Le climat, la partie émergée de l’iceberg…

Sasja Beslik, J. Safra Sarasin Asset Management

2 minutes de lecture

Nos systèmes économiques mondiaux doivent se recentrer sur une croissance équitable.

Quand on pense à la quantité de mots, de phrases et d'articles écrits ces 6 derniers mois sur le changement climatique et le rôle des entreprises et de la finance en particulier, on peut presque ressentir les changements tectoniques qui secouent les marchés mondiaux. Mais deux questions fondamentales demeurent: est-ce que nous nous attaquons réellement à la cause profonde du réchauffement climatique et est-ce que nous nous concentrons sur la véritable transition dont nous avons si désespérément besoin?

Le changement climatique est sans doute l'une des plus grandes injustices de l'histoire par l'ampleur et la durée des dommages causés à l'humanité. La plupart des personnes les plus touchées par le changement climatique sont celles qui ont le moins contribué à sa cause, souvent en raison de la pauvreté. L’Accord de Paris vise à protéger les générations actuelles et futures mais touche aussi à la question de justice mondiale fondamentale. L'un des moyens d'accélérer l'action en faveur du climat est de veiller à ce qu'elle soit inclusive. Cela signifie qu'il faut tenir compte des conséquences en matière de répartition afin que personne ne soit laissé pour compte.

La transition elle-même doit être juste et la manière
dont elle est réalisée doit être équitable pour tous.

La transition vers une économie qui prend en compte les changements climatiques et neutre en termes d’émissions offre une opportunité mondiale de réaliser un développement inclusif au 21e siècle, non seulement en évitant les dommages du changement climatique, mais aussi en offrant la possibilité de lutter contre la pauvreté et l'inégalité ainsi que de garantir la protection et le respect des droits de l'homme. Pour saisir cette opportunité, la transition elle-même doit être juste et la manière dont elle est réalisée doit être équitable pour tous.

D'ici à 2100, les pertes financières potentielles liées au changement climatique pourraient aller de 4200 milliards de dollars à 43'000 milliards de dollars, alors que le total mondial d'actifs gérables s'élève à 143 milliards de dollars. Toutefois, dans le même temps, le changement climatique devrait également générer des opportunités d'investissement pouvant atteindre 26'000 milliards de dollars d'ici à 2030 seulement.

Alors que les grands engagements ou campagnes sur le climat ont tendance à faire la une des journaux, il est indispensable de traduire ces engagements en actions de transition réelle et en processus qui transforment profondément les industries et les modèles d'exploitation. Et cela n'a pas tant à voir avec l'urgence climatique. Le fait de ne pas prendre en compte de manière adéquate les dimensions socio-économiques des politiques de réduction des émissions de carbone et de croissance durable entrave déjà le rythme de la transition. L'inquiétude générale concernant les conséquences globales du changement économique, en particulier en matière d'inégalités, s'est mêlée aux préoccupations concernant les effets de l'action sur le climat.

Nous devons accélérer le rythme de la prise de décision
si nous voulons répondre à l'urgence du changement climatique.

Si nous ne pouvons pas gérer une meilleure transition socio-économique de la richesse, nous serons en grande difficulté. Nos systèmes économiques mondiaux doivent se recentrer sur une croissance équitable. La lutte contre l'urgence climatique n'est qu'un aspect de cette transition. Nous devons considérer la transition comme faisant partie de la nouvelle histoire d'une croissance inclusive et durable. Il s'agit d'un modèle économique très attrayant, caractérisé par une innovation et une croissance fortes et capable de surmonter la pauvreté de manière efficace et durable. Mais ce nouveau modèle exige que nous gérions le processus de changement d’une bien meilleure façon. Nous devons organiser la transition socio-économique dans une multitude de domaines, notamment les technologies, les structures économiques, les villes et la division internationale du travail. Et nous devons accélérer le rythme de la prise de décision si nous voulons répondre à l'urgence du changement climatique. Les investisseurs institutionnels devront veiller à ce que leurs stratégies, processus et pratiques internes soient compatibles avec la réalisation d'investissements durables et à faible intensité carbone, ce qui serait facilité par des réformes réglementaires et d'autres réformes du système financier qui intègrent la durabilité dans l'ensemble du système financier. Il s'agira notamment d'intégrer des politiques de transition équitable dans les pratiques d'investissement. Il peut s'agir d'utiliser des techniques d'actionnariat actif – par exemple en influençant les conseils d'administration pour qu'ils adoptent des stratégies de transition équitable – et des options d'allocation de capital, notamment par la réaffectation de capitaux aux entreprises qui prennent au sérieux une transition équitable.

A lire aussi...