Le risque de crédit devrait augmenter en 2024

Thomas Planell, DNCA Invest

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S&P pourrait réduire la note de la France alors que les économies de la zone euro font face à un durcissement des conditions financières.

©Keystone

Devise du marché depuis plusieurs trimestres: quel est cet «atterrissage en douceur» (ou soft-landing) censé ouvrir les portes de la Jérusalem céleste du scénario «boucles d'or» (Goldilocks), synonyme de désinflation, de résilience économique, de baisse des taux d'intérêt et de détente des multiples de valorisation?

Pour Alan Blinder, vice-président de la Fed dans les années 1990, il n'est rien de moins que le Saint Graal du banquier central, «le feu sacré de toute politique monétaire», comme il le confesse dans sa dernière contribution Journal des Perspectives économiques. Il évoque le cas, plutôt rare dans l'histoire monétaire, où la Fed parvient à relever ses taux directeurs sans que le PIB ne se contracte de plus de 1% un an plus tard. Depuis 1965, les Etats-Unis ont connu onze programmes successifs de resserrement monétaire. Mauvaise nouvelle pour les investisseurs: dans 70% des cas, elles ont entraîné un dérapage de l'économie et une perte de contrôle des marchés actions: une perte maximale de 30% en moyenne (maximum drawdown)!

Les tensions dans le domaine de l'énergie restent d'actualité.

L'économie américaine n'a réussi qu'à trois reprises à effectuer un atterrissage en douceur, ce qui n'a (parfois) causé que peu de dégâts aux marchés: le S&P500 a reculé de 22% au maximum entre 1965 et 1966, de 14% entre 1983 et 1984 et de 8,9% entre 1993 et 1995. «Pour réussir un atterrissage en douceur, en n'exerçant peu ou pas de contrôle sur les agrégats économiques, une banque centrale doit être à la fois chanceuse et douée», concède Blinder. Le «parachute» de l'élection présidentielle, à laquelle on attribue souvent de grands espoirs de stimulation budgétaire, sera donc d'un grand secours pour les marchés. Sans compter que la fibre textile du système d'urgence est quelque peu usée par son utilisation fréquente ces dernières années.

Dans le cockpit, les investisseurs seront donc attentifs aux signaux d'alerte à l'approche de la piste de décollage. Les indices PMI dans l'industrie chinoise ont envoyé des signaux mitigés sur l'état de la demande domestique et les opportunités d'exportation. Plus que les Etats-Unis, l'Europe est vulnérable au ralentissement économique de son principal partenaire commercial. Elle est également en première ligne lorsque la volatilité des prix de l'énergie refait surface: les tensions dans le domaine de l'énergie restent d'actualité avec le risque de nouveaux quotas pétroliers en Arabie saoudite.

Les actions européennes affichent une décote record par rapport aux actions américaines.

Malgré un rebond de plus de 8% depuis la fin du mois d'octobre, en raison d'une plus grande probabilité que la BCE réduise ses taux l'année prochaine (peut-être dès le premier semestre), les actions européennes (et émergentes) se négocient toujours avec une décote quasi record par rapport aux actions américaines. Double peine: la baisse des taux d'intérêt nominaux (sur fond de désinflation) a moins profité à l'expansion des multiples sous nos latitudes tumultueuses, tandis que les perspectives d'une croissance nominale en retard assombrissent considérablement les attentes en matière de marges et de bénéfices.

Après que la BCE a augmenté les taux d'intérêt de 4,5%, les économies de la zone euro doivent digérer l’augmentation des conditions de financement. L'effet retard est difficile à évaluer et les différences entre les économies européennes sont importantes. Selon que l'on emprunte au nord ou au sud des Alpes, on ne doit pas la même chose à son créancier.  Le taux d'intérêt moyen payé par les entreprises non financières est supérieur à 5% en Italie et à 4% en Espagne. C'est deux points de pourcentage de plus qu'en Allemagne et en France. Les conditions de révision des taux d'intérêt et la durée moyenne des lignes d'emprunt sont également moins favorables dans les pays du sud.

En conséquence, les investisseurs pourraient devoir à nouveau faire preuve de fermeté pour se protéger des risques de crédit, qui se manifesteront probablement davantage l'année prochaine. La France trouvera-t-elle grâce à leurs yeux lorsque l'agence de notation S&P menacera, pour la première fois sous la présidence Macron, de dégrader la note du pays?

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