L'importante mise à jour d'Ethereum

Charles-Henry Monchau, FlowBank

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Effet de court terme ou non, une mise à niveau logicielle majeure, nommée «London», a redonné une impulsion au cours de la cryptomonnaie.

La cryptomonnaie Ether (ETH), native de la blockchain Ethereum, a dépassé la semaine dernière les 2’800 dollars, un prix qui n’avait pas été vu depuis le début du mois de juin, lorsque la cryptomonnaie descendait encore de son sommet historique de 4’357 dollars atteint le 12 mai. Lors des deux dernières semaines, l’Ether a progressé de 60%. Depuis le début de l’année, l’Ether est en hausse de plus de 280%, soit une très nette surperformance par rapport au bitcoin (+40%). 

Principale raison derrière cette reprise de la tendance haussière: la mise en place le 5 août d’un «upgrade» majeur de la blockchain Ethereum. Mais avant d’expliquer pourquoi une mise à niveau logicielle peut avoir un tel impact sur une cryptomonnaie, penchons-nous sur les caractéristiques de l’Ethereum. 

Comment fonctionne l’Ethereum?

Ethereum se distancie de Bitcoin depuis quelques années en se présentant davantage comme un jeton d’échange plutôt qu’une valeur refuge. De plus, bien que le bitcoin soit le précurseur de la blockchain et des cryptomonnaies, il souffre de certaines insuffisances et imperfections sur lesquels se sont basés des projets de cryptomonnaies comme Ethereum pour proposer, techniquement parlant, des projets plus aboutis et innovants.

Un rapport récent de Messari montre que la valeur journalière de règlement
d’opérations sur la blockchain Ethereum a dépassé celle du Bitcoin.

Lancé le 30 juillet 2015, Ethereum est un protocole d’échange décentralisé qui permet aux utilisateurs de mettre en place des contrats intelligents (smart contract). Il s’agit en fait de contrats préétablis, des applications qui s’auto-exécutent sans l‘intervention d’une tierce partie pour en assurer l’authenticité. Par exemple, grâce à Ethereum vous pouvez établir un contrat futur selon lequel vous décidez d’acheter un bien seulement lorsque certaines conditions seront remplies. En temps normal, ce genre de contrat nécessite l’implication d’un intermédiaire (notaire, etc.) et donc des frais. Le protocole de l’Ethereum permet la vérification ainsi que la mise en application d’un contrat mutuel entre les parties sur la blockchain. Ce protocole permet aux développeurs de créer des applications, de stocker des registres et de transférer des fonds conformément à des instructions passées, etc.

Depuis 2017, des milliers d’entreprises diverses (services de paiement, d’achat et de vente, etc.) ont développé leur «smart contracts» et utilisent le plus souvent le protocole Ethereum ainsi que les tokens ETH comme moyen de règlement de ces smart contracts. 

Un rapport récent de Messari montre que la valeur journalière de règlement d’opérations sur la blockchain Ethereum a dépassé celle du Bitcoin (cf graphique ci-dessous).  

 

Un intérêt croissant pour la blockchain Ethereum

Le succès grandissant de l’Ethereum provient notamment de sa position de blockchain de choix pour de nombreux produits et services qui utilisent des applications DeFi – ou finance décentralisée. DeFi désigne une catégorie de nouvelles applications qui visent à remplacer les produits financiers traditionnels – comme les prêts et les emprunts, le commerce, l’épargne, les produits dérivés et les options – par l’utilisation d’une technologie décentralisée, plutôt que de s’appuyer sur une entreprise ou une banque. Ces produits sont généralement construits sur la blockchain Ethereum.

De fait, des milliers de développeurs construisent des applications qui recréent des produits financiers traditionnels de manière décentralisée sur le protocole Ethereum, et comme de plus en plus d’utilisateurs affluent pour interagir avec ces applications, ils ont besoin d’ETH pour effectuer leurs transactions. Aujourd’hui, la valeur totale bloquée dans des applications DeFi est en train d’exploser et a allégrement dépassé les 100 milliards de dollars. Les applications développées sur Ethereum génèrent aujourd’hui 3 fois plus de revenus pour ce réseau que pour le Bitcoin, bien que le Bitcoin ait une capitalisation boursière 2,5 fois supérieure.

De nombreux projets NFT tels que CryptoPunks ou Decentraland
ont leur «smart contracts» sur la blockchain Ethereum.

Autre développement favorable pour le protocole Ethereum: la croissance exponentielle des NFT (Non-Fungible Tokens). De nombreux projets NFT tels que CryptoPunks ou Decentraland ont leur «smart contracts» sur la blockchain Ethereum. De plus, il semble y avoir un intérêt institutionnel croissant pour la blockchain publique Ethereum. Même si pour l’heure beaucoup d’Etats manifestent encore du scepticisme vis-à-vis des cryptomonnaies, certains gouvernements avant-gardistes se sont déjà lancés sur le marché en privilégiant Ethereum. Par exemple, la Suisse a permis l’accomplissement de tâches administratives via le réseau Ethereum dans le canton de Zoug. 

La transition vers Ethereum 2.0

La blockchain d’Ethereum reprend plusieurs principes introduits par le Bitcoin, notamment le «minage». Contrairement à la pensée déflationniste qui sous-tend la création monétaire du Bitcoin, il n’y a aucune limite qui ait été fixée à la masse monétaire de l’Ethereum. Mais tout comme pour le Bitcoin, le réseau est configuré de sorte que la difficulté de minage soit constamment ajustée à la puissance de calcul de la communauté de mineurs.

Le succès grandissant de l’Ethereum auprès du public a attiré un nombre croissant de nouveaux mineurs. La répercussion de cet engouement est un accroissement de la difficulté du minage qui peut à terme décourager les mineurs indépendants pour qui l’Ether ne sera alors plus une cryptomonnaie rentable. Pour éviter une envolée de la difficulté de minage, des mises à jour peuvent être planifiées. Ce fut le cas en 2018 avec une nouvelle version du logiciel du nom de Serenity. Cette nouvelle version – Ethereum 2.0 – se déroule en plusieurs étapes et engendre un changement du procédé de minage, de type Proof-of-Work (preuve de travail) à un procédé de minage de type Proof-of-Stake (preuve de participation).

Le processus vers Ethereum 2.0 est en cours, l’étape «Berlin» ayant eu lieu le 15 avril. Ces «upgrades» permettent de limiter la consommation en électricité du réseau Ethereum, de réduire les frais et la quantité d’ETH que les mineurs reçoivent, ce qui réduit de facto la pression vendeuse de la cryptomonnaie ETH.

La mise à jour «London»

Mais Ethereum vient de franchir une nouvelle étape - «London» (EIP-1559) – qui implique des changements encore plus importants autour de la logique économique de l’Ethereum. Cette mise à jour permet de modifier le fonctionnement du montant des «gas fee» (frais de transaction), jusqu’à présent calculé en fonction du nombre de transactions en cours sur la blockchain.

Il sera désormais calculé selon un autre modèle: il y aura un prix de base («base fee»), que les utilisateurs seront obligés de payer, et qui variera en fonction de la congestion de la blockchain, mais de manière précise et prévisible. À ce prix de base pourra s’ajouter une sorte de pourboire, que les utilisateurs choisiront ou non de payer en fonction de la rapidité à laquelle ils veulent leur transaction traitée. Certains experts estiment que le prix des transactions diminuerait ainsi de 90%. 

Un montant d’environ 10’000 dollars d’Ether est détruit
chaque minute depuis la mise en place de l’«upgrade».

Mais la mise à jour baptisée «London» va également introduire la pratique du «coin burn» (combustion des jetons) dans la blockchain. Le «coin burn» est une pratique qui consiste à détruire volontairement des unités de cryptomonnaies, le tout afin d’en faire augmenter la valeur. Avec la mise en place de London, le «base fee» dont les utilisateurs doivent s’acquitter est systématiquement détruit. A chaque transaction sur la blockchain, des ETH sont désormais brulés. Le processus a déjà commencé puisque Decrypt estime qu’un montant d’environ 10’000 dollars d’Ether est détruit chaque minute depuis la mise en place de l’«upgrade».

En conséquence, moins d’ETH seront produits chaque année à partir de maintenant — ce qui est semblable à la technique du halving utilisée par le bitcoin — et ce qui devrait largement participer à augmenter la valeur de la cryptomonnaie. A terme, la réduction de l’offre pourrait devenir supérieure à l’inflation d’ETH (càd l’augmentation de l’offre). Il s’agit d’une évolution fondamentale. Jusqu’alors, le marché avait la perception suivante: l’offre de Bitcoin est limitée dans le temps alors que celle de l’Ethereum est illimitée. Mais à terme, l’Ethereum pourrait même voir son offre «nette» baisser (cf. graphique ci-dessous https://ultrasound.money). 

C’est une équation très attrayante pour les investisseurs: le succès grandissant du protocole Ethereum va non seulement faire augmenter la demande mais il va également réduire l’offre – le parfait «effet ciseau». Une évolution qui devrait encourager davantage d’investisseurs à «hodler» l’ETH.

 

Bitcoin vs. Ethereum

Pour de nombreux spécialistes, le Bitcoin doit être considéré comme une valeur de stockage numérique (l’équivalent de l’or numérique) alors que l’Ether est perçu comme le Web 3.0. L’Ethereum compte aujourd’hui 10 fois plus de développeurs actifs mensuellement que le Bitcoin. Pour les partisans de l’Ethereum, son utilité finira par l’emporter sur celle du Bitcoin.

Quoi qu’il en soit, la surperformance de l’Ether par rapport au bitcoin au cours des 12 dernier mois est remarquable. Le ratio Ether/Bitcoin a d’ailleurs atteint un seuil critique alors que de nombreux investisseurs basculent une partie de leur exposition crypto du Bitcoin à l’Ether. Le début d’une tendance longue?

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