La baisse de l’inflation et des rendements réels a un effet positif sur les actions de croissance. Il en va de même pour l’aspect démographique.
Les marchés oscillent dans une fourchette se situant entre les niveaux les plus hauts et les plus bas enregistrés en 2022. Chez les investisseurs, on constate un léger regain de confiance. Ils portent désormais leur attention sur d’autres sujets que la guerre, la flambée des prix de l’énergie ou le resserrement des conditions monétaires. Quels sont les thèmes qu’il faut garder présents à l’esprit?
Il s’agit d’abord de l’inflation en recul, qui rend ainsi moins nécessaire une hausse supplémentaire des taux d’intérêt. Les prix actuels incluent 5% pour le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), 3,25% à 3,5% pour le taux de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) et 4,5% pour le taux directeur de la Banque d’Angleterre (BoE). Ensuite, il est possible que la hausse des rendements obligataires réels observée l’année dernière s’inverse dans une certaine mesure. En même temps que des rendements réels plus faibles auraient un effet positif sur les rendements obligataires, les perspectives seraient à nouveau plus favorables pour les actions de croissance de qualité. Le troisième point concerne la réouverture de la Chine, qui a déjà amené le consensus à sous-pondérer les actions américaines et à surpondérer la Chine. Le quatrième point a pour objet le potentiel d’augmentation des dépenses d’infrastructure aux États-Unis.
Aux États-Unis, l’inflation totale et l’inflation sous-jacente des prix à la consommation (en glissement annuel) ont toutes deux atteint leur point culminant en juin et en septembre de l’année dernière. Alors que l’inflation des prix à la production avait atteint son pic dès le mois de mars, le taux global des prix à la consommation de la zone euro n’a passé le cap qu’en octobre et le taux de base continuait même encore de grimper en décembre 2022. En 2023, l’inflation de la plupart des grandes économies et d’un certain nombre de pays émergents devrait reculer par rapport aux taux d’inflation moyens de 2022.
Les marchés s’en sortent mieux quand le taux d’inflation globale baisse. L’évolution du marché observée depuis octobre le prouve. Une nouvelle baisse des taux d’inflation dans les mois à venir devrait avoir un effet positif sur les rendements des obligations et des actions. Pour ce qui est des actions, une plus grande stabilité des prix devrait permettre de clarifier les coûts et les bénéfices, ce qui devrait à son tour renforcer la confiance quant aux prévisions de bénéfices. Les dernières décennies ont montré que les taux d’inflation en régression ont un effet positif sur les rendements des actions.
C’est habituellement au cours du premier semestre de l’année que l’on observe les plus fortes hausses mensuelles des prix, en raison de l’augmentation parallèle des salaires. À cet égard, la situation actuelle du marché de l’emploi en Europe présente quelques risques à la hausse. De même, la réouverture de la Chine pourrait conduire à une hausse globale des prix de l’énergie et des matières premières. La tendance vers une inflation en baisse devrait toutefois l’emporter, ce qui constituera un facteur déterminant pour l’évolution future du marché.
L’année dernière, les rendements réels ont augmenté en raison du resserrement de la politique monétaire et de la fin imminente des achats d’obligations par les banques centrales. Nous ne prévoyons pas de revirement rapide, en particulier aux États-Unis, où le rendement réel à dix ans (mesuré sur le marché des obligations indexées sur l’inflation) est toujours de 1,3%. En Allemagne et en France, les rendements réels sont de zéro pour cent et au Royaume-Uni de 0,15% pour la portion de dix ans de la courbe des obligations indexées sur l’inflation.
Lorsque les rendements réels augmentent, le marché de valeur a tendance à surperformer (ce qui s’est effectivement produit en 2022). Des rendements réels plus faibles reflètent une réduction du taux d’actualisation des revenus futurs, ce qui a un effet positif sur les actions présentant de bonnes perspectives de revenus à long terme. Aux États-Unis, les rendements réels n’ont pas encore suffisamment baissé pour inverser la surperformance de la valeur par rapport à la croissance. Mais au cours des deux premières semaines de janvier, l’aspect croissance a de nouveau produit de meilleures performances.
La Chine représente entre 15% et 20% du PIB mondial, de sorte que si elle parvenait à doubler son taux de croissance cette année, cela pourrait considérablement revigorer la croissance économique mondiale. Plus important encore, il en résulterait des effets multiplicateurs indirects, car la Chine augmenterait ainsi la demande de biens et de services importés. Voilà déjà une des raisons pouvant expliquer la surperformance des actions européennes observée au cours des dernières semaines. Les investisseurs en titres asiatiques, tant mondiaux que locaux, devraient augmenter leur exposition aux actions chinoises, ce qui devrait continuer à soutenir la reprise. En ce qui concerne les titres à revenu fixe, les crédits asiatiques ont déjà profité des perspectives de croissance plus optimistes pour la Chine, ainsi que de la stabilisation du secteur immobilier. Étant donné que les obligations asiatiques investment grade libellées en dollars américains affichent des rendements de l’ordre de 5% à 6%, il est probable que les investisseurs en crédit mondial et en obligations des marchés émergents seront également amenés à accroître leur allocation dans la région.
Aux États-Unis, la transition énergétique est liée à la loi sur la réduction de l’inflation, proposée par le gouvernement de Joe Biden, et adoptée récemment. L’objectif est de consacrer jusqu’à 465 milliards de dollars de subventions aux énergies renouvelables, aux véhicules électriques, aux semi-conducteurs et à d’autres technologies. La loi prévoit également qu’une grande partie des composants concernés devront être fabriqués aux États-Unis. Cette politique législative est considérée par d’aucuns comme protectionniste et hostile à la mondialisation, mais les dépenses qui pourraient en découler seront un sujet auquel les entreprises américaines s’intéresseront sans doute de très près, pendant de longues années. Il est intéressant de noter qu’au cours des trois derniers mois, les secteurs qui se sont trouvés à la tête de la reprise du S&P 500 sont les valeurs industrielles et les matières premières.
La question la plus importante porte sur la croissance américaine. Les investisseurs semblent sous-pondérer les actions américaines – notamment les actions technologiques à forte capitalisation boursière. Les valorisations ont fortement baissé, et dans certains indices de référence pour les actions de croissance et de substance, même de grands titres technologiques ont vu le train de la croissance partir sans eux. La baisse de l’inflation et des rendements réels a un effet positif sur les actions de croissance. Il en va de même pour l’aspect démographique. Des marchés du travail sous tension et une main-d’œuvre généralement plus chère, ainsi qu’un flux constant d’innovations dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, sont susceptibles d’améliorer à long terme les perspectives de certaines parties du secteur technologique. Nous pensons que dans un monde où il est devenu plus difficile de faire progresser son chiffre d’affaires, les entreprises qui cette année affichent une croissance régulière de leurs bénéfices seront récompensées par une hausse du cours de leurs actions. Au niveau mondial, les entreprises des secteurs des biens de consommation de base, de la santé et des technologies de l’information se sont montrées les plus résistantes jusqu’à présent. C’est pourquoi elles offrent probablement les meilleures perspectives de croissance stable des bénéfices à long terme.