Le marché attend un nouvel élan de l’Allemagne

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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L’Allemagne va bien, son industrie exportatrice bat des records et elle reste la puissance motrice de l’Europe. Mais la fin de règne d’Angela Merkel est difficile et le doute n’est pas loin.

Les résultats des élections régionales du 14 mars dans le Bade-Wurtemberg et en Rhénanie Palatinat peuvent surprendre. Dans ces deux Länder prospères de l’Ouest du pays, le parti d’Angela Merkel, la CDU, a en effet enregistré un très net recul, au point d’y finir avec ses plus mauvais scores depuis la deuxième guerre mondiale. On assiste à l’émergence de coalitions dites «feux tricolores» (Ecologistes, SPD, Libéraux) qui écartent la CDU.

Louée de ce côté-ci du Rhin pour la résilience économique du pays et sa gestion pragmatique de la crise sanitaire, le désaveu est cinglant pour la chancelière qui quittera le pouvoir en septembre prochain.

Pourtant, le moteur économique allemand, déjà plus résistant que ses pairs européens au coeur de la crise pandémique, est reparti très fort au second semestre. Sur l’ensemble de l’année, la récession est sévère (-4,9%) mais bien moindre qu’en France ou en Italie où la contraction de l’activité a dépassé les 8%. Et le premier trimestre 2021 ne vient pas démentir cette tendance: notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique, à 51, témoigne du retour rapide à meilleure fortune de l’économie de notre voisin.

Néanmoins, même sur ce plan, les dernières évolutions n’incitent pas à l’euphorie. Le MMS Momentum économique a d’ailleurs sensiblement baissé cette semaine (4 points en moins) en raison précisément du ralentissement de la production industrielle.

L’Allemagne dépend toujours de la vigueur de la croissance chinoise, or celle-ci n’accélère plus depuis quelques semaines et la volonté réaffirmée des autorités du pays d’éviter toute surchauffe ne présage pas d’un rapide retournement de tendance.

Notre indicateur de momentum économique allemand s’est repris à 51 contre 2 au pire de la crise épidémique

Pire, l’Allemagne semble avoir perdu le fil dans la gestion de la crise sanitaire. Admirées et même jalousées par leurs alliés occidentaux tout au long de l’année dernière pour avoir maintenu l’équilibre entre libertés publiques, résistance économique et sécurité sanitaire, les autorités d’Outre-Rhin donnent le sentiment à leurs compatriotes de naviguer à vue depuis les mesures de semi-confinement décidées en décembre.

Le ministre de la santé, Jens Spahn, est critiqué pour ne pas réussir à déployer efficacement la campagne vaccinale: affront suprême, au 11 mars dernier, les allemands étaient, en proportion, moins vaccinés que les français. En outre, deux députés du parti au pouvoir (Nikolas Löbel) ou de son allié bavarois (Georg Nüsslein) sont accusés par le Spiegel d’avoir touché des commissions à l’occasion de commandes de masques. Alors que le parti ne veut surtout pas voir ressurgir les mêmes commentaires qui avaient entaché la fin de carrière d’Helmut Kohl en 1999 lors de l’affaire de la caisse noire de la CDU, Angela Merkel est désormais sous pression.

Réputée pour sa gestion apaisée d’un statu quo politique et économique qui convient à une large majorité d’allemands, la chancelière doit reprendre l’initiative. Comme souvent, le salut viendra de l’économie. A court terme, la levée du dogme du «déficit zéro» et la bonne gestion passée lui permettra probablement d’étendre et de renforcer le soutien budgétaire à l’économie et le plan de relance de 130 milliards d’euros annoncé dès juin 2020.

Mais c’est probablement au niveau européen que se joue désormais l’héritage de Merkel. Déjà, le programme annoncé conjointement avec Emmanuel Macron en mai 2020 pour injecter 750 milliards d’euros dans l’économie européenne via un financement mutualisé, était un pas de géant vers une Europe puissance financière.

Il lui faut désormais aller plus loin. Déjà en pesant de toute son influence pour accélérer la mise en oeuvre effective des investissements prévus dans ce plan: on parle de premiers décaissements en septembre 2021, soit 16 mois après l’annonce initiale ! Mais aussi en appuyant les projets de pérennisation de ce dispositif en le transformant progressivement en outil permanent au service de l’amélioration des infrastructures et de la compétitivité européenne.

Dans la perspective des élections du 26 septembre prochain, une nouvelle initiative commune franco-allemande sur ce sujet pourrait affermir la position du nouveau leader de la CDU, Armin Laschet, pro-européen et héritier de la ligne politique d’Angela Merkel…

La poursuite de la reprise énergique des marchés d’actions européennes est à ce prix, d’autant plus que la BCE ne cesse de réaffirmer son soutien sans faille aux initiatives de relance des États membres. Si les planètes s’alignent, un vrai rally des actions européennes pourrait s’engager avec un objectif pour l’EuroStoxx 50 à 4500. Sinon l’année sera plus terne...

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