Les cinq leçons du premier trimestre

Daniel Jakobovits, Hyposwiss Private Bank

2 minutes de lecture

Une récession induite par les politiques monétaires devient moins probable.

Alors que le premier trimestre touche à sa fin, nous proposons de résumer ci-dessous quelques-unes des leçons apparentes de cette période, en nous interrogeant ensuite sur leur validité pour l’avenir.

Première leçon: l’inflation n’a plus (vraiment) d’importance pour les actifs risqués.

Après la baisse spectaculaire des indices d’inflation dans la deuxième partie de 2023, les indicateurs ont évolué de façon défavorable en 2024, et ce des deux côtes de l’Atlantique. Ceci a conduit les marchés financiers à revoir leurs anticipations en matière de baisses de taux et a créé une pression haussière sur les rendements longs, réels et nominaux. En revanche, les spreads de crédit et les marchés actions sont demeurés insensibles à ce développement, poursuivant sur la tendance favorable amorcée des octobre 2023.

Deuxième leçon: les grandes banques centrales ont résolument adopté une attitude plus équilibrée face au risque d’inflation.

Nous ne sommes plus en 2022-2023, période durant laquelle aucun risque ne pouvait être pris par les autorités monétaires face à la hausse des prix. La communication des grandes banques centrales, Reserve fédérale en tête, est devenue beaucoup plus équilibrée. La banque centrale US se soucie désormais de la partie «emploi» de son mandat et indique explicitement que l’objectif de retour à une inflation à 2% se situe dans le plus long terme. La Banque centrale européenne, quant à elle, ne fait rien pour décourager les anticipations de baisse de taux des mois de mai et juin. Il semble également que la baisse de taux amorcée par la Banque nationale suisse ne soit pas anodine. Même si elle est justifiée par des fondamentaux d’inflation meilleurs qu’ailleurs, elle n’aurait sans doute pas pu avoir lieu si les autorités monétaires suisses n’étaient pas convaincues qu’un cycle global de détente soit bientôt amorcé. Enfin, la banque centrale japonaise, agit bien à contre-courant en quittant (enfin) sa politique de taux d’intérêts négatifs, mais prend soin, dans sa communication, à clarifier qu’il ne s’agit pas du début d’un processus de resserrement mais d’un ajustement limité.

Troisième leçon: l’activité économique globale continue d’être résiliente malgré un resserrement monétaire accumulé.

Les niveaux d’activité divergent fortement par secteurs et zone géographiques, un certain nombre de secteurs faisant preuve de faiblesse. Malgré cela, en termes globaux, il ne fait pas de doute que le ralentissement attendu par beaucoup en réaction a des politiques monétaires restrictives n’a pas eu lieu. Parmi les explications plausibles, citons : les politiques budgétaires globalement accommodantes et la reprise des investissements par un secteur privé dont le niveau de confiance remonte.

Quatrième leçon: les marges des entreprises ne se normalisent pas vers le bas, mais continuent globalement leur expansion.

Les marges globales sont (depuis longtemps) fortement tirées vers le haut par le secteur technologique, qui bénéficie depuis 12 mois en plus de vents arrières favorables (et sans doute durables) liés aux investissements dans l’intelligence artificielle. Toutefois, le maintien des marges à un niveau élevé est un phénomène plus général, qui oblige les investisseurs à revoir à la hausse les perspectives bénéficiaires des entreprises cotées.

Cinquième leçon: l’or se révèle moins sensible qu’attendu aux taux d’intérêt.

L’or avait fait preuve dans les années récentes d’une relation inverse par rapport aux taux d’intérêt, agissant souvent comme un actif obligataire. Cette relation a été brisée durant le trimestre, puisque le métal a atteint des plus hauts historiques alors que les taux s’inscrivaient à la hausse. Nous y voyons deux explications possibles : les achats de banques centrales moins sensibles au prix dans le cadre de la diversification de leurs réserves, et la méfiance de certains investisseurs face à la croissance continue de la dette publique globale.

Il appartient aux investisseurs de se déterminer sur le caractère durable ou transitoire des «leçons» de ce trimestre. Pour notre part, nous soupçonnons qu’une majorité des forces décrites ci-dessus se révèleront durables. En particulier, il nous semble que les banques centrales continueront d’afficher des objectifs d’inflation ambitieux, mais se montreront tolérantes face à un dépassement limite de ces objectifs. Dans ce contexte, une récession induite par les politiques monétaires devient moins probable, et les actifs réels (actions en particulier) se révèleront structurellement plus intéressants que les actifs nominaux (obligations à long terme).

A lire aussi...