Face aux tensions géopolitiques, les investisseurs actions se tournent vers les pétrolières diversifiées.
Avec la défaite du parti Droit et Justice, la Pologne resserre le rang avec Bruxelles. Mais la déchirure diplomatique s'aggrave entre le «Nord» et ce que certains désignent encore sous l'anachronique et maladroit terme des pays du «Sud global», courroucés par le soutien automatique du bloc occidental à Israël. Une aubaine pour Poutine, dont les tentatives de fédérer autour d'un axe anti-G7 était plombées par la guerre en Ukraine.
Dans cette atmosphère de crépuscule de la Pax Americana, les gérants globaux font face à «l'environnement géopolitique le plus menaçant et incertain qu'ils ont pu connaître» pour reprendre les propos de Paul Tudor Jones qui ajoute qu'au même moment, «les Etats-Unis sont d'un point de vue de leur déficit fiscal dans leur situation la plus précaire» depuis le début de la première guerre froide. Dans ce contexte, l'indicateur de sentiment de marché de Bank of America affiche un niveau de pessimisme extrême.
En août 2011, malgré la dégradation de la note américaine par S&P, les obligations souveraines américaines avaient joué leur rôle tandis que les marchés actions (-13% pour le Stoxx 600 Europe) subissaient les affres de la crise de l'euro. Ce n'est pas le cas en 2023. Malgré 36 semaines consécutives de flux acheteurs, le repli des taux au lendemain de l'attaque du Hamas (-30 points de base sur le rendement américain à 10 ans) a été de courte durée. Le sell-off obligataire des jours suivants a propulsé les taux américains à des niveaux record depuis 2007 (5% à 10 et 30 ans). Parmi les vendeurs, la Chine: 21,6 milliards de dollars d'actifs américains cédés en août, du jamais vu depuis quatre ans.
La troisième crise de la dette mondiale eut lieu en 1981. Pendant les 10 années qui s'en suivirent, Washington a conditionné son aide au déploiement par les emprunteurs de réformes pro-marché. Comme le note Hal Brands dans son «Twilight Struggle», la doctrine américaine considérait que la dette «pouvait et devait être utilisée comme levier d’influence».
Les rôles sont-ils en train de changer? Ce n'est pas le message envoyé par le marché des changes. L'hégémonie du billet vert ne semble pas (encore) remise en cause malgré les 33’669 milliards de dette publique… Depuis 2008, à 106,2 points, le Dollar Index est en hausse de 50%. Dans le contexte de tensions sur les prix des hydrocarbures, la part de marché du pays (désormais premier producteur mondial de gaz naturel et de pétrole!) n'est peut-être pas étrangère à ce phénomène.
La force du greenback n'empêche pas l'or de progresser. Il tutoie les 2000 dollars, une performance robuste quand on sait que la relique barbare souffre généralement quand les taux réels sont élevés (2,5% à 10 ans aujourd'hui!). Les tensions géopolitiques expliquent bien sûr une grande partie des gains. Mais pas seulement. La question de savoir qui du marché ou de Powell pilote les taux est entière et elle accroit la nervosité.
Powell, qui s'exprimait cette semaine, navigue à vue, tentant de convaincre que son immobilisme est volonté de prudence. Le resserrement monétaire a été extraordinairement rapide, mais le Président reprend Milton Friedman à son compte, quand il rappelle que la politique monétaire exprime ses effets sur l'économie avec un décalage, sans pouvoir toutefois en quantifier la durée. «Il s'est écoulé un an depuis la dernière hausse de 75 points de base»… «Nous devrions être en train d'assister aux premières conséquences, qui d'ailleurs, ne se produisent pas toutes en même temps».
C'est vrai. D'un côté les taux de défaut des petites entreprises et des ménages sur leurs crédits à la consommation augmentent, les taux d'emprunts hypothécaires dépassent parfois les 8% accroissant la charge de la dette pour les foyers… Et pourtant, depuis le dernier FOMC, les ventes au détail défient les attentes pessimistes, les créations d'emploi accélèrent de nouveau, et l'inflation «supercore» remonte en septembre, suivie des breakeven 10 ans, de retour à 2,5%. Résultat: les probabilités de récession aux Etats-Unis reculent et le marché doute à nouveau de la capacité de la Fed à ramener l'inflation à sa cible. Dans ce contexte, Powell marquera vraisemblablement une nouvelle pause début novembre, sans pour autant laisser croire que la fin de la hausse des taux directeurs a définitivement sonné. Et de conclure: «De toute évidence, la politique monétaire ne pêche pas par excès de rigueur actuellement».
Dans ce contexte, les investisseurs auront probablement du mal à se focaliser sur les fondamentaux des entreprises qui entament la publication de leurs trimestriels. La saison précédente s'était clôturée par une quarantaine d'avertissements sur résultats pour les entreprises du Stoxx 600 Europe.
A peine débutée, la troisième de l'année enregistre déjà une quinzaine de ces profit-warnings sanctionnés d'une baisse moyenne de 17% le jour même. Les déceptions sur la croissance organique ou la marge frappent, quelle que soit la taille de capitalisation, LVMH cédant 10% depuis sa publication. A 4% (peu ou prou le taux €STER!), le rendement du free cash-flow en proportion de la valeur d'entreprise du groupe est en ligne avec sa moyenne des 10 dernières années. Mais le régime de taux de la décennie à venir sera-t-il aussi clément qu'autrefois?
De même, la valorisation d'entreprise demandée par Birkenstock (qui opère dans le marché ultra compétitif de la chaussure…) à plus de 6 fois les ventes (un niveau digne du secteur software) a rappelé au marché que les largesses de l'époque des taux à 0% semblaient au moins temporairement révolue, le titre cédant 20% depuis son introduction en bourse le 10 octobre.
A la recherche de rendement et de résistance aux tensions géopolitiques, les investisseurs actions se tournent alors vers les pétrolières diversifiées. Le stoxx600 Oil & Gas (entre 11 et 15% de free cash-flow yield en moyenne) creuse son écart avec le reste du marché (+ 5,5% de performance relative positive depuis le début de l'année). Quoique loin d'être des actifs sans risque, les pétrolières devraient être cette année (avec les banques) le garde-fou de la croissance bénéficiaire des indices européens. Elles attirent d'ailleurs les fonds américains. Désormais convaincus par la diversification rentable dans les énergies renouvelables, ils sont de plus en plus nombreux dans l'actionnariat de Total Energies notamment.