Les actions peuvent surmonter les relèvements de taux à venir

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Le spectre d’un resserrement monétaire excessif et prématuré qui étoufferait la croissance a engendré un aplatissement des courbes des taux.

©Keystone

La Banque du Canada (BoC) a surpris les marchés en mettant fin plus tôt que prévu à ses achats d’obligations. En outre, elle a indiqué qu’elle tablait sur un premier relèvement de ses taux directeurs plus précoce, au deuxième ou au troisième trimestre 2022. La BoC a aussi déclaré qu’elle «surveillait de près les anticipations d’inflation et les coûts de main-d’œuvre pour s’assurer que les forces temporaires qui font monter les prix ne s’intègrent pas dans l’inflation en cours». 

Ces déclarations font écho à des inquiétudes similaires soulevées récemment par Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. En Australie, la banque centrale a cessé de défendre ses objectifs pour la courbe des taux, alimentant ainsi les spéculations sur une inflexion de sa politique monétaire.

Aplatissement des courbes des taux

Récemment, le virage amorcé par la BoC a provoqué une augmentation de 21 points de base (pb) des rendements canadiens à deux ans, la plus forte hausse en l’espace d’une séance depuis 2009, avec à la clé un aplatissement de la courbe dans sa section deux à dix ans. L’écart de rendement entre ces deux échéances a diminué de 22 pb, du jamais vu depuis 2002. 

Les actions ont repris leur ascension, portées par de nouvelles publications de résultats remarquables.

En parallèle, les rendements australiens à deux ans ont grimpé de 13 pb à 70 pb. Les courbes des taux se sont aplaties au Royaume-Uni, en Europe et aux Etats-Unis, où l’écart de rendement entre les emprunts à dix ans et ceux à deux ans a diminué de 12 pb.

A l’opposé, de très bons résultats du troisième trimestre 

La volatilité des marchés obligataires a amené les actions à marquer une pause après le rebond qui avait propulsé le S&P 500 vers de nouveaux sommets historiques il y a dix jours. 

Cependant, les actions ont repris leur ascension, portées par de nouvelles publications de résultats remarquables. Quelques 56% des entreprises du S&P 500 ont publié leurs résultats du troisième trimestre et, parmi ces dernières, 82% ont annoncé des bénéfices plus élevés que prévu par les analystes et 76% un chiffre d’affaires supérieur aux attentes, selon les données de Refinitiv. Le S&P 500 a achevé la semaine en question en hausse de 1,3%, franchissant pour la première fois le seuil des 4600 points.

Comment interpréter la situation?

1. Quelques banques centrales de second rang relèvent déjà leurs taux ou s’apprêtent à le faire

La Banque de Norvège et la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande ont déjà relevé leurs taux et la Banque d’Angleterre le fera probablement d’ici la fin de l’année. La forte dépendance du Royaume-Uni à l’égard du gaz naturel et l’impact du Brexit sur les chaînes d’approvisionnement ont accentué la pression inflationniste induite par l’offre. 

Les indications prospectives qui suggèrent un regain d’orthodoxie monétaire, qui visent à ancrer les anticipations d’inflation, semblent porter leurs fruits à en juger par la diminution d’environ 25 pb des points morts d’inflation à dix ans au Canada et au Royaume-Uni par rapport à leurs récents sommets.

2. La Fed et la BCE restent plus prudentes

A en juger par les déclarations de ses responsables, la Réserve fédérale américaine (Fed) continuera de veiller à ce que les conditions financières entretiennent la reprise. Récemment, le président de la Fed, Jerome Powell, a renforcé ce message et a déclaré: «Je pense effectivement que c’est le moment de réduire les achats d’obligations mais pas de relever les taux». 

La Fed a un certain nombre d’arguments pour justifier la prudence dont elle fait preuve.

Compte tenu de son double mandat (plein-emploi et stabilité des prix) et de son objectif d’inflation symétrique qui l’autorise à tolérer des périodes de dérapage, la Fed a un certain nombre d’arguments pour justifier la prudence dont elle fait preuve.

La Banque centrale européenne (BCE) reste également accommodante. Après la réunion du conseil des gouverneurs il y a dix jours, Christine Lagarde a déclaré que la BCE s’était livrée à une intense introspection mais qu’elle pense toujours qu’il s’agit d’une inflation transitoire et qu’une réaction serait prématurée.

3. Pas de perturbation sur les marchés

Les marchés d’actions ne devraient pas être perturbés étant donné les solides fondamentaux. La croissance des bénéfices est propice à une poursuite de la hausse des actions. Le pourcentage d’entreprises qui ont fait mieux que prévu (82%) est supérieur à la moyenne sur les cinq dernières années (76%). L’ampleur de l’écart de 11% entre les bénéfices annoncés et les estimations est également supérieur à la moyenne sur les cinq dernières années (8,4%). 

Au troisième trimestre, la croissance des bénéfices pourrait s’avérer supérieure à l’estimation de 30% de la Recherche d’UBS. En outre, le consensus est en train de revoir à la hausse ses prévisions de bénéfices pour le quatrième trimestre. La Recherche d’UBS table toujours sur une croissance du BPA (bénéfice par action) du S&P 500 de 45% en 2021 et de 10% en 2022.

Qu’est-ce que cela implique pour les investisseurs? 

Un potentiel haussier pour les actions est toujours perceptible. Par ailleurs, il est recommandé aux investisseurs d’acheter les titres appelés à surfer sur la croissance mondiale, notamment ceux issus de secteurs cycliques comme l’énergie et la finance. 

La zone euro et le Japon sont les marchés d’actions qui profiteront certainement le plus de la conjoncture économique porteuse. Le resserrement monétaire plus ou moins rapide selon les banques centrales crée des opportunités sur le marché des changes. La Recherche d’UBS affiche une préférence pour le dollar et la livre sterling. En revanche, le yen et le franc font l’objet d’un avis Least Preferred. 

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