Les fauves budgétaires sont lâchés

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le Congrès américain sort de l’impasse budgétaire grâce à un accord bi-partisan dont les conséquences devraient plutôt inquiéter les marchés.

Outre les facteurs techniques aggravants, on peut lire dans la brutale correction des marchés boursiers la conviction des investisseurs que les politiques monétaires (à commencer par la Réserve fédérale des Etats-Unis), sont en passe de se resserrer plus vite et plus durement que ce qui était précédemment anticipé. Et de ce point de vue, les plus récents commentaires émanant des membres de la Banque Centrale américaine n’ont rien fait pour les détromper. Ainsi, le patron de la Fed de New York, Bill Duddley confirmait en fin de semaine que l’économie américaine était au-delà de son potentiel et que les récents soubresauts des marchés n’étaient pas nature à détourner la Fed de sa mission.

L’accord budgétaire du Congrès ne devrait pas non plus rassurer les marchés, car l’accord bi-partisan qui vient d’être conclu promet de nouvelles dépenses: près de 300 milliards de dollars supplémentaires sur deux ans en échange de la levée du plafond de la dette. Le psychodrame de la fermeture des administrations vient de prendre fin, mais à quel prix! Car avec la baisse des impôts, le déficit budgétaire du pays pourrait bien dépasser les 1000 milliards de dollars dès 2019, soit 5% du PIB du pays.

La tactique de Trump semble avoir réussi

Pour parvenir à un accord lui permettant de lever l’hypothèque budgétaire, et surtout de relancer le programme de financement militaire, le président Trump – de son propre aveu – a dû concéder aux démocrates du Congrès d’autres dépenses, notamment dans le domaine de la santé et des infrastructures (ce qui faisait du reste partie de ses promesses de campagne).

Le grand bénéficiaire du compromis aux Etats-Unis
sera le secteur de la défense.

Il semble bien que la tactique ait réussi puisqu’une majorité a pu se former malgré l’opposition des partisans républicains («Freedom Caucus») de la réduction de la dépense publique à tout prix et de la partie des démocrates (Nancy Pelosi en tête) qui souhaitaient voir lier cet accord à un engagement ferme en faveur des migrants illégaux. Cet accord budgétaire devrait être assorti de nouvelles réductions de dépenses, notamment du côté de l’Obamacare, mais qui peut croire qu’elles égaleront les nouveaux crédits engagés? Le grand bénéficiaire de ce compromis sera le secteur de la défense - pour près de 180 milliards de dollars – et les grands contrats militaires, à commencer par Boeing auprès de qui le président entend relancer les commandes d’avions de chasse.

USA isolés dans le retour de la dépense publique

Il n’y a pas qu’aux Etats-Unis que la dépense publique fait son retour: le compromis de coalition passé en Allemagne fait la part belle à de nouvelles dépenses publiques. Mais l’Allemagne a fourni de tels efforts budgétaires ces dernières années, qu’elle est en passe de voir sa dette revenir à 60% de son PIB ce qui lui confère une réelle marge de manœuvre au moment où la croissance promet de maintenir un bon niveau de recettes. Reste à savoir s’il fallait plus de baisses d’impôts ou plus de dépenses.

Les marchés qui jusqu’ici s’inquiétaient d’une cascade de crises budgétaires, allant d’une menace de «shutdown» à une autre, ne seront pas forcément rassurés par le nouveau projet de dépenses car la dette brute des Etats-Unis atteint déjà les 100% du PIB. Une accélération supplémentaire de l’activité grâce à de nouvelles dépenses, c’est la promesse d’un retrait plus rapide du soutien de la Fed à l’activité économique.

 

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