Le policy mix européen soutient les marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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La Commission propose un plan de relance de 750 milliards d'euros. La BCE devrait relever le plafond des achats au titre du PEPP.

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Les marchés d’actions restent bien orientés grâce au plan de soutien de 750 milliards d'euros proposé par la Commission Européenne confirmant l’intention franco-allemande.

Les actions européennes affichent une hausse hebdomadaire de près de 5% grâce à la hausse des valeurs cycliques et des bancaires. Le Bund se tend vers -0,40%. Les spreads souverains se sont nettement resserrés. Le BTP à 10 ans revient sous le seuil des 190pb. L’embellie profite au marché du crédit dont les spreads diminuent d’environ 20pb sur une semaine.

La faiblesse du dollar, malgré l’ajustement du CNY, traduit la réduction de l’aversion pour le risque. L’or, réserve de valeur de substitution poursuit sa hausse au-delà des 1730$ l’once. L’accélération des achats d’obligations privées de la Fed amplifie la tendance au resserrement. Les notations spéculatives bénéficient de l’embellie sur le crédit. La dette émergente se resserre également sous 520pb contre Treasuries.

Le graphique de la semaine

L’indice synthétique du dollar fléchit depuis le 15 mai. La hausse épidermique du billet vert au plus fort de la correction des marchés (sommet le 23 mars) s’est dégonflée à mesure que le bilan de la Fed gonflait au-delà de 7000 milliards de dollars.
Les swaps de dollars avec les Banques Centrales étrangères ont largement atténué la pénurie de dollars dans le reste du monde.
Le dollar semble être redevenue une devise de financement, comme en 2009, lorsque l’assouplissement de la Fed avait permis un fort rebond des marchés d’actions.
La Chine ne sera pas le seul enjeu de la présidentielle américaine

Les relations entre la Chine et les Etats-Unis se sont tendues après la décision de Pékin d’imposer une loi sécuritaire à Hong-Kong. Après avoir laissé entendre que les Etats-Unis pouvaient révoquer le statut spécial du territoire, il semble que les mesures envisagées par Donald Trump ne semblaient pas de nature à relancer la guerre commerciale. Le soulagement était perceptible dès vendredi soir sur les marchés financiers. Toutefois, la Chine annonçait dès lundi la suspension de ses importations de denrées agricoles américaines. La situation de politique intérieure aux Etats-Unis inquiète à quelques mois des élections présidentielles. Les émeutes qui ont éclaté dans les grandes villes américaines rappelle que la question raciale reste au coeur de la société américaine, d’autant que les inégalités vont s’amplifier avec la crise économique.

La CE propose un plan de 750 milliards d'euros

La hausse des actifs risqués avait été alimentée par la proposition de plan de relance de la Commission Européenne. Ursula Von Der Leyen a présenté un plan de 750 milliards d'euros combinant des subventions et des prêts aux régions et secteurs les plus touchés par la crise sanitaire. La transition verte et la transformation digitale des économies seront privilégiées ainsi que les dépenses assurant la cohésion des territoires et le financement des secteurs stratégiques. Ces seront ajoutés au budget européen pour la période 2021-2027. A l’instar de la proposition franco-allemande, l’Union Européenne souhaite contracter une dette garantie par les états membres dont le remboursement s’échelonnera de 2028 à 2058.

Le financement du plan sera assuré par une hausse progressive des contributions des états membres et l’instauration probable de taxes au niveau européen (digital, taxe sur les multinationales, taxe carbone…). L’unanimité des membres de l’UE est requise pour adopter ce plan. Il est peu probable qu’un accord soit conclu dès le sommet européen de juin mais il est certain que la crise sanitaire a profondément modifié la politique économique européenne. Parallèlement, la France a annoncé un plan de soutien de 8 milliards d'euros à l’automobile. L’Allemagne dévoilera, probablement cette semaine, un plan de relance budgétaire de près de 80 milliards d'euros intégrant des aides aux ménages, aux collectivités et aux PME et des subventions au secteur automobile.

La nouvelle solidarité européenne a fortement contribué
au resserrement des spreads souverains de l’Italie sous 200pb.

Les marchés boursiers de la zone euro ont salué la portée inédite du plan de relance de la Commission Européenne. L’Euro Stoxx 50 s’apprécie de 5% sur la semaine écoulée malgré la rechute de vendredi liée aux tensions sino-américaines. Le rebond des cycliques et des valeurs bancaires décotées s’est sur les dernières séances du mois de mai. Le marché continue d’ignorer le plongeon de la profitabilité attendu au deuxième trimestre. L’écart entre l’optimisme des analystes de marché (ZEW) et la confiance réduite des directeurs d’achat (IFO) est sans précédent. La poursuite du rebond témoigne aussi d’un positionnement vendeur largement répandu à l’instar des positions spéculatives sur les contrats S&P 500. La du marché directeur est toujours clé pour les marchés européens. La couverture des positions induit régulièrement des sauts des indices américains à la hausse. Parallèlement, le retour des valeurs de petites capitalisations et des valeurs décotées se confirme aux Etats-Unis. Cette tendance pourrait s’affirmer en Europe également.

BCE: augmentation probable de PEPP

La politique monétaire joue également un grand rôle dans cet environnement favorable à la prise de risque. Les besoins de financement européens requerront sans doute une rallonge de l’enveloppe de 750 milliards d'euros du PEPP. Un consensus se dégage pour une augmentation des achats comprise entre 250 et 500 milliards d'euros. La BCE reste omniprésente avec des achats d’emprunts publics à hauteur de 40 milliards d'euros chaque semaine. Le TLTRO-III de juin préfigure une nouvelle injection de liquidités d’au moins 700 milliards d'euros. Les banques en profiteront pour faire des opérations de portage sur les titres d’échéances proches de 3 ans. La nouvelle solidarité européenne a fortement contribué au resserrement des spreads souverains de l’Italie sous 200pb et de l’Espagne et du Portugal respectivement sous 100pb. La syndication d’OAT 20 ans a aussi attiré une forte demande. Les swap spreads se resserrent de 4 à 5 pb sur la semaine dans le sillage des dettes souveraines. A l’inverse, le Bund à 10 ans se dégrade vers -0,40%. Les plans de soutien budgétaire et la tendance des actifs risqués sont défavorables à l’emprunt allemand.

Sur les marchés de taux américains, la pentification reste une tendance lourde. Le spread 5-30ans s’échange au-delà de 110pb. Une politique ciblant les rendements à long terme (5 ou 10 ans) pourrait compléter la stratégie monétaire de la Fed dans les mois à venir. Cela inciterait les investisseurs à exprimer leurs convictions sur le 30 ans (1,45%; +9pb sur cinq séances). Les comptes spéculatifs demeurent vendeurs de Treasuries. Les marchés du crédit poursuivent leur mouvement de resserrement. L’IG américain cote en moyenne à 174pb (-12pb sur cinq jours) malgré un déluge d’émissions depuis le mois de mars. Les flux finaux acheteurs s’accumulent. Les achats d’obligations privées de la Fed ont réellement démarré la semaine passée et totalisent désormais 34mds $. Le high yield profite de l’embellie (-43pb).

Le dollar, baromètre de l’aversion pour le risque

Le dollar s’est déprécié sensiblement malgré l’ajustement du CNY piloté par la PBoC. Le plan de relance européen provoque un regain d’intérêt pour l’euro qui casse le seuil d’1,11 dollar.

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