Les marchés croient à la détente

Axel Botte, Ostrum AM

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La pression internationale semble atténuer les tensions dans le Golfe.

© Keystone

Les tensions dans le Golfe semblant s’atténuer en fin de semaine, les actions ont poursuivi leur hausse avec de nouveaux records sur les principaux indices américains. A l’inverse, le pétrole et la volatilité implicite des actions s’inscrivent en repli. Le yen japonais perd également 1% sur la semaine. Le 10 ans américain est en légère hausse à 1,82% après une avec néanmoins une amplitude de près de 20pb en deux séances en milieu de semaine. La nouvelle référence allemande se situe à -0,20% en clôture. Les emprunts syndiqués irlandais et portugais ont rencontré une forte demande finale. Le marché du crédit a également absorbé le retour du primaire. Les spreads sont quasiment inchangés sur la semaine, y compris sur les émissions spéculatives. Les spreads émergents se maintiennent sous le seuil de 300pb.

Le dollar s’est renforcé la semaine passée contre l’ensemble des devises majeures, en particulier contre le yen.

Le graphique de la semaine

Les conditions monétaires accommodantes maintenues par les Banques Centrales ont engendré une recherche de rendement indiscriminée.
On peut légitimement s’interroger sur la capacité des marchés du crédit à détecter les mauvais risques dans un tel environnement.
La croissance au mieux au potentiel n’empêche pas une convergence généralisée des spreads vers les niveaux les plus serrés historiquement sur le high yield obligataire et synthétique ou encore la dette émergente en dollars.
Iran et la stratégie de «containment»

La situation iranienne ne semble pas s’envenimer à ce stade. L’embrasement n’est jamais loin dans la région du Golfe mais l’hypothèse d’un conflit ouvert s’éloigne après l’aveu des autorités iraniennes assumant la responsabilité d’un tir de missile accidentel sur un avion de ligne ukrainien. La situation économique exsangue et l’inflation galopante entretiennent la contestation populaire envers le régime des mollahs. La production pétrolière de l’Iran est tombée à 2mn de barils par jour. La capacité de l’Iran à provoquer un choc de prix est nulle mais on ne peut exclure des opérations de sabotage visant les installations saoudiennes ou le trafic des tankers dans le détroit d’Hormuz. Les ambitions nucléaires du régime resteront un point de tensions. Par ailleurs, Donald Trump aura peut-être intérêt à accroitre la pression et les sanctions s’il y voit un intérêt politique en vue de l’élection présidentielle de novembre. La situation demeurera précaire tout au long de l’année.

La croissance américaine se maintient

L’économie américaine a probablement crû à un rythme supérieur à 2% au dernier trimestre de 2019. La consommation des ménages décélère mais demeure la principale source de croissance outre-Atlantique. Les dépenses en biens et services progressent d’environ 2,5%Ta entre octobre et décembre. L’investissement reste inégal. Les dépenses d’équipement des entreprises diminuent (-2%Ta environ) comme les investissements en structures productives (-10%Ta estimés). La recherchedéveloppement et les autres dépenses immatérielles sont en revanche beaucoup plus dynamiques. Le marché du travail reste solide malgré la décélération du salaire moyen horaire à 2,9%A en décembre. Le chômage est stable et le sous-emploi se réduit encore à 6,7%. L’économie a créé 145k emplois le mois dernier. Malgré la contraction de l’activité manufacturière rapportée dans l’enquête ISM du secteur, l’emploi manufacturier reste en hausse de plus de 240k depuis le début de l’escalade des tensions commerciales au printemps 2018. Certes, le protectionnisme de Trump a sans doute eu un coût d’opportunité en termes d’emplois non créés estimé à 1,5% du total dans une étude de la Fed mais ce secteur a connu une décennie favorable après des années 2000 marquées par les délocalisations et deux profondes récessions. L’activité dans les services est soutenue (ISM à 55 en décembre). Ainsi, nous prévoyons une croissance de 2,3%Ta entre octobre et décembre avec une contribution surprenante du solde extérieur en net redressement jusqu’en novembre.

Les enquêtes conjoncturelles sont globalement stables
malgré une légère amélioration dans les services.

La zone euro est moins dynamique. Les projections pour la France pointent une croissance de 0,2%T au 4T19. Les enquêtes conjoncturelles sont globalement stables (PMI composite au-dessus de 50) malgré une légère amélioration dans les services. L’inflation en zone euro est remontée à 1,3%A en décembre sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie et des services (1,8%A).

Légère tension sur les taux

La volatilité financière est entièrement liée aux nouvelles en provenance du Proche-Orient. Le 10 ans américain a évolué dans une large fourchette entre 1,70% et 1,90% en deux séances en milieu de semaine. La hausse hebdomadaire du T-note (1,82%) se chiffre à 3pb sans réel mouvement de courbe finalement. Le swap spread s’est resserré et d’autres indicateurs d’aversion pour le risque (la volatilité implicite des actions par exemple) se sont également détendus. Le repli rapide du pétrole (-3 dollars) se traduit par une réduction des points morts d’inflation à 10 ans de 2pb (TIPS).

En Europe, la nouvelle référence à 10 ans a rencontré une demande limitée à 3,5 milliards d'euros. L’emprunt allemand cotait à -0,20% en fin de semaine. Les syndications d’emprunts souverains (Irlande 15 ans à MS+6pb, Portugal 10 ans à MS+33pb) ont drainé une partie de la demande d’obligations souveraines d’autant que les trésors français et espagnols émettaient également sur plusieurs échéances. La saisonnalité des émissions laisse entrevoir la possibilité de primes plus élevés au 1T20 mais la forte demande finale et les achats de la BCE absorberont sans difficultés le besoin de financement des états. Le consensus des investisseurs finaux reste long en sensibilité avec une surexposition sur les dettes périphériques. Le BTP italien à 10 ans se resserrait la semaine passée de 6pb.

Les marchés du crédit ont digéré le retour des émissions en janvier après une baisse de l’activité en décembre. En outre, le nombre de calls et le vieillissement du gisement des indices obligataires avaient réduit l’encours en décembre. La reprise du primaire et la remontée de la sensibilité crédit engendre une hausse de la demande de sorte que les spreads sont inchangés sur la semaine (93pb contre Bund). Les obligations high yield s’écartent de 2pb cette semaine (305pb). Malgré deux évènements de crédit au 4T19, le taux de défaut sur 12 mois s’est réduit sur les trois derniers mois. L’iTraxx Crossover se traite à des niveaux réduits de 205pb en clôture hebdomadaire. La recherche de rendement reste le facteur prédominant sur les marchés du crédit.

La bourse américaine s’affiche à des niveaux record sur ses trois principaux indices. Le secteur de la technologie surperforme, malgré des publications trimestrielles inférieures aux attentes dans le secteur des logiciels. L’effet bêta de la classe d’actifs l’emporte. Les matières premières dont l’énergie perdaient en revanche du terrain. Les signaux techniques sont haussiers en Europe au-dessus de 3760 points sur l’Euro Stoxx 50. Concernant le marché des changes, le dollar est mieux orienté cette semaine. Le yen japonais paye l’apaisement temporaire des tensions dans le Golfe (au-dessus de 109).

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