraindra les PSAN à recueillir et à transférer à un organisme supra national des renseignements sur ses clients et les transactions de plus de 1000 dollars (identité de l’utilisateur, numéro de compte, informations de localisation, nom et numéro de compte du bénéficiaire des transactions).

Même si certains PSAN ont jugé ces mesures liberticides, il semble désormais admis que c’est le sens de l’histoire. La «Travel Rule» devrait devenir effective dans les mois qui viennent dès que les derniers obstacles notamment technologiques seront résolus.

Attention aux conséquences pour les investisseurs occasionnels

La mise en place de ces procédures aura des conséquences en termes de coût et d’organisation et sera même de nature à reconfigurer considérablement le marché des PSAN et notamment des exchanges.

La question des exchanges de cryptomonnaies
doit interpeller dès à présent les particuliers.

La question des exchanges de cryptomonnaies doit interpeller dès à présent les particuliers. Au regard de leurs faibles taux de courtages (moins de 50bp), il n’est pas impossible qu’ils ne puissent plus offrir leurs services aux clients non professionnels, car le coût de leur KYC deviendra supérieur aux revenus occasionnels que ces derniers génèreront pour la plateforme.

Les exchanges se focaliseront alors exclusivement sur une clientèle d’investisseurs professionnels à fort volume de transaction leur permettant d’amortir le poids financier croissant des coûts réglementaires à venir.

Dans cette restructuration du secteur des cryptoactifs, le marché des investisseurs occasionnels devrait être récupéré par des intermédiaires spécialisés facturant des honoraires de courtage plus élevés que les exchanges. Ces courtiers, eux-mêmes connectés aux exchanges, joueront un nouveau rôle prépondérant dans la distribution des cryptomonnaies en assurant une sécurité dans les transactions et un respect des règlementations applicables.

La restructuration des acteurs du secteur de la distribution des cryptoactifs est en marche et s’annonce passionnante...

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