Les actions américaines marquent le pas car la Fed garde le cap

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les marchés sont depuis longtemps plus optimistes que les principaux responsables de la Réserve fédérale américaine. La donne a toutefois changé ces dernières semaines.

Pour l’évolution des taux d’intérêt, les marchés sont depuis longtemps plus optimistes que les principaux responsables de la Réserve fédérale américaine. La donne a toutefois changé ces dernières semaines. Les investisseurs tablent désormais sur des taux directeurs plus élevés.

Avant la publication des bons chiffres de l’emploi salarié non agricole en janvier, le marché des contrats à terme sur les fonds fédéraux reflétait un point culminant à 4,81%. Ce sommet est désormais estimé à 5,19%, à comparer avec la plus récente estimation médiane des responsables de la Fed, à savoir 5,125%.

Encore des hausses de taux de la Fed?

Les responsables de la Fed ont d’ailleurs eux aussi laissé entendre qu’il serait peut-être nécessaire de porter les taux directeurs à un niveau plus élevé, compte tenu des bons chiffres de l’emploi publiés récemment, avec un taux de chômage au plus bas depuis 53 ans. Le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, a reconnu que les chiffres de l’emploi «nous ont tous surpris».

Son homologue de la Fed d’Atlanta, Raphael Bostic, a déclaré qu’il faudrait peut-être envisager un relèvement de 50 points de base (pb) lors de la prochaine réunion. Cela constituerait un rétropédalage après la dernière hausse de seulement 25 pb. Le président de la Fed Jerome Powell a estimé que les chiffres de l’emploi le confortaient dans l’idée qu’il reste «beaucoup de chemin à parcourir» dans la lutte contre l’inflation, ajoutant qu’il ne s’attendait pas à des chiffres «aussi bons».

Dans la foulée, le rendement des bons du Trésor américain à dix ans a grimpé de 20 pb tandis que le S&P 500 et le Nasdaq ont cédé respectivement 1,1% et 2,4%. Ces récents développements confortent l’idée qu’aux Etats-Unis, les taux directeurs, la croissance et l’humeur du marché ne sont pas encore à un point d’inflexion.

Il faut une détente du marché de l’emploi

Les deux principaux baromètres de l’inflation, à savoir l’indice des prix à la consommation (IPC) et l’indice des dépenses de consommation personnelles (PCE), indiquent une modération de la pression à la hausse des prix. Ils devraient tous deux rester orientés à la baisse à mesure que la comparaison en glissement annuel fera sortir du calcul les effets du rebond de l’activité économique.

Les pans de l’économie les plus sensibles au niveau des taux d’intérêt, notamment l’immobilier, connaissent aussi un ralentissement. Toutefois, la Fed ne parviendra pas à ramener l’inflation vers son objectif de 2% sans une modération salariale. Comme le taux de chômage aux Etats-Unis se situe à 3,4%, son plus bas niveau depuis 1969, cela semble difficilement envisageable.

L’effet retard des précédents relèvements de taux

La saison de publication des résultats du quatrième trimestre aux Etats-Unis a donné lieu à quelques bonnes surprises, notamment de la part du groupe de réseaux sociaux Meta Platforms. A signaler aussi la belle performance de secteurs moins cycliques tels que la santé et les biens de consommation de base.

La contraction des bénéfices se généralise

Néanmoins, la hausse cumulée de 425 pb des taux de la Fed l’an dernier, la plus marquée depuis des décennies, est en train de faire sentir ses effets sur l’économie et sur les résultats des entreprises. Les bénéfices cumulés sont inférieurs aux prévisions et l’on se dirige vers une diminution de 5% du bénéfice par action.

En clair, une contraction des bénéfices se profile à l’horizon, d’autant que la conjoncture économique se dégrade. Les résultats dans le secteur technologique montrent que les segments en forte croissance comme celui des services cloud ne sont pas épargnés par la baisse des dépenses des entreprises.

Pas de ruée sur le marché américain

Les valorisations semblent tendues. L’indice S&P 500 présente un ratio cours/ bénéfices prévus dans douze mois de 18,1, soit une prime de 16% par rapport à sa moyenne des quinze dernières années. Ce ratio quelque peu élevé pourrait être justifié si les bénéfices étaient inférieurs à la tendance (or ils en sont supérieurs de plus de 10%). Ou si leur croissance était sur le point de s’accélérer franchement. Ou encore si les taux d’intérêt étaient extrêmement bas comme en 2020-2021.

Aucune de ces conditions n’est réunie aujourd’hui. Par conséquent, le marché américain des actions devrait encore évoluer dans un contexte défavorable dans l’immédiat. Il convient dès lors de les marchés émergents (y compris la Chine), ainsi que les actions allemandes qui devraient compter parmi les premiers bénéficiaires du déconfinement en Chine et du redressement de la croissance mondiale en 2023.

Il est toujours conseillé d’avoir une préférence pour les segments plus défensifs du marché des actions, notamment les secteurs de la santé et de la consommation de base, qui devraient résister relativement bien au ralentissement de la croissance du PIB et des bénéfices. On aura aussi à l’œil les valeurs décotées, qui surperforment traditionnellement les valeurs de croissance en période de forte inflation.

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