Donald Trump a officiellement lancé son offensive commerciale à l’encontre de la Chine. Simple canonnade ou prélude à une longue et douloureuse guerre de tranchées?
La «guerre commerciale» annoncée à grand renforts de menaces et de vitupérations a finalement accouché d’une annonce somme toute assez modérée. S’appuyant sur un dossier d’enquête mené durant plusieurs mois, ménageant la susceptibilité du Président Chinois «pour qui j’ai le plus grand respect», se concentrant sur le nécessaire rééquilibrage des échanges entre les deux pays, le Président Trump est apparu plus mesuré que ne le laissaient présager ses précédentes déclarations. De même, les montants concernés ont fondu quasiment de moitié pour ne concerner que près de 60 milliards de dollars de produits.
Sanctionner la Chine ferait plutôt consensus, à la Maison Blanche comme au Congrès et même au-delà. Et le fait que l’Europe soit exemptée des sanctions douanières sur l’acier et l’aluminium comme le Canada et le Mexique, indique que pour le moment l’Amérique tente de ménager ses alliés. Ira-t-on jusqu’à constituer un front commun ? Ce serait pour le coup une vraie inflexion de politique étrangère.
Il n’empêche, la politique commerciale de l’Administration de Donald Trump sans être tout à fait une première (on se souvient des tensions avec le Japon ou déjà la Chine du temps de ses prédécesseurs), soulève craintes et doutes: si la réponse chinoise a plutôt été modérée jusqu’ici, elle pourrait se durcir et causer des dommages économiques importants, notamment pour les chaines de production et de distribution des entreprises américaines elles-mêmes. Aussi, les intérêts économiques du pays sont-ils déjà à pied d’œuvre à Washington pour obtenir toutes sortes d’exemptions.
De son côté, le Président Trump, toujours en mal de succès politique immédiat, sera prompt à rechercher de nouveaux points de frictions si les chiffres du commerce ne s’infléchissent pas très vite – ce qui semble assez peu probable. Le durcissement de la position américaine ne s’arrête pas aux questions commerciales: le renvoi du conseiller McMaster remplacé par John Bolton semble confirmer que la faction «dure» de la Maison Blanche est prête à revenir sur l’accord iranien.
Au bout du compte, soit les sanctions seront effectivement appliquées et elles auront des conséquences économiques non négligeables ; les banques centrales s’en sont déjà inquiétées. Soit elles seront tellement amoindries qu’il n’en restera pas grand-chose d’effectif sinon qu’elles auront causé de sérieux dommages diplomatiques et installé un climat de méfiance accru à l’égard de l’Amérique.
Sur le plan financier, les marchés s’inquiètent déjà des retombées économiques des fermetures douanières et des risques de représailles. Ceux-ci sont d’ailleurs en train de faire leurs comptes et de lister les sociétés les plus exposées à de possibles représailles commerciales ou encore au renchérissement du coût de leurs importations. Certains experts estiment ainsi que la moitié des gains liés aux baisses d’impôts serait annulée par ces hausses tarifaires.
Le problème est que, dans de telles circonstances, les banques centrales s’avéreraient totalement impuissantes sinon contreproductives. La mise en place de barrières douanières a souvent pour effet de faire remonter les prix et une poussée inflationniste serait alors le signal de plus de hausses des taux d’intérêt.