Il est hautement improbable que les marchés obligataires offrent des rendements négatifs pour la troisième année consécutive.
- En 2022, la Federal Reserve (Fed) aura relevé les taux d’intérêt américains à une fréquence très rarement atteinte auparavant.
- C’est pourquoi les perspectives sont bonnes pour les obligations, dont les rendements ne s’étaient plus trouvés à un niveau aussi élevé depuis 15 ans. Les investisseurs peuvent ainsi réaliser des rendements supérieurs à ceux obtenus ces dernières années, et qui plus est, à moindre risque.
- Malgré toutes les inquiétudes portant sur la liquidité du marché, la réduction des bilans des banques centrales ou les possibles dégradations et défauts de paiement, 2023 sera une bonne année pour les obligations.
Le fait est qu’un resserrement agressif de la politique monétaire ne conduit pas nécessairement à une baisse de l’inflation. Cela dépend du type d’inflation et de son endémicité. Le caractère endémique était présent dans les crises des années 1970 et au début des années 1980, mais depuis, ce n’est plus souvent le cas. À l’époque, il avait fallu pratiquer des taux d’intérêt plus élevés et adopter des cycles de resserrement plus agressifs afin de briser la spirale prix-salaires. Le resserrement monétaire enregistré cette année aux États-Unis est le plus important (en termes de variation sur douze mois) depuis 1990, car il a été déterminé par la hausse de l’indice des prix à la consommation (IPC). Or, pour faire baisser l’inflation, les moyens à mettre en œuvre ne se limitent pas aux simples hausses des taux d’intérêt, tant s’en faut, d’autant plus qu’il s’agit d’un outil relativement émoussé, comme le relèvent souvent les observateurs. La plus grande contribution à une baisse de l’inflation pourrait provenir des prix de l’énergie et de l’impact qu’ils auraient sur l’inflation générale des prix au cours des un à deux ans à venir. Nous supposons que la Fed arrivera bientôt collectivement à la conclusion qu’il faut en rester là, même si les modèles ne sont pas très bien calibrés.
Si l’on étend cette analyse de base à la corrélation entre les variations des taux d’intérêt et la dynamique de croissance, on obtient des effets bien plus importants que pour l’inflation. Dans les phases de hausse des taux d’intérêt d’une durée d’un à trois ans, la dynamique de croissance de la production industrielle était clairement très négative. C’est-à-dire que le taux de croissance annuelle était en baisse. Une politique monétaire restrictive freine la croissance réelle avant même d’avoir un impact sur l’inflation. C’est logique, car la croissance doit d’abord s’affaiblir avant de pouvoir influencer la formation des prix et l’évolution des salaires. Le passé nous enseigne que lorsque les fonds fédéraux (‘fed funds’) augmentaient de plus de 400 points de base (pb) au cours d’une année, la croissance de la production industrielle se révélait très négative.
Mais corrélation ne signifie pas causalité, et les délais entre les décisions de politique monétaire et leurs effets sur la croissance et l’inflation sont longs et variables. En revanche, le message envoyé a son importance. Lorsque les banques centrales nous annoncent qu’elles vont augmenter les taux d’intérêt pour faire baisser l’inflation, cela signifie qu’elles veulent que les ménages et les entreprises changent de comportement et soient prêts à accepter un ralentissement de la croissance et une hausse du chômage jusqu’à ce que les mesures produisent l’effet escompté. Les marchés parieront sur le fait qu’au vu d’une telle incertitude, les banques centrales ne prendront guère le risque associé à des hausses de taux encore plus agressives.
Nous ne pensons pas que, l’année prochaine, la Fed relèvera à nouveau son taux directeur de 400 pb. Il en est sans doute de même pour la Banque d’Angleterre (BoE) et la Banque centrale européenne (BCE). En effet, l’action conjuguée de la baisse des prix de l’énergie et d’une croissance plus faible pourrait entraîner une baisse des taux d’intérêt intervenant plus tôt que ce qui est actuellement anticipé par les marchés. Ce n’est certes pas le scénario le plus probable, mais les marchés commencent déjà à lorgner de ce côté-là. La courbe des rendements des obligations d’État américaines présente une inclinaison très négative (moins 70 pb entre les obligations à deux et dix ans) et les rendements des obligations à cinq ans sont plus faibles sur le marché à terme que leurs rendements au comptant en USD, en euro et en livre sterling.
Toute cela nous rend optimiste pour les titres à revenu fixe. Les taux d’intérêt américains sont sur le point d’atteindre leur point culminant, et la hausse des rendements obligataires enregistrée sur de nombreux marchés annonce un bien meilleur rapport risque/rendement des obligations à l’avenir. En termes d’indice, les rendements par unité de duration et de risque de solvabilité n’ont jamais été aussi élevés depuis des années. Des rendements plus élevés signifient des prix d’obligations plus bas. Et même si les rendements ne baissent pas, les détenteurs d’obligations bénéficieront d’un fort effet «pull-to-par» si les cours se rapprochent de leur valeur nominale de 100 pour cent sur la durée restante. Les investisseurs ne devraient toutefois pas se fier aux gains en capital sur le marché obligataire. Contrairement aux années où l’assouplissement quantitatif (‘quantitative easing’, QE) a poussé les rendements à la baisse et les cours à la hausse, les rendements futurs proviendront plutôt des coupons. Il faut garder cela à l’esprit dans la constitution des portefeuilles: les obligations peuvent contribuer plus efficacement aux stratégies de revenus gérés lorsqu’elles sont associées à des actions solides à dividendes élevés.
La majorité des stratèges estiment que les marchés boursiers devraient devenir nettement plus avantageux. Les modèles commerciaux sont en effet remis en question par la pression que subissent les chiffres d’affaires et les marges bénéficiaires. Le flou règne quant au niveau de rendement futur à prendre en compte pour évaluer les actions à l’heure actuelle, en particulier celles qui, en raison de l’augmentation des dépenses allouées aux secteurs de la technologie et de la communication, ont connu une croissance constante au cours des dernières années. Pour un certain temps encore, la technologie des biens de consommation pourrait bien avoir des difficultés, tant pour le matériel que les logiciels, étant donné que les ménages réduisent leurs dépenses sur ce plan. Les entreprises en feront sans doute de même pour leurs investissements. En principe, les besoins de la transition énergétique, de même que la poursuite de l’automatisation et de la numérisation, devraient favoriser une forte augmentation des investissements - mais la récession y mettra un frein.
Nous continuons à considérer l’énergie comme le facteur déterminant. La 27e édition de la conférence sur le climat ne semble pas avoir produit grand-chose qui pourrait accélérer la transition énergétique. Mais dans les plans des gouvernements nationaux, la sécurité de l’approvisionnement énergétique occupe réellement une place centrale. Le ministre britannique des Finances, Jeremy Hunt, a réaffirmé que la sécurité énergétique était l’un des principaux piliers des plans de croissance de la Grande-Bretagne sur le long terme. Le fait qu’il ait également annoncé une taxe frappant les fournisseurs d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables indique cependant que, dans le but de présenter des chiffres du budget qui font bonne figure, les considérations politiques immédiates l’emportent une fois de plus sur l’efficacité économique à long terme et sur les préoccupations environnementales. Il convient néanmoins de noter que de manière générale, les impôts et les subventions favorisent la réduction des énergies carbonées et l’efficacité énergétique. Sauf que, est c’est là le problème, ces investissements ne sont pas immédiatement rentables et que les marchés boursiers privilégient plutôt un horizon à court terme. Les capitaux doivent venir alimenter le domaine de la transition énergétique, mais il se peut que les prix de l’énergie doivent se maintenir à un niveau élevé pour que ces investissements génèrent le rendement nécessaire (soit en participant à la rente économique, soit en permettant une alternative économiquement plus compétitive qui augmentera rapidement les revenus).