Les banques centrales sous le feu des projecteurs alors que les marchés restent volatils

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les craintes pour la solvabilité des banques semblent exagérées. La plupart d’entre elles affichent toujours des niveaux de liquidité satisfaisants.

©Keystone

Lundi dernier, après une semaine mouvementée, les marchés ont renoué avec une certaine normalité. Les contrats à terme sur le S&P 500 étaient en baisse de 0,2% et ce alors que les investisseurs digéraient les nouvelles en provenance du secteur bancaire. Point de situation.

En Asie, l’indice Hang Seng (-2,7%) était le plus affecté avec une certaine pression sur les valeurs bancaires. En Europe, ces dernières pesaient aussi sur l’indice Stoxx Europe 600, en repli de 0,3% dans les premiers échanges. Après une ouverture dans le rouge, les valeurs refuge que sont le yen et l’or sont repassées au-dessus de leur niveau du vendredi à la clôture.

Le S&P 500 a progressé de 1,4% malgré les soubresauts, grâce à la baisse des rendements obligataires (-27 points de base pour les bons du Trésor américain à dix ans et -75 points de base pour ceux à deux ans). Néanmoins, les banques américaines sont restées sous pression, comme en témoigne la chute de près de 15% de l’indice KBW Bank. L’indice Stoxx Europe 600 a cédé près de 4% au cours de la semaine en question, lesté par la chute de 13% des valeurs bancaires européennes.

Acquisition de Credit Suisse par UBS

Le dimanche 19 mars, UBS a annoncé le rachat de Credit Suisse. Dans son communiqué, l’Autorité fédérale suisse de surveillance des marchés financiers (FINMA) a salué « la solution de reprise et les mesures adoptées par la Confédération et la Banque nationale suisse (BNS). La transaction, ainsi que les mesures prises, sont un gage de stabilité pour les clients de la banque et pour la place financière.»

Par ailleurs, les principales banques centrales se sont employées, dans le même temps, à rassurer les investisseurs quant à la stabilité du système financier. La Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE) et d’autres instituts d’émission ont annoncé une action coordonnée pour apporter des liquidités par le biais des lignes existantes de swap en dollars.

Et maintenant sur les marchés?

Les tensions dans le secteur bancaire ces dernières semaines ont mis en évidence trois enjeux imbriqués mais différents : la solvabilité, la liquidité et la rentabilité des banques.

Dans l’ensemble, les craintes pour la solvabilité des banques semblent exagérées. La plupart d’entre elles affichent toujours des niveaux de liquidité satisfaisants. Aux Etats-Unis comme en Suisse, les responsables politiques ont fait preuve de réactivité. Dans la grande majorité des institutions financières à travers le monde, les déposants restent bien protégés, même si la rentabilité des banques pourrait souffrir dans les mois à venir.

Les marchés devraient commencer à spéculer sur des baisses de taux directeurs sur un horizon d’un à deux ans.

S’agissant des répercussions économiques plus générales, les mesures annoncées ces dernières semaines par les responsables politiques devraient permettre d’atténuer les risques pour la stabilité financière. Mais les conditions financières pourraient se resserrer, accentuant ainsi le risque d’atterrissage brutal.

Les banques sont une courroie de transmission essentielle de la politique monétaire des banques centrales à l’économie dans son ensemble. La hausse des coûts de financement bancaire, les mesures prises par les banques pour améliorer leur liquidité et une plus grande frilosité des investisseurs sont autant de facteurs susceptibles de freiner la croissance économique dans les trimestres à venir.

Poursuite du resserrement monétaire

Les banques centrales poursuivent le resserrement monétaire. Selon ce que laissait entrevoir les indicateurs rétrospectifs, notamment l’indicateur GDPNow de la Fed d’Atlanta qui suggère une croissance de 3,2% au premier trimestre 2023, 815’000 emplois salariés créés ces deux derniers mois et une inflation toujours nettement supérieure aux objectifs, la Fed a annoncé, la semaine dernière, une hausse de 25 points de base (pb) de son taux d'intérêt directeur.

Cela dit, la Fed a déjà considérablement relevé ses taux, les conditions de crédit se durcissent rapidement et le risque de récession était considéré comme très important avant même ce nouveau choc pour le système bancaire.

En relevant également ses taux il y a quelques jours, la BCE a montré sa détermination à lutter contre l’inflation, ce qui laisse entrevoir une nouvelle hausse, de 25 pb cette fois-ci, lors de sa réunion de mai. Si l’inflation sous-jacente n’amorce pas une décrue d’ici le milieu de l’année, un nouveau relèvement de 25 pb devrait suivre en juin. Le taux de rémunération des dépôts culminerait alors à 3,5%.

Comment investir?

A mesure que les effets des relèvements de taux précédents deviendront plus apparents, les marchés devraient commencer à spéculer sur des baisses de taux directeurs sur un horizon d’un à deux ans.

Dans ces conditions, il sera sans doute plus difficile d’obtenir à l’avenir des taux fixes attrayants sur les instruments monétaires et obligataires. Il est recommandé aux investisseurs d’engranger les rendements élevés à l’heure actuelle et de gérer le risque d’un mauvais timing en le faisant progressivement.

Du côté des obligations…

Comme les rendements totaux restent élevés, les obligations de qualité sont une classe d’actifs attrayante dans l’environnement actuel. Les obligations permettent aux investisseurs qui disposent de liquidités de diversifier leur risque de crédit et de s’assurer un niveau de rendement fixe à un moment où la trajectoire future des taux d’intérêt est incertaine.

La Recherche d’UBS apprécie les obligations high grade et investment grade. En outre, ses segments obligataires défensifs favoris se sont fortement appréciés en réaction à la récente baisse des taux. Ils devraient poursuivre sur leur lancée si les marchés intègrent, à l’avenir, une probabilité accrue de récession ou de baisse plus marquée des taux d’intérêt.

… et des actions

S’agissant des actions, la Recherche d’UBS a formulé un avis Least Preferred à l’égard des Etats-Unis. La Fed doit lutter contre l’inflation sans compromettre la croissance et la stabilité financière : c’est un numéro d’équilibriste de plus en plus difficile. La probabilité qu’elle parvienne à orchestrer un «atterrissage en douceur» s’en trouve amenuisée.

La préférence de la Recherche d’UBS va aux actions émergentes, dont la valorisation est plus intéressante et qui surfent sur le déconfinement de la Chine. D’un point de vue sectoriel, les valeurs internationales de la consommation de base, dont la belle dynamique bénéficiaire relative se renforce, sont appréciées. La Recherche d’UBS affiche également un faible pour les stratégies de préservation du capital au détriment d’une exposition directe aux actions, afin de couvrir les risques qui pèsent sur les marchés d’actions.

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