Chronique blockchain. Contrairement aux gros titres sur le bitcoin et autres devises numériques, la blockchain est une révolution silencieuse.
Aujourd’hui, la blockchain n’est plus la chasse gardée des financiers. La société dans son ensemble évolue progressivement dans une ère de transparence, donc de contrôle, de la traçabilité et de l’interconnexion. Les secteurs de l’industrie et du commerce qui représentent près de 50% du PIB d’un pays comme la Suisse sont en train de développer des applications qui vont accroître leur efficacité en fiabilisant leurs échanges d’informations. Grâce à cette technologie, les entreprises seront simplement plus efficientes, transparentes et compétitives.
Les sociétés Nestlé et Migros, leaders de l’agro-alimentaire et de la grande-distribution en Suisse, viennent d’annoncer la mise en place de la blockchain pour améliorer et garantir la traçabilité des aliments du producteur au consommateur final. C’est sans aucun doute une entrée discrète dans ce monde de la part de tels géants, mais bien la preuve que la révolution blockchain est en marche après l’exubérance médiatique irrationnelle de 2017.
Concrètement, l’objectif est de créer un système de confiance, partagé, non-altérable qui garantit aux acteurs clés d’un processus industriel, les informations concernant chaque étape de ce processus de la fabrication à la distribution, voire jusqu’au client final.
à tous les acteurs mais ils ne peuvent pas les modifier.
Illustrons l’utilisation de la blockchain avec un cas concret simplifié portant entre un fabricant de médicaments, une entreprise logistique, un réseau de pharmaciens et un organisme d’audit qui décident de créer ensemble un projet Blockchain afin d’assurer la traçabilité de chaque lot de boîtes de médicaments.
Tout d’abord, dès la fin du processus de fabrication et grâce à une batterie de capteurs connectés, le fabricant inscrit sur la blockchain la date, la quantité, la température, la qualité et d’autres informations pertinentes de chaque lot. Ces données sont alors accessibles à tous les acteurs mais ils ne peuvent pas les modifier. Une fois les médicaments dans les camions/entrepôts de l’entreprise logistique, cette dernière confirme sur la blockchain la date de prise en charge. Cette confirmation datée (Time-stamp) enregistre alors officiellement le transfert de responsabilité à l’entreprise logistique qui peut ensuite en temps réel connaître les états de tous ses stocks. A réception par le réseau de pharmacies, un transfert s’opère avec un nouveau changement de responsabilité. L’acceptation par le pharmacien des lots peut même déclencher via la Blockchain le paiement automatique à l’entreprise logistique («smart contract»). Finalement, l’auditeur peut alors suivre l’historique des produits et leur qualité en ayant accès à un unique système et connaître les détenteurs du produit à chaque instant.
Une première analyse de ce système d’information nous amène à nous interroger sur la différence avec une simple base de données partagée entre les différents acteurs? La réponse tient en plusieurs points:
- décentralisation: il n’y a pas de propriétaire de la blockchain qui pourrait en prendre le contrôle.
- transparence: les acteurs peuvent tous posséder potentiellement une copie de la blockchain, elle est distribuée.
- absence de modifications: la blockchain est inaltérable, y compris a posteriori. En effet, un acteur ne pourra pas antidater la réception d’un lot car d’autres opérations postérieures seront inscrites et empêcheront la modification des opérations précédentes.
- authentification: les opérations inscrites sur la blockchain sont vérifiées et proviennent de sources ayant leurs clés privées.
- smart-contract: une base de données classique ne peut pas offrir de telles fonctions de déclenchement de paiement.
car ils sont peu nombreux aujourd’hui mais potentiellement infini.
La mise en place de solutions blockchain pour les activités industrielles conduit à se poser de nouvelles questions. Par exemple, dans le cadre du processus cité plus haut, il convient de traiter les sujets suivants:
- Qui met en place la blockchain?
- Qui devra être capable de comprendre les règles régissant son fonctionnement?
- Quid de la confiance des capteurs intelligents (ioT-internet of things) ou autres personnes amenées à rentrer des informations sur la blockchain? La qualité de l’information rentrée reste toujours primordiale.
- Comment protéger l’accès aux informations pour éviter qu’un acteur peu scrupuleux rende publique tous les échanges historiques de la blockchain?
- Quid de l’hypertransparence? Est-il nécessaire, lorsqu’un acteur demande une information sur un lot, qu’il puisse connaître tous les mouvements de ce lot depuis ses origines?
On ne peut être exhaustif sur les utilisations de la blockchain dans l’industrie car ils sont peu nombreux aujourd’hui mais potentiellement infini. Il faut prendre conscience que l’utilisation de la blockchain est en train de changer profondément la gestion des informations au sein des écosystèmes fournisseurs-intermédiaires-clients. Chaque nouvelle application concrète dans un de ces écosystèmes fournira aux autres un nouvel exemple d’utilisation et suscitera d’autres utilisations.
De nombreuses grandes sociétés sont en train de mettre en place des groupes de travail dédiés à la blockchain et que les applications concrètes émergent désormais. C’est la conjonction des spécialistes métier et des spécialistes blockchain qui constitue la force de cette approche et qui donne l’occasion de repenser entièrement certains processus. A coup sûr les sociétés expertes dans ce domaine seront génératrices de valeur pour l’ensemble des entreprises.