Les marchés émergents face au coronavirus

Alain Barbezat, BCV

3 minutes de lecture

Les bourses des marchés émergents ont subi de plein fouet les conséquences de l’épidémie de coronavirus. Comment envisager la suite de 2020?

©Keystone

Son nom s’est imposé en quelques jours. L'apparition d’un nouveau coronavirus en Chine a inversé la tendance dynamique du début d'année dont bénéficiaient les marchés boursiers émergents. Sa propagation rapide – bien plus rapide que celle du Sars en 2003 – a effrayé les investisseurs et a déclenché des ventes massives.

Éventail des possibilités

La nature d'une épidémie, qui est, rappelons-le, avant tout une tragédie humaine, est rarement claire dans ses premiers jours et par conséquent il est difficile d'évaluer l’ampleur du risque économique qu’elle représente. Les épidémies combinent en effet des propriétés exogènes – le stress économique provoqué par un agent extérieur – et des propriétés endogènes – la capacité de cet agent à déclencher un effet de cascade dans le système économique –. Par conséquent, le résultat économique d'une épidémie peut, aléatoirement, être limité ou désastreux.

Le nombre de nouveaux cas dans le reste
de la Chine semble commencer à plafonner.

Au moment où nous écrivons ces lignes, la majorité des personnes affectées par ce nouveau virus se trouvent en Chine (99%). Le taux de mortalité en dehors de la province du Hubei s'élève à 0,2%, contre 3% dans le Hubei et 5,5% dans la ville épicentre de Wuhan, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Depuis son apparition, de nombreuses études tentent de prédire la vitesse et l'ampleur de la propagation du virus. Toutes tendent à conclure que sa disparition est susceptible de se produire entre fin avril et début mai. C’est une échelle temps similaire aux épidémies de coronavirus antérieures, c'est-à-dire le SRAS et le MERS. Alors, il s’est écoulé en moyenne 2,4 mois entre le moment où le virus est officiellement apparu et celui où il a atteint son maximum.

Sur la base des données de l'OMS, qui peuvent changer en fonction de l'évolution de la situation, ni le nombre moyen de personnes infectées par une personne malade ni le taux de mortalité sont hors normes par rapport aux autres grands virus. Il sera important de ventiler le nombre total d'infections en deux séries de données: sa propagation dans l’épicentre de l’épidémie, soit dans la ville de Wuhan et dans la province du Hubei, et le nombre de nouveaux cas en dehors du Hubei. Ce dernier est plus susceptible d'être le principal moteur du sentiment de marché à court terme lié à l'épidémie. Alors que le Hubei connaît une accélération dans le taux journalier de nouveaux cas, le nombre de nouveaux cas dans le reste de la Chine semble commencer à plafonner. Il est probable que le nombre de cas en dehors du Hubei atteigne un pic plus tôt que dans l'épicentre. 

Estimée en dollars absolus, l'ampleur de l'impact économique
de cette épidémie sera probablement plus importante que celle de 2003.
Mesures énergiques

Cette évolution s’explique par le fait que le monde a rapidement pris des mesures afin de contenir le virus. Lors de l'épisode du SRAS de 2003, les autorités chinoises n'ont réagi que très tardivement. Cette fois, le gouvernement chinois est intervenu dès le début de l'épidémie par des mesures énergiques et, dans certains cas, extrêmes, y compris un verrouillage presque complet de Wuhan et des restrictions sur la circulation inter et intra-urbaine dans d'autres grandes zones métropolitaines.

Hors de Chine, de nombreux pays ont également pris des mesures sans précédent pour interdire ou limiter le trafic aérien à destination ou en provenance de la Chine.

Comparaison avec le SRAS

L’épisode de SRAS de 2003 avait fait chuter la croissance de l’économie chinoise de 2% en glissement annuel entre le 1er et le 2e trimestre de 2003, et fait reculer les actions des marchés émergents de 12% entre janvier et mars 2003.

En comparant l'ampleur de la correction actuelle, que ce soit en termes de prix et de valorisations, à celle de à la période du SRAS, le marché a enregistré une baisse égale à 80% du mouvement total de baisse de 2003. Ceci à condition que l’épisode du SRAS soit une bonne référence. Or, l’environnement de 2020 n’est plus en tous points comparable à celui de 2003.

Estimée en dollars absolus, l'ampleur de l'impact économique de cette épidémie sera probablement plus importante. En 2003, les perturbations étaient légères et limitées aux secteurs des voyages et du commerce de détail. Aujourd’hui, les mesures extrêmes prises par la Chine en réponse à l'épidémie ont mis l'activité économique chinoise en berne.

Des politiques d’aides aux entreprises devraient fournir
un support supplémentaire aux marchés boursiers.

Le contexte macroéconomique actuel est également différent de celui de 2003. À cette époque, la croissance économique de la Chine était forte, aidée par le cycle de réformes de la fin des années 1990 et du début des années 2000 et par un marché d'exportation dynamique. Aujourd'hui, la Chine est aux prises avec une croissance déséquilibrée, un niveau d'endettement élevé, le risque d'une bulle immobilière, un secteur privé sous pression et une relation difficile avec les États-Unis, dans un contexte de croissance mondiale modérée. En conséquence, il existe un risque que l'épidémie puisse causer des dommages plus durables.

En conséquence, un retard dans la reprise économique obligera les autorités chinoises à mettre de côté leur programme de désendettement et à se concentrer sur la croissance économique. Cela signifie que les décideurs politiques vont probablement augmenter le montant des mesures de relance afin de stabiliser l'économie.

En conclusion

Les actions émergentes, et asiatiques en particulier, devraient reprendre la tendance haussière qui était la leur en début d’année dès la confirmation du pic du nombre de nouveaux cas de contamination en dehors de Wuhan ou du Hubei. Une fois ce pic atteint, les investisseurs se concentreront à nouveau sur la situation sous-jacente favorable des marchés émergents.

L'épidémie va par ailleurs prolonger le soutien à la croissance chinoise au cours de l’année 2020. Les gouvernements central et régionaux ont déjà annoncé une série de politiques d’aides aux entreprises notamment du secteur privé. Mesures qui devraient fournir un support supplémentaire – il était inexistant avant le début de l’épidémie – aux marchés boursiers.

Ainsi, des valorisations déprimées par rapport à l’indice de référence mondial et l'anticipation d'un rebond de l'activité économique chinoise devraient constituer une bonne opportunité à évaluer pour les investisseurs.

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