Le plus grand risque politique – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

7 minutes de lecture

«Nous craignons que l’élection américaine représente le plus grand risque politique depuis plusieurs décennies», déclare Steen Jakobsen de Saxo Bank.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions du quatrième trimestre 2020 sur les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

«Nous craignons que l’élection américaine représente le plus grand risque politique depuis plusieurs décennies. La fin du cycle économique est marquée par les inégalités l’agitation sociale et une frénésie des marchés causée par la réponse politique à cette profonde crise économique: taux d’intérêt nuls et soutien indéfectible des banques centrales et gouvernementales. L’immense filet de sécurité étatique visant à protéger la demande et l’emploi dans un monde de capitalisme d’état malmène plus que jamais les marchés et les libertés individuelles», affirme Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank.

«Chez Saxo Bank Group, nous voyons trois scénarios distincts entre aujourd’hui et le 20 janvier 2021, jour de l’investiture du prochain président américain: une élection contestée (probabilité de 40%); la victoire nette de Biden (probabilité de 40%); la victoire de Trump (probabilité de 20%). «Notre travail consiste à distinguer le consensus de la réalité, et là nous avons l’impression que le marché ne tient pas suffisamment compte des risques de résultat contesté (risque principal à cause de la contestation elle-même et en raison des objections et possibles recours de Trump pour irrégularité de vote) – et de la victoire de Joe Biden. Les deux cas étant synonymes de risque, la volatilité pourrait augmenter fortement. Notre principal message est que l’élection américaine est un facteur important de volatilité et de risque. Dans l’ensemble, le vainqueur ne changera pas la direction générale prise par les États-Unis. Les deux candidats feront des dépenses faramineuses et s’appuieront sur la Fed pour soutenir des conditions financières favorables. De plus, aucun des deux candidats ne cherchera à réformer en profondeur. Les deux prétendants sont donc dans une large mesure à l’opposé exact de ce dont les États-Unis ont besoin.»

Structurer les portefeuilles d’actions après l’élection américaine

Les mesures de soutien relatives à la pandémie ont provoqué un fort rebond des marchés des actions, et les attentes sont très élevées en ce début de quatrième trimestre. Le marché des actions américain a très bien évolué sous le gouvernement Trump, et une victoire de Biden pourrait apporter une volatilité supplémentaire tout en freinant les marchés en raison d’une hausse des impôts.

Peter Garnry, chef stratégiste en actions, explique: «La politique agressive des banques centrales et gouvernements au premier semestre a provoqué un fort rebond des marchés des actions et renforcé le sentiment que le monde allait mieux surmonter la crise de la COVID que la crise financière de 2008. Les attentes sont fortes au moment de la publication des résultats du troisième trimestre, les estimations suggérant une hausse de 106% des bénéfices trimestriels. Si les résultats du secteur privé reflètent ce rebond, le marché des actions mondial sera valorisé à 19,3x les bénéfices de 2021. Pas si mal si l’on considère les alternatives en obligations. Le marché des actions américain s’est fort bien comporté pendant les quatre années Trump, malgré les tensions entre les États-Unis et la Chine qui ont pénalisé les sociétés américaines au niveau de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales. Les participants au marché sont maintenant habitués à la personnalité de Trump, et le secteur privé a, de bien des manières, bénéficié des politiques républicaines de baisses d’impôts et de diminution du contrôle gouvernemental. Même la relation sino-américaine est dans une certaine mesure prévisible pour les sociétés et les investisseurs. Une victoire de Biden, en revanche, pourrait devenir un obstacle pour les actions, le candidat souhaitant faire passer l’impôt sur les sociétés de 21 à 28% et doubler (21% contre 10,5% précédemment) la taxation des revenus incorporels générés par les filiales étrangères des groupes américains (GILTI). De plus, Biden a proposé d’augmenter le taux d’imposition minimal des sociétés à 15% et d’ajouter une taxe de sécurité sociale aux revenus les plus élevés. Au total, il est estimé que ces modifications fiscales plomberaient de 9% les résultats du S&P 500 – sans compter les effets indirects, dont l’altération de la confiance des investisseurs et potentiellement des valorisations. Les secteurs les plus touchés seraient les services de communication, la santé et l’informatique, leurs sociétés bénéficiant du taux d’imposition général le plus faible et utilisant largement les actifs incorporels. Reste à savoir si Biden osera mettre en oeuvre ces changements fiscaux dans un contexte économique morose».

Biden gagne Trump gagne Contestation

Fort soutien à l’énergie verte

Baisse du secteur pétrole et gaz

Souffrance du secteur technologique (GILTI, impôts)

Sursaut des infrastructures

Valeurs financières potentiellement en difficulté

Hausse des valeurs liées à la marijuana

Bond en avant du secteur pétrole et gaz

Bons résultats des petites capitalisations

Hausse des valeurs liées aux infrastructures

Rebond du S&P500 et du Nasdaq 100

Potentielle liquidation de la technologie chinoise

Potentielle liquidation des titres de santé

Importante liquidation boursière

Volatilité plus importante

Baisse des multiples de valorisation

Mauvaise performance des titres à fort bêta

Source: Saxo Bank
Matières premières dans un contexte d’élections américaines et de COVID

Le soutien apporté par les banques centrales au retour de l’inflation et la potentielle poursuite de l’affaiblissement du dollar restent les deux principaux moteurs de notre perspective haussière pour les matières premières, notamment celles qui ont toujours constitué un refuge en temps d’incertitude et d’inflation.

«La perturbation de l’offre due à la COVID, la protection contre l’inflation recherchée par les spéculateurs financiers et la très forte demande de la Chine qui plombe les valeurs mondiales ont toutes contribué à une bonne année pour les métaux industriels, et notamment le cuivre», affirme Ole Hansen, chef stratégiste en matières premières de Saxo Bank. «Nous assistons enfin à une forte tendance haussière du cuivre HG depuis son record négatif d’avril. Nous pensons qu’elle devrait donner lieu à une période de consolidation au quatrième trimestre. À ce titre, nous considérons la hausse à court terme du cuivre comme limitée, avec toutefois un facteur potentiel de prolongement dû au renouvellement de la promesse de dépenses d’infrastructure du prochain président des États-Unis. À la suite d’une année qui a vu l’or gagner plus de 20% et l’argent 40%, il serait présomptueux d’attendre encore des gains. Pourtant, la combinaison puissante de taux historiquement bas, d’une hausse de la demande de protection contre l’inflation et d’un possible affaiblissement du dollar semble indiquer le contraire. Après une période prolongée de consolidation aux alentours et au-dessus de 1920 dollars l’once, nous voyons l’or continuer d’augmenter et finir l’année à près de 2000 dollars l’once. Le marché du pétrole brut devrait stagner, le Brent passant la plus grande partie du dernier trimestre dans les 40 dollars avant de finir par atteindre les 50 dollars au premier semestre 2021. Cela nous incite à augmenter de trois dollars notre fourchette du troisième trimestre, la portant dans la tranche des 38-48 dollars. Nous restons prudents concernant la capacité à court terme du brut à continuer de progresser, à moins que l’OPEP+ surprenne le marché en abandonnant son programme d’augmentation de production à 2 millions de barils/jour en janvier.»

Le dollar se prépare pour une séance de rodéo au quatrième trimestre

Le contexte monétaire à l’entrée du quatrième trimestre ne semble pas favorable à une poursuite sans heurts de la liquidation du dollar. Le marché retient son souffle devant les dysfonctionnements politiques américains et le risque d’une élection contestée. L’incertitude post-élection pourrait également stimuler la volatilité à double sens sur l’ensemble des marchés et provoquer de nombreux faux départs de hausse et de baisse, potentiellement jusqu’au Nouvel An.

John Hardy, chef stratégiste Opérations de change, commente: «La politique jumelée d’assouplissement et d’énormes injections de liquidités de la part de la Fed et du Trésor américain dans l’économie américaine a freiné la nette progression du dollar. La liquidation du dollar a commencé à se calmer à la fin de l’été, la Fed cessant d’augmenter son bilan en raison d’un surprenant rebond de croissance bloquant quelque peu l’autoroute de la stimulation fiscale. Ce thème devrait persister une grande partie du quatrième trimestre. À l’approche de celui-ci, l’ensemble des classes d’actifs se voit dominé par le spectacle de l’élection américaine. Cela pourrait profiter au JPY, qui semble sortir de sa léthargie à l’annonce du départ de Shinzo Abe en septembre, si l’élection américaine tournait au vinaigre. Une élection contestée n’impacterait pas directement l’USD, mais une forte dégradation générale du contexte jusqu’en 2021 lui serait forcément défavorable. Et une victoire à l’arraché de l’un ou l’autre des candidats sans disposer des deux chambres du Congrès lui serait également nuisible, car le Congrès serait alors impuissant et la Fed devrait s’en remettre à son mandat de supervision économique pour soutenir toute reprise. L’autre sujet qui domine l’actualité et dont les implications pour le dollar américain sont majeures est naturellement la COVID-19. Si les promesses de vaccin ne sont pas tenues fin 2020, la seconde vague d’épidémie risque fortement de déferler sur les perspectives de croissance mondiale. Elle perturbera énormément la relance qui s’est dessinée au troisième trimestre, incarnée par le rebond des cours des matières premières et des devises qui y sont liées dans les marchés émergents et les marchés développés. Le scénario traditionnel de relance mondiale, dont l’affaiblissement du dollar et un nouveau cycle de crédit sont les principaux acteurs, ne pourra pas se mettre en place tant que le virus continuera à geler la demande et tant que les autorités fiscales ne parviendront pas à faire monter l’inflation suffisamment pour alléger le fardeau de la dette mondiale.»

Une tendance verte

Pour la première fois dans l’histoire de l’élection présidentielle américaine, le changement climatique s’impose comme un thème majeur. Selon le professeur Jon Krosnick, 25% des Américains choisiront leur candidat en fonction de sa position sur cette question: jamais ce taux n’a été aussi élevé.

Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie de Saxo, commente: «Mi-juillet, Joe Biden a présenté son ambitieux plan pour le climat de 2 000 milliards de dollars, soit 2,5% du PIB, sur quatre ans. Les Démocrates comptent sur ce plan pour gérer l’impact du changement climatique sur la vie quotidienne des Américains et pour créer de nouveaux emplois afin de compenser les dégâts de la pandémie. Son objectif est d’atteindre la neutralité carbone dès 2050. Ce plan ne comprend pas de taxe carbone au niveau fédéral pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais Biden veut rejoindre l’Accord de Paris 2015 sur les changements climatiques, qui vise à empêcher la température mondiale de s’élever de plus de 2 °C au-dessus du niveau préindustriel au cours de ce siècle. C’est la première fois depuis 1972 que la plateforme électorale démocrate indique l’énergie nucléaire comme un moyen sûr de moins dépendre des énergies fossiles. Le choix de l’énergie nucléaire soulève généralement des questions de sécurité générale, tandis que certains mettent en doute sa légitimité au sein d’un nouveau pacte écologique. Aborder le changement climatique implique d’établir la base d’un système qui pourra financer directement l’ambitieuse plateforme verte des Démocrates. Aujourd’hui, la plupart des politiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) demeurent volontaristes, et dépendent largement des opinions des détenteurs d’actifs en matière d’investissement ESG. Avec Biden, nous voyons émerger de nouvelles initiatives visant à satisfaire à des critères plus exigeants, semblables à ceux en place dans l’Union européenne. La Réserve fédérale aura un rôle très particulier à jouer dans cette nouvelle infrastructure financière, et pourra intégrer le changement climatique à ses mandats de manière plus explicite – processus d’ailleurs déjà enclenché. Elle pourrait prendre des mesures pour favoriser la transition verte dans le cadre de sa surveillance des institutions financières, par exemple en élevant les conditions de prêt des projets d’énergie fossile ou en abaissant celles des projets verts.»

Les menaces de la dette souveraine

Les taux d’intérêt quasi nuls ne fournissant aucune protection contre la hausse de l’inflation, Saxo pense que les actifs souverains sont les pires à détenir actuellement dans son portefeuille. Acheter des obligations d’État aujourd’hui signifie s’enfermer dans un rendement si faible que si l’inflation augmente, la valeur de l’obligation chutera.

«Maintenant plus que jamais, il est vital de penser à l’allocation de portefeuille et aux protections contre l’inflation, pour défendre le capital en cette période de dépréciation des monnaies fiduciaires», affirme Althea Spinozzi, spécialiste en obligations chez Saxo Bank. «Nous pensons que les bons du Trésor américain sont aujourd’hui le plus grand attrape-nigaud de l’histoire. Ils ne présentent aucun avantage à long terme, et leur courbe de rendement est condamnée à se creuser plus vite que prévu en raison de l’inflation. Dans le contexte de l’élection américaine, toutefois, il pourrait y avoir une marge de manoeuvre pour des opportunités à court terme. Nous nous attendons à un rendement très faiblement haussier en cas de victoire de Biden et en nette chute si Trump l’emporte. Bien que l’épidémie de coronavirus ait profité aux bons du Trésor américain et au Bund, les rendements des obligations d’État plus risquées ont été fortement perturbés. L’exemple le plus frappant en est l’Italie, dont le rendement de l’obligation d’État est le plus bas depuis que le pays a adopté l’euro. En cas de victoire de Trump, notre préférence portera sur les valeurs financières, l’infrastructure, l’énergie, ainsi que les valeurs industrielles et fabricants américains. Les obligations à haut risque ont un potentiel haussier plus important, mais bien que nous n’ayons rien contre les obligations à faible note, nous préférons les échéances à moyen terme, jusqu’à sept ans, pour limiter le frein inflationniste. Le marché percevra la victoire de Biden comme négative en matière de crédit. Si cela se produit, nous nous tournerons alors vers les obligations mieux notées pour profiter de la volatilité à court terme qui incitera les investisseurs à chercher la sécurité. Nous pensons que le marché ne tient pas encore compte d’une possible victoire de Biden. C’est pourquoi la volatilité sera élevée. Les investisseurs à la recherche d’opportunités à plus long terme devraient explorer l’espace des obligations vertes. Il y a aussi des opportunités intéressantes dans l’espace investment-grade et dans l’espace haut rendement des obligations d’entreprise européennes. Le bas de l’espace investment-grade et l’espace des obligations d’entreprises à haut rendement, mieux notées, nous semblent les plus intéressants. Un scénario de stimulation des banques centrales et de reprise économique favorisera ces secteurs, durement touchés par la pandémie.»

La prudence et une sélection minutieuse seront les meilleures armes des investisseurs dans ce contexte obligataire compliqué. Bien que les difficultés y soient nombreuses, nous pensons que les investisseurs peuvent encore y réaliser de belles opérations.

A lire aussi...