Chronique blockchain. La DeFi allie la sécurité absolue de la blockchain avec la souplesse des smart contracts et la création de la monnaie programmable.
Il n’y rien de plus basique mais d’aussi essentiel que la monnaie. On peut la compter, l’échanger et… c’est à peu près tout. Cela fait 5’000 ans qu’elle régit nos vies quotidiennes. Mais depuis peu, la blockchain vient révolutionner la monnaie en la rendant sécurisée et programmable. Bienvenue dans l’ère de la finance décentralisée, ou DeFi.
Imaginez par exemple que le paiement d’une facture soit effectué automatiquement à réception du produit qu’elle doit régler. Bien entendu, des entreprises utilisent déjà des progiciels intégrés de gestion (ERP) pour déclencher un paiement après bonne réception d’un produit. Mais rien dans le fonctionnement actuel de la monnaie elle-même ne permet de déclencher un paiement qui dépendrait d’une condition sans passer par un tiers dit de confiance.
électronique capable de stocker et de traiter des paiements en cryptomonnaies.
La blockchain vient bouleverser tout cela grâce au «smart contract». Il porte mal son nom, car ce n’est pas un contrat au sens juridique du terme et il n’est pas intelligent dans la mesure où il ne fait qu’exécuter des ordres qui ont été programmés dans son code source.
Un smart contract contient du code informatique et un portefeuille de monnaie électronique capable de stocker et d’effectuer et/ou de recevoir des paiements en cryptomonnaies. Pour en assurer la sécurité, il est enregistré dans la blockchain, avec ses propriétés de résistance à la censure, de transparence et d’auditabilité.
Quasiment tout ce qui est programmable peut être intégré dans un smart contract. Il est simple d’implémenter des actions de transfert de fonds pour des paiements de facture par exemple ou de paris dans le cadre de jeux de hasard.
Des transactions plus complexes sont aussi possibles et se rapprochent des produits financiers ou encore des contrats d’assurance. Des données fiables hors de la blockchain doivent alors être consultées par des oracles, qui sont des services chargés d’entrer manuellement une donnée extérieure dans la blockchain. Et ce n’est qu’un petit aperçu du potentiel de la DeFi.
Tout un écosystème s’est créé autour des smart contracts et de la DeFi. Des services financiers d’un nouveau genre apparaissent. Sur 2019, la valeur investie dans cet écosystème a cru de plus de 300%, passant de 159 millions de dollars à plus de 600 millions.
Le projet le plus prometteur de cet écosystème s’appelle MakerDAO. Il permet à ses utilisateurs de séquestrer une partie de leurs cryptomonnaies dans un smart contract, dans le but de recevoir un nouveau token d’une valeur unitaire de 1 dollar, convertible en monnaie fiduciaire traditionnelle qu’ils pourront utiliser selon leurs désirs. Un système inspiré de l’hypothèque classique.
une partie de l’industrie financière classique.
La DeFi peut conquérir des marchés gigantesques, notamment dans le domaine de l’envoi de fonds ou de l’accès à de nouveaux services financiers pour la population encore non bancarisée, estimée à 1,8 milliard d’individus qui ont pour la plupart un accès au mobile et à internet à défaut de posséder un compte bancaire.
Là où ces systèmes sont encore plus innovants, c’est avec la notion de DAO, pour Distributed Autonomous Organization. Une DAO est une société dont la gouvernance est gérée par un smart contract. Des investisseurs en détiennent des parts avec des droits de vote attachés qu’ils pourront utiliser pour valider les décisions stratégiques de la société mais aussi des droits sur les dividendes. Et le tout fonctionne de manière complètement autonome et sécurisée via la blockchain.
Ces technologies font aussi la preuve de leur efficacité et de leur innovation avec l'instantanéité des transactions, l’interopérabilité et la facilité d’accès: n’importe quel individu avec une connexion internet peut participer au développement des applications ou simplement accéder aux services qui y sont proposés.
Au fur et à mesure que les fonctionnalités disponibles augmentent, les smart contracts gagnent en utilité et leur coopération mutuelle permet la création de nouveaux services toujours plus innovants.
Cependant, l’écosystème a encore de nombreux challenges à relever avant de s’industrialiser. Il souffre notamment des maux liés aux nouvelles technologies, dont en premier lieu l’expérience utilisateur. Il est en effet vital de pouvoir assurer une bonne expérience et une facilité d’usage à tous les utilisateurs, d’autant plus que l’on touche au patrimoine des particuliers ou des professionnels, domaine où la confiance reste un élément clé du succès. La gestion des clés privées reste encore l’obstacle majeur à l’adoption de ses services.
notamment sur les problématiques liées à la connaissance client.
D’autres risques sont encore présents. La réglementation reste très incertaine, notamment sur les problématiques liées au KYC (connaissance client) et au LCBFT (Lutte Contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme). Un flou peu propice au financement de l’écosystème et à l’arrivée d’acteurs majeurs susceptibles d’en accélérer l’adoption.
Le constat est sans appel: la finance décentralisée rend possible une révolution dans le domaine de la finance, comme dans de nombreuses autres activités. Elle allie la sécurité absolue de la blockchain avec la souplesse des smart contracts et l’invention du concept de monnaie programmable. Cet écosystème sera-t-il capable de disrupter des marchés de plusieurs trilliards de dollars actuellement dans les mains des établissements financiers? Peut-il démocratiser de nouveaux usages grâce aux nombreuses propriétés offertes par le monde des actifs numériques? Réponse dans les années qui viennent…