Le Président Trump veut son mur. Il n’est pas le seul. La construction de nouveaux murs contrarie l’essor de la mondialisation.
Loin de renoncer à la construction de son mur anti-immigration à la frontière mexicaine, Donald Trump a ordonné le déploiement de l’armée jusqu’à l’achèvement des travaux dont il peine toujours à obtenir le financement. Cet abcès de fixation paraît comme un épiphénomène car, depuis 1989, le nombre de murs, barrières et autres clôtures n’a fait que croître: on compte aujourd’hui, selon les calculs retenus, de 7'500 km à 41'000 km de frontières dans le monde, soit 3% à 18% des frontières terrestres . De la Corée du Nord au Sahara Occidental, en passant par le Cachemire, ces murs figent souvent des conflits non résolus, parfois depuis de nombreuses décennies. Mais ils ont aussi pour but de stopper les mouvements migratoires, lutter contre les trafics, contrôler des territoires et les populations, combattre le terrorisme ou encore répondre à des enjeux écologiques et sanitaires. Réponse politique visible et quasi-immédiate face aux craintes de la population, ils servent facilement les buts de certains leaders politiques.
Les murs ont une histoire aussi ancienne que l’humanité elle-même. Depuis les murs d’Hadrien et d’Antonin ou encore la grande muraille de Chine, les vestiges de telles ambitions abondent. Murs d’enceinte, frontières, ils ont été érigés au cours des siècles avec une intention principalement défensive face aux invasions. Avec le temps, ces barrières deviennent étouffantes. Outil privilégié des régimes autoritaires, elles entravent la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et même des idées. Aux murs physiques s’ajoutent désormais les murs technologiques: surveillances électroniques renforcées aux frontières, blocage des sites internet etc.
de bloquer l’immigration clandestine.»
Face à ce protectionnisme intense, la théorie économique comme l’histoire démontrent que la levée des barrières à l’échange est bien plus propice au développement et à l’enrichissement de tous. Ainsi la chute du mur de Berlin – le mur emblématique du XXe siècle – et avec lui l’effondrement du rideau de fer, révéla la futilité et la nocivité économique de telles barrières.
Les édifices les plus récents ont pour vocation de bloquer l’immigration clandestine: c’est le cas sur la frontière mexicaine comme à l’est de l’Europe lors de la crise des réfugiés. L’Amérique a déjà connu des périodes de fermeture de ses frontières. En 1924, le Johnson Reed Act instaurait des quotas stricts par origine ethnique. Cette interdiction durera jusqu’en 1965. Le regain de tension actuel reflète la montée en puissance de la population d’origine hispanique dans les communautés du pays. Or celles-ci sont installées dans le pays depuis des décennies. C’est pourtant bien la crainte d’acculturation qui motive un peu partout ces replis sur soi.
Alors les murs sont-ils efficaces? A court terme, c’est probablement le cas. Mais les effets pervers qu’ils engendrent surpassent largement ces gains de façade. Les murs de protection détournent les flux commerciaux, renchérissent les coûts des produits, quand ils ne provoquent pas directement des pénuries. Ils contribuent au développement de contrebandes en tous genres – y compris des personnes – et accroissent les dépenses pour les combattre.
Peut-on pour autant renoncer à défendre ses frontières et ses intérêts économiques? Les règles du commerce mondial doivent permettre de se concurrencer à niveau de jeu égal («level playing field»). Pour les économies développées, ne vaut-il pas mieux promouvoir des politiques visant à préserver leur avantage comparatif? Pour les pays émergents, de nouvelles approches visent à encourager le développement économique local, afin de retenir la main d’œuvre et éviter la fuite des cerveaux. Réglementer et sanctionner les abus de positions dominantes s’avèrent à la longue plus payants.
Les chemins du libre-échange sont hérissés de murs, les abolir reste la meilleure réponse à l’essor de l’humanité.