Le marché haussier des matières premières – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

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«Depuis les 227 dernières années d’enregistrement des prix du marché, le monde n’a connu que six marchés haussiers pour les matières premières», déclare Steen Jakobsen de Saxo Bank.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le premier trimestre 2021 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

«Depuis les 227 dernières années d’enregistrement des prix du marché, le monde n’a connu que six marchés haussiers pour les matières premières. L’équipe de Saxo Strats s’attend à ce que 2021 marque le début du septième. Le facteur clé est la réponse durable apportée à la pandémie, qui n’a fait que précipiter les tendances aux inégalités qui ont débuté dans les années 1980 et se sont poursuivies au cours des trois décennies suivantes de la mondialisation. À partir de maintenant, nous allons assister à un véritable changement de paradigme macroéconomique avec des politiques qui s’éloignent de l’objectif traditionnel de garantie de la stabilité financière pour se concentrer sur la stabilité sociale avant tout», déclare Steen Jakobsen, chef économiste et CIO de Saxo Bank.

«Le paradigme de la stabilité sociale poursuit trois objectifs principaux: la réduction des inégalités (et ce faisant, la hausse de la demande), la transformation verte et l’amélioration des infrastructures. Pour commencer, ce changement implique de mettre davantage l’accent sur la garantie d’un revenu minimum, ce qui a pour effet de relancer la demande étant donné que les personnes à faible revenu ont tendance à très peu épargner. L’autre mesure de stimulation de la demande par les gouvernements sera la transformation verte qui a peu de chances d’être rentable au début sans une subvention publique substantielle. Pour nous, 2021 est l’année où le discours d’une 'verdisation' du paradigme social, soutenue par les gouvernements, se heurtera à la réalité d’un approvisionnement insuffisant, d’infrastructures inadéquates et d’un monde des affaires qui, à force de se concentrer sur sa numérisation et sa virtualisation, en a oublié le monde physique réel. Vous pouvez avoir le meilleur produit du monde en ligne et en vendre des millions d’unités, vous n’en tirerez aucun bénéfice si vous ne pouvez pas le produire, l’expédier et le livrer. Tout comme la COVID-19 nous a rappelé à quel point notre économie, quelque peu surrégulée, est vulnérable à la disruption, 2021 nous rappellera à quel point nous avons besoin de vivre, d’agir et de gagner de l’argent dans le monde réel.»

Une hausse des matières premières appelée à se poursuivre en 2021

En ce début 2021, la faiblesse du dollar, la reprise de la demande mondiale favorisée par l’arrivée des vaccins et les nouvelles préoccupations climatiques ouvrent la voie à un super cycle des matières premières. Le pétrole brut semble se stabiliser, tandis l’or et l’argent confirment leur bon démarrage et devraient même bénéficier d’un coup de pouce supplémentaire grâce à la «transformation verte». En attendant, il faut s’attendre à une volatilité accrue et à un risque de corrections au cours des prochains mois avec un secteur agricole qui atteint des sommets.

«Nous nous attendons à ce que la forte reprise des matières premières, qui a vu l’indice Bloomberg augmenter de 10% au cours du dernier trimestre, se poursuive en 2021 sous l’effet des multiples conditions favorables offertes par le resserrement de l’offre et un marché mondial inondé de liquidités,» indique Ole Hansen, chef stratégiste en matières premières de Saxo Bank.

«Ajoutez à cela la perspective d’un dollar plus faible, d’une reprise de la demande mondiale favorisée par l’arrivée des vaccins et les nouvelles préoccupations climatiques, et vous verrez que tous les ingrédients d’un nouveau super cycle des matières premières sont sur le point d’être réunis.

La forte reprise du pétrole brut depuis début novembre, induite par les vaccins, a ramené le prix du Brent au-dessus de 50$/b, jetant ainsi les bases d’une hausse des prix plus tard dans l’année. La demande mondiale de pétrole étant toujours près de 6 millions de barils/jour inférieure aux niveaux d’avant la pandémie, nous ne voyons pas de risque matériel d’une hausse des prix du pétrole avant 2022, voire 2023. À ce titre, nous constatons que le négoce de Brent brut s’est stabilisé entre le milieu et le bas de la fourchette des 50 au cours du trimestre.

L’or et l’argent ont connu un démarrage sur les chapeaux de roue en 2021 et nous maintiendrons une veille constructive sur le secteur, l’augmentation des taux résultant en premier lieu d’une hausse des perspectives d’inflation favorable à l’or. L’argent a renoué avec sa valeur à long terme par rapport à l’or et devrait poursuivre son cours ascendant. La «transformation verte» pourrait créer la surprise du côté de la demande industrielle à l’heure où de nombreux pays se lancent dans des projets d’énergie renouvelable. Selon nos prévisions, l’or devrait atteindre 2200 dollars l’once, ce qui signifie que le coefficient bêta élevé de l’argent devrait favoriser un ratio orargent proche de 60 en 2021, et ainsi faire grimper le prix de l’argent à près de 35 dollars l’once.»

Les baissiers du dollar fêtent la «vaguelette bleue», mais qu’en est-il des taux?

Au cours du premier semestre 2021, les baissiers du dollar espèreront des hausses de taux modérées tandis que les monnaies des pays émergents et matières premières poursuivront leur normalisation exemplaire, sachant qu’un déficit commercial croissant pourrait peser sur le dollar, mettant à mal sa position de monnaie de réserve mondiale.

«La 'vaguelette bleue', c’est-à-dire, la faible emprise des Démocrates sur le Congrès, ouvre la voie à une relance budgétaire à grande échelle, mais limite les perspectives de réforme de l’impôt sur les sociétés, pour le plus grand bonheur des baissiers du dollar», explique John Hardy, chef stratégiste opérations de change de Saxo Bank.

«Cependant, les effets de la réponse politique face à la COVID-19 sont clairs. Le déficit commercial américain de novembre a été évalué à plus de 68 milliards de dollars, soit le deuxième plus important jamais enregistré. De nouvelles mesures de relance ne feront que creuser les déficits, car elles profiteront in fine majoritairement aux achats de biens manufacturés produits en Chine et ailleurs. Si la performance du yuan a constitué l’un des principaux temps forts du Forex en 2020, nous doutons que celle-ci se répète. Toute nouvelle performance pourrait engendrer une série de défis pour la Chine. À moins que les États-Unis ne trouvent un moyen de compenser les sorties par des entrées de capitaux, la détérioration des soldes extérieurs continuera de peser sur le dollar. En dépit des fondamentaux incontestables en faveur de la baisse du dollar, une accentuation de la courbe des rendements et une nouvelle hausse des taux longs américains, qui ont dépassé les seuils clés au cours de la première semaine de 2021, laissent présager le contraire. Le scénario privilégié par les baissiers du dollar consiste en une hausse modérée des taux américains, ainsi que la poursuite exemplaire sur la voie de la normalisation pour les monnaies des marchés émergents et matières premières. Du point de vue de l’évaluation et du portage, la livre turque est attrayante, tandis que le rand sud-africain ainsi que le rouble russe pourraient également compter parmi les grands gagnants d’un effort de relance. Les monnaies matières premières du G10 sont moins attrayantes et ce, même si elles ne devraient guère pâtir d’une relance économique. Au sein du G3, l’euro profite d’une normalisation de la croissance mondiale du côté des exportations, mais il est plombé par des mesures de relance intérieure moins généreuses et des taux négatifs, tandis que le yen n’aime rien moins que les taux plus élevés et a tendance à marcher dans les pas du dollar. La livre sterling est soumise aux mêmes conditions négatives que le dollar, mais son évaluation est d’un tout autre ordre; son plafond peut donc s’avérer assez bas en cas de reprise économique. Le principal défi pour le dollar pourrait même devenir existentiel si le monde commence à perdre confiance dans la 'bonne foi' et le 'crédit' du Trésor américain. Ce défi pourrait provenir de taux d’intérêt réels négatifs, de la hausse des biens durables de toute nature et d’un exode des anciens actifs sans risque liés au dollar, comme les bons et autres émissions du Trésor. Les tentatives de la Chine de remplacer le dollar dans ses relations commerciales avec le monde extérieur par le Digital Currency Electronic Payment (DCEP) ou le 'yuan numérique' constituent un défi pour le dollar, en tant que seule monnaie de réserve mondiale réelle. Un déploiement réussi du DCEP pourrait représenter le changement le plus important du système monétaire mondial depuis les accords de Bretton Woods.»

Les cryptomonnaies s’institutionnalisent et sortent de l’ombre

Au cours du dernier trimestre de 2020, les cryptomonnaies ont enregistré une forte hausse. Cette tendance s’est poursuivie début 2021, sous l’effet d’un intérêt institutionnel croissant et de l’enthousiasme grandissant pour la «finance décentralisée» (DeFi). Cette progression est favorisée par deux facteurs: la possibilité de placer 3 à 5% de son portefeuille dans un produit aux perspectives de revenu très prometteuses, et la quantité considérable de monnaie fiduciaire en circulation.

Cette crainte d’une dévaluation a incité les gens à se tourner vers des actifs protégés contre l’inflation, tandis que les investisseurs sont attirés par la nature décentralisée des cryptomonnaies. Grâce aux améliorations significatives en cours des principaux acteurs, la demande devrait augmenter, malgré des défis de taille.

Anders Nysteen, analyste quantitatif de Saxo Bank, commente: «Avec son offre limitée et les coûts énergétiques élevés liés à la vérification des transactions par les mineurs, Bitcoin (BTC) est davantage considéré comme une réserve de valeur par rapport à d’autres cryptomonnaies telles qu’Ethereum. Ethereum (ETH) a des applications industrielles, mais le large spectre des applications est actuellement fortement limité, car le réseau ne permet de traiter qu’une petite quantité de transactions par seconde.»

«Outre l’augmentation significative de la bande passante, la mise à jour ETH 2.0 permettra de libérer le processus de vérification des mineurs énergivores. Le flux continu de nouvelles émissions rend l’ETH inflationniste par nature et un détenteur à long terme qui ne participe pas activement au staking connaîtra une perte de valeur. Toutefois, l’objectif général de l’ETH est de maintenir l’inflation à un niveau suffisamment bas pour disposer d’un nombre suffisant de validateurs et ainsi assurer la sécurité du réseau. À l’horizon 2021, le sentiment positif que suscitent les cryptomonnaies repose sur leur généralisation croissante, ainsi que sur les avancées dans le domaine des infrastructures technologiques pour faire face aux exigences croissantes envers les réseaux. Parallèlement, les menaces liées aux défis réglementaires et aux pirates à l’affût de la moindre faille continuent de poindre à l’horizon.»

Les investisseurs en actions doivent s’intéresser au secteur des matières premières pendant la reflation

Les États-Unis affichent un degré de pression inédit sur les prix depuis le dernier pic d’inflation mi-2018, tandis que la Chine enregistre également un taux à la hausse. L’or, les obligations d’État protégées contre l’inflation et l’énergie comptent parmi les protections classiques contre une hausse de l’inflation. Cependant, le marché des actions offre également d’autres possibilités intéressantes avec la remise en question des valorisations en 2021.

Peter Garnry, chef stratégiste actions de Saxo Bank, explique: «Le panier du secteur des matières premières de Saxo, une liste inspirante de 40 titres exposés au secteur des matières premières, a généré un rendement total de 171% depuis le premier janvier 2016. Le panier est en hausse de 7,5% depuis le début de l’année, ce qui en fait l’un des segments les plus performants du marché des actions et indique que les investisseurs se positionnent en vue de la reflation.»

«Les résultats du S&P 500 ont compensé la majeure partie de la chute enregistrée au cours des premiers mois de la pandémie, avec une baisse de seulement 10% au troisième trimestre 2020 par rapport au quatrième trimestre 2019. Sur la base du ratio C/B sur 12 mois, le S&P 500 se rapproche dangereusement de son pic historique de décembre 1999, atteint au cours de la bulle Internet.

Si l’on suppose une croissance des flux de trésorerie disponibles en 2021 et un écart inchangé entre les rendements des obligations d’État, des obligations de sociétés et des flux de trésorerie disponibles, une hausse de 100 points de base du taux américain à 10 ans pourrait se traduire par une baisse de 15 à 20% des valeurs du Nasdaq 100, le plus sensible aux taux de tous les grands indices boursiers.

Les actions mondiales de l’énergie verte ont augmenté de 142% en 2020, surperformant ainsi tous les autres grands thèmes d’action. Derrière cette forte tendance se cachent des valorisations très élevées, la plus grande participation dans le fonds OPCVM iShares Global Clean Energy ETF, Meridian Energy, se négociant à un ratio C/B à 12 mois de 83. C’est une évaluation relativement agressive pour une entreprise publique avec 90% de ses revenus réalisés en Nouvelle-Zélande, une économie à faible croissance, et des perspectives de recettes négatives.

Les entreprises vertes devront justifier leurs évaluations. Nous pensons que les anciennes sources d’énergie seront plus performantes que l’énergie propre et que le négoce sur le marché de la transformation verte se divisera en deux catégories, à savoir le 'vert de qualité' et le 'vert spéculatif', ce dernier segment étant susceptible de connaître une dépréciation spectaculaire.»

Fin de la partie pour les bons du Trésor

Avec le taux directeur réel négatif adopté par les banques centrales qui a à la fois atténué le risque de pertes et réduit les primes de risque à peau de chagrin, 2021 sera une année difficile pour les détenteurs d’obligations. Cependant, les titres à haut rendement et les obligations vertes représentent une opportunité pour les investisseurs.

«La seule façon de se prémunir contre un faux-pas politique et une hausse de l’inflation sera de rechercher un revenu de coupon tout en réduisant l’exposition à une dette à taux presque nul. Comme les taux réels continueront de baisser, la durée et les faibles rendements nominaux s’avéreront toxiques, tandis que les titres à haut rendement, tels que les obligations spéculatives et des marchés émergents, offriront une marge de sécurité suffisante le temps que l’économie trouve un nouvel équilibre,» explique Althea Spinozzi, stratégiste obligataire de Saxo Bank.

«Malgré leur rendement négatif, les titres protégés constitueront un garde-fou important contre la hausse de l’inflation. Malheureusement, les bons du Trésor génèrent toujours le rendement le plus bas de l’histoire, n’offrant aucune protection contre la hausse des taux et exposant les investisseurs à des pertes considérables. Ils pourraient clore l’exercice 2021 sur un rendement négatif pour la cinquième fois en plus de quarante ans, ce qui marquerait la fin d’une ère pour les ETF de longue durée. Dans un contexte de baisse des taux réels, nous continuons à privilégier les titres du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS).

Nous assisterons incontestablement à une baisse continue des rendements réels des obligations en livres sterling. Dans ce contexte, il est crucial de réduire le poids des nominaux et d’introduire des obligations indexées sur l’inflation ou des ETF calés sur l’inflation.

Une autre façon de réduire le risque de chute des taux réels est d’acheter des titres à rendement plus élevé. Cependant, les spreads de la livre sterling se sont resserrés en dessous des niveaux d’avant la pandémie, ce qui signifie que le crédit est plus cher qu’il y a un an malgré un risque de défaillance plus élevé.

Les obligations vertes représentent l’occasion idéale pour les investisseurs de diversifier leurs placements, et cela est particulièrement vrai pour les obligations vertes libellées en euros, car les taux d’intérêt resteront bas plus longtemps. Toutefois, nous devrons continuer de nous appuyer sur le secteur traditionnel de l’énergie. Les entreprises présentant un ratio dette nette/EBITDA maîtrisé seront en mesure de faire face à la baisse de la demande d’énergie due à la faiblesse de l’activité économique, tandis que les entreprises publiques seront mieux placées pour tirer parti des plans de relance.»

Game of Thrones – Reflation et inégalité, les moteurs macro-économiques de 2021

L’inflation n’est peut-être pas visible dans les indices de prix hédoniques des banques centrales, mais elle est bel et bien présente dans l’économie réelle et a été exacerbée par les mesures de politique monétaire expansionnistes et non conventionnelles mises en oeuvre ces dernières années. Les investisseurs devraient chercher à adapter leurs portefeuilles au changement radical opéré sur le marché à l’aube de 2021.

Eleanor Creagh, stratégiste marché australien de Saxo Bank, explique: «En ce début d’année, le travailleur américain moyen doit désormais travailler 141 heures pour acheter une action du S&P 500, un nouveau record. Dans les années 1980, il lui fallait moins de 20 heures de travail pour acheter cette même action. Une perte de pouvoir d’achat, par défaut, ça s’appelle de l’inflation.»

«Cette dynamique perpétue la concentration systémique des richesses et les inégalités intergénérationnelles qui fragilisent notre tissu social. C’est également un facteur clé de la polarisation croissante de la société et de la marée populiste qui s’est développée ces dernières années. La réduction des inégalités de revenus n’est pas seulement bénéfique pour la croissance potentielle à long terme, mais aussi pour la stabilité financière. Les vastes mesures fiscales actuelles, inspirées de la MMT, seront l’élément clé, avec Janet Yellen, la nouvelle secrétaire au Trésor, qui incarne l’abandon de l’orthodoxie fiscale, la monétisation de la dette et l’évolution des banques centrales. Un profond changement de régime dans les politiques budgétaires des économies occidentales, combiné à des pressions du côté de l’approvisionnement, offrent les conditions idéales pour une inflation plus élevée.

Nous sommes à l’aube d’un changement de régime fondamental qui favorisera un tournant dans le leadership sur le marché et contraindra également les portefeuilles à opérer une transition. Nous constatons une évolution du leadership sur le marché en faveur d’actions, de secteurs (tels que l’énergie et la finance) et de zones géographiques plus cycliques. Les secteurs en vogue en 2020, avec des gains concentrés en début de période, seront entravés par la hausse des taux à long terme.

Alors que le monde se remet de cette crise, la croissance va s’accélérer parallèlement à l’inflation, tandis que le système financier reste inondé d’argent frais; il faut allouer davantage d’actifs aux matières premières.

Des déficits d’approvisionnement considérables avec un sous-investissement structurel, les conditions favorables à la transformation verte et à un dollar plus faible, conjugués à une inflation plus élevée, coïncideront avec une sous-pondération historique et un marché baissier de plusieurs années pour déboucher sur une renaissance des matières premières en 2021.»

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