Le secteur aérien en mode survie

Sasja Beslik, J. Safra Sarasin Asset Management

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Entré dans la pire récession de son histoire, le secteur aérien devra encore résoudre ses enjeux environnementaux.

©Keystone

Le secteur aérien subit actuellement la pire récession de son histoire. Si l’objectif à court terme est la survie, le défi à plus long terme reste celui des enjeux environnementaux.

La demande de transport aérien et les émissions de carbone ne cessent d'augmenter. Depuis des dizaines d’années, la demande de trafic aérien connaît une hausse constante, estimée à 1,8 fois le PIB mondial au cours des 40 dernières années, la plus forte baisse ayant été de seulement de 3,3% en 1991. Même si les avions sont de plus en plus économes en carburant, cela ne suffit pas à compenser la consommation de kérosène due à l'augmentation du nombre de kilomètres parcourus. Bien que le secteur aérien ne représente que 3% des émissions mondiales, la réputation de grand pollueur qu’il a acquise sous l’effet des prévisions à la hausse de la demande, par comparaison aux secteurs qui parviennent à réduire les émissions (tels que les services aux collectivités), a déclenché des mouvements de «flight shaming».

Les répercussions sans précédent de la pandémie
de COVID-19 sur les voyages aériens sont désormais notoires.

Le secteur a tenté de répondre en adoptant une feuille de route vers l’objectif de neutralité carbone pour 2050 et en proposant des compensations carbone volontaires afin de ne plus être dans le collimateur des gouvernements et des consommateurs.

Les répercussions sans précédent de la pandémie de COVID-19 sur les voyages aériens sont désormais notoires. D’après les prévisions de l’IATA, la dette des compagnies aériennes passera de 120 à 550 milliards de dollars d'ici fin 2020 en raison des lourdes pertes essuyées par le secteur. La priorité des gouvernements sera donc d’empêcher les faillites. Ces pertes élevées peuvent également ralentir les progrès accomplis par le secteur aérien en vue de fixer et d’atteindre des objectifs de développement durable. Nous pensons que des risques pèsent sur le régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale «CORSIA» des Nations unies, qui doit entrer en vigueur en 2021.

D’un autre côté, comme il faudra peut-être 2 à 3 ans pour que les transports aériens retrouvent leurs niveaux de 2019, les émissions seront d’ici-là inférieures aux prévisions initiales. Les consommateurs accepteront peut-être de payer les compensations, mais il se peut que l’accessibilité financière l'emporte à court terme sur les enjeux environnementaux.

Au niveau mondial, les compagnies aériennes
ne représentent que 3% des émissions de CO2.

La Commission européenne a accordé aux investissements ciblant le changement climatique une part importante de son fonds de relance, et le gouvernement français a inclus des normes environnementales plus strictes dans son programme d’octroi de prêts d’urgence à Air France. Ainsi, l'aviation n'est pas le plus grand émetteur de CO2, pourtant les perspectives de développement de ses capacités (et donc des émissions) ont braqué les projecteurs sur le secteur.

Au niveau mondial, les compagnies aériennes ne représentent que 3% des émissions (mais plus de 5% dans l'UE). Toutefois, en raison de l'augmentation des capacités, qui fait plus qu’annuler l'effet positif de l'amélioration du rendement énergétique des nouveaux avions, le secteur a connu une croissance rapide des émissions, supérieure à 200% depuis les années 1990. En supposant que les capacités du secteur repartent à la hausse après la pandémie de COVID, l'augmentation des émissions devrait se poursuivre car, contrairement à ce qui se passe dans le secteur de l'automobile ou de la production d'électricité, il n'existe actuellement aucune technologie à faible teneur en carbone qui soit envisageable à court terme pour réduire les émissions, hormis l'utilisation de biocarburants. 

Les avions électriques pourraient être une solution,
mais uniquement à long terme et pour les vols court-courriers.

Où donc trouver des solutions? Les avions les plus récents sont généralement 15 à 20% plus économes en carburant que les modèles précédents, ce qui, dans une certaine mesure, contribue à réduire les émissions. En effet, l'industrie aéronautique a réussi à réduire l'intensité carbone du carburant des avions. Par exemple, l'A350 XWB est fabriqué à 53% de matériaux composites légers et émet 25% de moins de CO2 que la génération précédente, tandis que l'A320neo émet 20% de CO2 en moins que les autres avions à couloir unique.

Les avions électriques pourraient être une solution, mais uniquement à long terme et pour les vols court-courriers, contrairement au transport routier, où les véhicules électriques constituent une grande partie de la solution. La taille des batteries constitue actuellement un obstacle majeur à la mise en service d’avions électriques, notamment pour les vols long-courriers. Par exemple, un avion électrique reliant Londres à New York aurait besoin de 250 tonnes de batterie. Quelle que soit la façon d’aborder le problème, il apparaît clairement que le secteur ne pourra pas échapper à des changements structurels majeurs et chacun de nous devra voyager par les airs plus intelligemment.

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