La Fed obligée de rester ferme face aux chiffres de l’inflation aux Etats-Unis

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les derniers chiffres de l’inflation accentuent le risque d’un nouveau tour de vis de la Fed pour faire retomber la pression sur les prix.

© Keystone

Après un rebond en janvier, l’indice S&P 500 marque le pas ces dernières semaines, lesté par les bons chiffres de l’emploi aux Etats-Unis et par les signes de persistance de l’inflation qui ont engendré un réajustement des anticipations de marché quant à l’évolution des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed). Point de situation.

Les cours des contrats à terme sur les Fed funds (fonds déposés par les banques auprès des Réserves fédérales régionales) impliquent désormais un point culminant à 5,29% pour les taux directeurs, contre 4,8% en début de mois. Il y a dix jours, le rendement des bons du Trésor à dix ans a atteint son plus haut niveau de l’année, à 3,83%.

Décrue de l’inflation plus lente que prévu

Au premier abord, l’indice des prix à la consommation (IPC) en janvier aux Etats-Unis suggère une atténuation de la pression inflationniste. Le taux d’inflation annuelle est tombé à 6,4%, contre 6,5% en décembre, au plus bas depuis la fin 2021 et loin du taux de 9,1% enregistré en juin dernier, le plus élevé depuis quatre décennies.

Les prix de certains produits très demandés pendant la pandémie, comme les voitures et les camions d’occasion, ont poursuivi leur décrue sur fond de réorientation des dépenses des ménages vers les services au détriment des biens.

Néanmoins, un examen détaillé de la situation suggère que la décrue de l’inflation est plus lente que ne l’espéraient les économistes. Si l’on y ajoute les chiffres de l’emploi meilleurs que prévu en janvier et la hausse de 3% des ventes au détail aux Etats-Unis pour le même mois, les derniers chiffres de l’inflation accentuent le risque d’un nouveau tour de vis de la Fed pour faire retomber la pression sur les prix.

Des baromètres qui vont dans la mauvaise direction

En glissement mensuel, l’IPC est ressorti en hausse de 0,5% en janvier contre 0,1% en décembre, en grande partie à cause de la hausse de 0,7% du coût du logement. En revanche, l’inflation sous-jacente (qui fait abstraction des prix de l’alimentation et de l’énergie) est restée stable à 0,4%.

Les chiffres mettent aussi en évidence le caractère général de l’inflation. Le baromètre de l’inflation à moyenne tronquée de la Fed de Cleveland, qui fait abstraction des variations de prix les plus marquées, est ressorti en hausse de 0,6% sur le mois, son rythme le plus élevé depuis septembre.

L’inflation est orientée à la hausse ces derniers mois. Le taux sur trois mois annualisé a grimpé à 4,6% en janvier, contre 4,3% en décembre, tout comme le taux sur six mois annualisé qui est passé de 5,1 à 5,3%. En outre, l’indice des prix à la production aux Etats-Unis est ressorti en hausse de 0,7% en glissement mensuel en janvier, au plus haut depuis sept mois.

Crainte d’une inflation salariale persistante

L’économie américaine a créé 517'000 nouveaux emplois (solde net) en janvier, plus de deux fois le chiffre prévu par le consensus (188'000), tandis que le taux de chômage est tombé à 3,4%, son plus bas niveau depuis 53 ans. La demande de main-d’œuvre demeure supérieure à l’offre, comme en témoigne le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) de décembre, qui fait état de 1,9 poste vacant pour 1 demandeur d’emploi.

En dépit des signes de ralentissement de l’inflation salariale, son niveau reste incompatible avec un retour à l’objectif d’inflation de la Fed. La progression du salaire horaire moyen en glissement annuel a ralenti à 4,4% en janvier, contre 4,8% le mois précédent. Mais elle s’est tout de même avérée plus forte que prévu (4,3%).

En outre, la progression du salaire médian en moyenne glissante sur trois mois, calculée par la Fed d’Atlanta, est ressortie à 6,1% en janvier, soit nettement plus que la fourchette de 3 à 4% observée entre 2015 et la fin 2021.

En faire plus pour juguler l’inflation

Récemment, le président de la Fed de New York, John Williams, a déclaré que «compte tenu du dynamisme du marché de l’emploi, il est fort possible que l’inflation reste durablement élevée ou que nous soyons obligés de relever encore les taux».

La présidente de la Fed de Dallas, Lorie Logan, a déclaré que la banque centrale «doit rester prête à poursuivre le relèvement de ses taux plus longtemps que prévu». Son homologue de Cleveland, Loretta Mester, a indiqué qu’elle avait plaidé pour un relèvement de 50 points de base (pb) lors de la réunion de la Fed de février, qui a accouché d’une hausse de 25 pb seulement.

Des points d’inflexion pour 2023

On peut entrevoir des points d’inflexion sur les fronts de l’inflation, de la politique monétaire et de l’humeur des marchés en 2023. Toutefois, les derniers développements confortent dans l’idée que les marchés sont allés un peu vite en besogne en tablant sur un virage accommodant de la Fed sur fond de décrue de l’inflation.

Dans ce contexte, on appréciera les stratégies qui procurent une exposition au marché des actions à la hausse, tout en ajoutant une protection à la baisse. On incorporera un mélange de valeurs défensives (biens de consommation de base, par exemple), décotées et de rendement, qui devraient surperformer dans un environnement caractérisé par une forte inflation et par un ralentissement de la croissance.

Quelques positions sur des valeurs cycliques devraient également bien se comporter lorsque les marchés commenceront à anticiper les inflexions. On appréciera les actions allemandes et celles des marchés émergents, les valeurs européennes de la consommation et les bénéficiaires du déconfinement de la Chine.

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