L’inflation ignorée

Axel Botte, Ostrum AM

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La Fed martèle son message face à la hausse de l’inflation. Les actions étaient sous pression en fin de semaine dernière.

©Keystone

L’accélération de l’inflation américaine est indéniable. Mais le rendement du T-note à 10 ans bénéficie du soutien indéfectible de la Réserve Fédérale motivé par le caractère prétendument transitoire de la hausse des prix. Une mauvaise adjudication de bons à 30 ans avait favorisé les vendeurs avant que Jerome Powell ne martèle, une fois encore, son message accommodant. Le 10 ans américain flirte de nouveau avec les 1,30%. Outre quelques accès de volatilité et la pression vendeuse de vendredi, les indices se maintiennent proches de leurs sommets historiques. Le pétrole hésite entre les craintes liées au delta et l’incertitude sur l’offre. La rechute des taux nominaux et le repli du pétrole pèsent logiquement sur l’inflation anticipée. 

La réunion du 21 juillet à la BCE sera l’occasion de présenter sa revue stratégique et d’envisager la prolongation de l’assouplissement au-delà de l’échéance prévue du PEPP en mars 2022. La promesse des taux bas entretient la stabilité des spreads. Le dollar se renforce contre la plupart des devises à l’exception du dollar néo-zélandais porté par les anticipations de relèvement des taux dès le mois d’août.

La toile de fond économique reste inchangée

La croissance aux Etats-Unis permet un redressement continu du marché du travail mais semble engendrer un surcroit persistant d’inflation. L’indice de surprise d’inflation calculé par Citi se situe en effet au plus haut historique. Les prix à la consommation sont en hausse de 5,4% sur un an en juin. L’indice excluant les prix alimentaires et l’énergie ressort à +4,5%. Les prix à la production ou le coût des importations traduisent toujours les mêmes pressions sur les chaines de production mondiales. Le coût du fret maritime atteint d’ailleurs des niveaux sans précédents. 

Les anticipations d’inflation à court et moyen terme
des ménages remontent en juin.

Le prix des conteneurs fixé à Shanghai a en effet quadruplé depuis juin 2020. Il est peu probable que ces contraintes de production et de chaines logistiques s’apaisent à court terme alors que la réouverture des économies augmentera le niveau d’activité cet été. Les anticipations d’inflation à court et moyen terme des ménages remontent en juin (4,8% et 2,9% respectivement). Par ailleurs, les ventes de détail ont progressé de 0,6% au mois de juin, après une chute de 1,7% en mai. La croissance tirée par la consommation finale devrait atteindre 8 à 10% au deuxième trimestre.

La Fed semble ne pas vouloir dévier de sa communication

La feuille de route inclut probablement l’annonce du tapering à la fin de l’été. La réduction des achats d’actifs s’étalera ensuite sur un an. Les prix du logement méritent néanmoins l’attention des banquiers centraux. D’autres banques centrales ont déjà engagé une diminution du soutien monétaire. La Banque de Chine a ainsi réduit ses achats hebdomadaires à deux milliards de yuans. La RBNZ (Banque de Nouvelle-Zélande) voit en revanche dans la hausse de l’inflation (1,3% entre mars et juin) les raisons d’anticiper le resserrement monétaire dès le mois d’août. La BoE hésite aussi à engager une réduction du stimulus.

A l’inverse, la réunion de la BCE du 21 juillet permettra à Christine Lagarde de présenter la nouvelle stratégie monétaire de l’institution. L’objectif de prix est désormais symétrique autour de 2%. A terme, l’inflation prendra en compte le coût du logement pour les propriétaires. La BCE évoquera aussi l’après-PEPP et dessinera probablement les contours d’un programme d’achat d’actifs pérenne lié à la crise climatique. Le verdissement du CSPP, au-delà de l’augmentation naturelle de l’encours des émissions vertes, semble un nouvel objectif pour l’institution de Francfort. La BoJ, plus prudente sur la croissance en raison de la résurgence de l’épidémie en Asie, interviendra également sur le marché des obligations vertes y compris en devises étrangères, compte tenu de l’encours insuffisant de titres en JPY.

Indices de prix favorables à l’aplatissement des courbes de taux

Le 10 ans américain casse brièvement 1,40% mais, outre l’IPC de juin, l’adjudication difficile de 30 ans a engendré un décalage haussier des rendements longs. Les propos de Jerome Powell viendront ensuite caper cette hausse ramenant le T-note à 1,30% en fin de semaine. Le spread 2-10 ans se rétrécie de 6pb en cinq séances, grâce aussi à une rare tension du 2 ans. Les points morts de marché semblent impliquer une certaine confiance des intervenants dans la capacité de la Fed à ramener l’inflation à l’objectif de 2% mais les enquêtes auprès des ménages (CES, UofMich) s’avèrent plus incertaines. 

Le crédit investment grade reste inerte avec des spreads
insensibles aux données ou aux craintes sanitaires.

Le swap d’inflation à 10 ans ressort en hausse de 5pb sur la semaine. Le Bund suit la tendance imprimée par le T-note d’autant que la BCE est loin d’envisager la fin du soutien monétaire. L’expiration du PEPP donnera lieu à un nouvel instrument. Le Bund retombe vers -0,35% et le 30 ans (0,14%) accentue encore ce repli. Les swap spreads ont tendance à s’élargir notamment sur les maturités longues. Toutefois, les spreads souverains à 10 ans sont stables autour de 105pb sur le BTP italien et 64pb sur les Bonos.

Le crédit investment grade reste inerte avec des spreads insensibles aux données ou aux craintes sanitaires. L’Euro IG s’échange à 83pb de spread contre la référence sans risque comme son équivalent américain (85bp). Le high yield (297pb contre Bund) reste animé par une thématique de décompression des notations BB par rapport aux B. Ce dernier mouvement de 20pb depuis le début du mois efface le resserrement de juin.

Les actions restent proches de leurs sommets

Cela étant, l’asymétrie des réactions aux communications des entreprises semblent laisser peu de place aux déceptions dans un marché évalué à 15,5 fois les bénéfices de 2022. On enregistre ainsi des décrochages violents sur la cote européenne après des annonces décevantes.

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