Chronique blockchain. Assurer la sécurité d’un portefeuille de cryptoactifs n’est pas simple, alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour les institutionnels.
Un bitcoin est l’équivalent d’un bon au porteur: il est liquide, non nominatif, facile à transférer et à échanger. Cette facilité d’échange a son revers: toute transaction est définitive, sans opposition possible. Perdez ou faites-vous voler la clé cryptographique qui contrôle vos bitcoins, et c’est terminé.
Pourquoi avoir créé un système aussi dangereux? Parce que le protocole a été conçu pour être décentralisé. Il n’existe pas d’acteur bancaire ou étatique qui le contrôle et qui aurait la possibilité d’autoriser ou d’interdire une transaction. Chacun est libre et responsable de ces actions sur le réseau Bitcoin. Une transaction a été exécutée? Elle est définitive sans recours possible.
Ces caractéristiques ont de quoi effrayer les acteurs habitués aux marchés traditionnels. Les transactions de crypto sont contrôlées depuis des portefeuilles au moyen de clés privées.
Perdre le contrôle de ses clés, c’est perdre l’actif sous-jacent. Du point de vue d’un investisseur, protéger ses clés est donc fondamental.
Le problème est donc bien dans la sécurisation des portefeuilles.
Il n’a que deux possibilités:
Représentées sous la forme d’une suite alphanumérique, il est possible de les conserver sur un ordinateur, un mobile, une clé usb, ou même de les imprimer sur une feuille de papier. Cette solution devient tout à fait inadaptée pour gérer des sommes importantes ou pour un investisseur professionnel.
Par ailleurs, certains chiffres laissent songeur: trois millions de Bitcoin volés ou perdus sur les 18 millions actuellement en circulation. Des piratages de places de marché dont le plus célèbre Mt Gox en 2014 a entraîné une perte de 487 millions de dollars. En 2018, plus d’un milliard de dollars de cryptoactifs ont été volés d’après Cypher Trace, le spécialiste du KYC.
Notons que le protocole Bitcoin lui-même n’a jamais été compromis. Le problème est donc bien dans la sécurisation des portefeuilles.
L’autre possibilité est de faire garder les cryptomonnaies par un tiers spécialisé dans cette activité.
Tout l’univers traditionnel des fonds cotés comme non cotés repose déjà sur des dépositaires dont la responsabilité est de conserver les actifs sous gestion logés dans des véhicules d’investissement. Dans les grands groupes cotés, des référentiels de règles internes sont mis en place depuis longtemps, interdisant de laisser des actifs sous le contrôle direct d’un salarié.
Il est donc vital de pouvoir proposer une offre crédible de crypto conservation pour compte de tiers, faute de quoi l’industrie des cryptoactifs ne pourra jamais attirer ces investisseurs.
Cette offre passe par des procédures de conservation claires, adaptées aux différents niveaux de sécurité dont les professionnels ont besoin pour pouvoir exercer sereinement leur activité d’investissement. Ces procédures ont un coût et peuvent complexifier le déplacement des fonds.
une priorité nationale pour son pays.
L’écosystème étant jeune, il n’y a que quelques acteurs financiers traditionnels qui se sont lancés dans la conservation, tels Fidelity ou bientôt l'opérateur suisse Six. Ce marché est donc dominé par des startups dont le challenge principal est d’arriver à inspirer confiance aux investisseurs professionnels. Cela passera par:
- Une régulation plus souple réglementant le statut de crypto-dépositaire et un enregistrement à la clé pour les équipes les plus légitimes;
- Une amélioration des technologies de stockage via notamment les «warm wallets» qui permettent un accès instantané au marché tout en préservant la sécurité des fonds;
- Une amélioration de l’offre que les assureurs se doivent de proposer et la création de produits d’assurance adaptés aux besoins des crypto-conservateurs et des investisseurs;
- Une offre globale à destination des investisseurs professionnels résultant de partenariats entre les dépositaires traditionnels et les crypto-dépositaires qui englobe la conservation des produits financiers classiques et des cryptoactifs.
Le Président Xi Jiping vient de faire de la blockchain une priorité nationale pour son pays. L’Europe doit réagir sans délai et investir massivement dans cette industrie. Les régulateurs ont un rôle primordial à jouer en laissant la possibilité à l’écosystème de pouvoir bénéficier de leur accompagnement et de terrains d’expérimentation pour développer des produits financiers innovants.
Gouvernements, banquiers mais aussi assureurs ont leur rôle à jouer et doivent contribuer à faire émerger de véritables champions de la conservation au niveau européen si nous ne voulons pas confier à l’avenir nos actifs financiers aux mêmes acteurs étrangers qui contrôlent déjà nos données personnelles.
Il est grand temps que les entrepreneurs français et européens de la blockchain ne soient plus considérés de prime abord comme des trafiquants de drogue ou comme blanchissant de l’argent, mais comme les pionniers des technologies et de la finance de demain.