La baisse du pétrole vient aider l'industrie européenne, pour qui, les premières lueurs d'espoir apparaissent avec les signaux de la fin du déstockage.
Les marchés actions mondiaux poursuivent leur rebond, entretenu par 40 milliards de dollars de flux positifs en 10 séances, une performance bi-hebdomadaire inédite depuis février 2022 selon Bank of America, que nourrissent les perspectives de détente sur le front des taux et de l'inflation. Depuis le début de l’année, l’Europe qui enregistre toujours plus de 62 milliards de dollars de sorties nettes depuis le début de l’année est en retard par rapport aux Etats-Unis (+57 milliards de dollars) et leurs magnificient Seven. Mais surtout, les émergents, bénéficient le plus de cette tendance, grâce au repli du dollar, avec un intérêt notable pour l'Inde. Le pays pourrait se hisser au rang de troisième marché mondial des services et biens de consommation. On parle de plus en plus d'une classe «pieuvre» de la population, formée de 200’000 familles aisées, soit un million de citoyens confiants dans l'avenir, dont les tentacules actionnent de nombreux leviers de l'économie, occasionnant un effet de ruissellement positif sur l'ensemble. Déjà lancé dans un vaste programme d'infrastructures, l'Inde progresse dans la voie de son industrialisation, à l'image de la Chine et de l'occident d'autrefois. Il faut espérer que le progrès économique soit aussi social, que les effets de richesse ne creusent les inégalités au détriment des laissés pour compte, et que les politiques publiques n'encouragent pas la formation de bulles, immobilières par exemple.
Rappelons-nous 1849: on pose des chemins de fer et leurs machines au charbon au travers d'une France et d'une Europe enflammées, un an plus tôt, par la révolution de février 1848 (républicains, libéraux et socialistes renversent Louis-Philippe), la révolte des ouvriers parisiens de juin et le printemps des peuples qui fit trembler les monarchies du continent. C'est l'ère de l'industrialisation européenne, du charbon et de ses rejetons: des «bêtes humaines» au visage d'anthracite. Le progrès économique et social, base du socialisme, fait des victimes collatérales, parmi ceux qui n'ont guère plus que leur force manuelle à vendre quand celle des procédés mécaniques les remplace peu à peu. Victor Hugo, dans un discours poignant, rappelle à l'Assemblée nationale sa mission: «détruire la misère»: «tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli.»
Moins de 100 ans après, l'homme maitrise l'atome, il n'a pas détruit la misère mais il créé en masse les instruments de sa destruction instantanée. L'âge d'or du pétrole commence. 70 ans après, 80% de l'énergie reste d'origine fossile. En créant 53 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, l'humanité prend conscience qu'elle s'auto-détruit à petit feu. Elle réagit. L'Agence Internationale de L’Énergie (IEA) s'attend à un pic de consommation pétrolière d'ici à 2030. Mais c'est insuffisant pour l'agence car la trajectoire estimée au-delà ne permet pas de limiter à 1,5 degré la hausse des températures. Elle implore les sociétés pétrolières nationales de suivre leurs homologues sociétés privées dans la voie des renouvelables. Selon elle, il faudrait cesser tout nouveau projet d'exploration et se préparer aux premières fermetures de puits.
Aussi, le pétrole West Texas Intermediate (WTI) se replie. Les contrats décembre 2024 cotent 60 dollars. Les contrats 2035 se négocient à 56 dollars. Il ne faut pas voir dans cette structure «en backwardation» la prise en compte par le marché du pic de demande de l'IEA. Elle traduit plutôt un consensus autour du caractère temporaire de la réduction de production de l'OPEP. Les premiers signes de désaccord au sein du cartel qui doit reporter son prochain rassemblement ne font qu'accroître la faiblesse du baril (-10% depuis fin octobre). Si tout le monde s'entend sur la nécessité de réduire l'offre pour soutenir les prix, c'est la clé de répartition des coupes de production qui sème la discorde, comme toujours. Au même moment, les perspectives de faiblesse de la demande dans un contexte de ralentissement économique en occident et en Chine l'emportent sur la prime géopolitique.
La baisse du pétrole est un petit coup de pouce pour l'industrie européenne, pour qui, depuis la fin de l'été, les premières lueurs d'espoir, aussi vacillantes soient elles, apparaissent, avec les premiers signaux de la fin du déstockage.
En Allemagne, même s'ils restent mauvais dans l'absolu, les chiffres de novembre sont plutôt encourageants. Malheureusement, il est encore trop tôt pour se réjouir d'un point bas franchi par l'activité européenne. Au quatrième trimestre, la zone euro pourrait être en croissance négative par rapport au trimestre précédent. Ce qui pourrait pousser la BCE à admettre que ses attentes sont trop optimistes et qu'un plafond a été atteint par les taux. En s’attardant sur la France, elle verra le PMI manufacturier de novembre s'enfoncer et le chômage remonter depuis deux trimestres.
Le gouvernement français, qui voit s'éloigner son objectif de 5% de chômage, devrait continuer de pousser le plus possible les mesures d'incitation à l'emploi au travers d'une poursuite de la réforme de l'assurance chômage. L'ouverture des négociations entre syndicats et patronat autour de l'emploi des séniors répond à l'objectif de redressement des finances publiques par l'augmentation du taux de participation.