Le défi de restaurer les espaces naturels

Yves Hulmann

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Il faut restituer 20% des terres agricoles à la nature, préconise Michael Urban de Lombard Odier, qui lance un fonds dédié à la transformation des systèmes alimentaires.

Un changement d’approche fondamental de l’utilisation des terres habitables à travers le monde est nécessaire, estime Dr Michael Urban, responsable adjoint de la recherche en soutenabilité chez Lombard Odier. Pour le spécialiste des questions de durabilité, il s’agit en effet de restituer pas moins de 1 milliard d’hectares (soit 20% des terres agricoles) à la nature d’ici 2030 dans le monde afin de remédier à l’impact négatif des terres utilisées pour l’agriculture, la sylviculture et d’autres formes d’utilisation des sols qui sont responsables de près du quart des émissions de gaz à effet de serre, de 90% de la dégradation des forêts et du quart de la perte de biodiversité.

Un portefeuille articulé autour de 35 à 50 sociétés

Lancée ce jeudi avec des actifs sous gestion (AuM) d’environ 200 millions de francs suisses, la stratégie appelée «New Food Systems» de Lombard Odier Investment Managers vise à saisir différentes opportunités d’investissement associées à la transition vers des systèmes alimentaires plus durables et un modèle capable de nourrir la population mondiale, tout en tenant compte des limites naturelles de la planète, comme le précise la banque genevoise. Cette stratégie actions se concentrera sur un portefeuille diversifié et dit à forte conviction qui sera articulé autour de 35 à 50 sociétés sélectionnées en fonction de leur implication autour de trois thèmes clés: à savoir la production alimentaire durable (des entreprises qui produisent des intrants biologiques et synthétiques et des produits agricoles), les solutions habilitantes (par exemple des entreprises qui ont mis au point des solutions technologiques pour l’agriculture de précision) ainsi que la consommation alimentaire durable (notamment des fabricants de produits alimentaires, des détaillants et des restaurants qui mettent l’accent sur les régimes alimentaires de demain).

Nourrir une population qui devrait augmenter d’environ 25% durant la seconde moitié du XXIe siècle tout en réduisant de 20% l’utilisation des terres agricoles d’ici 2030, est-ce compatible? Michael Urban en est convaincu. Il résume comme suit cette stratégie liée à l’utilisation des terres habitables qui s’inscrit dans le cadre de la thématique des investissements dit CLIC (pour Circular, Lean, Inclusive and Clean), soit circulaire, efficient, inclusif et propre, développée par Lombard Odier.

80% des terres agricoles mondiales servent à produire 20% des calories consommées.

Selon l’expert, on peut estimer à 10 milliards d’hectares l’ensemble des terres habitables de la planète. Les terres agricoles représentent la moitié de cette surface totale, à savoir 5 milliards d’hectares, soit une taille équivalente à environ cinq fois celle de la Chine. Or, 80% de ces terres, soit environ 4 milliards d’hectares, sont utilisées pour produire avant tout de la viande et des produits laitiers qui ne permettent d’obtenir qu’environ un cinquième des calories consommées mondialement, met en perspective Michael Urban. Ainsi, «80% des terres agricoles mondiales sont utilisées pour produire seulement 20% des calories consommées dans le monde», déplore l’expert en durabilité. Selon lui, poursuivre sur cette voie en continuant à augmenter la part des surfaces habitables allouées aux terres agricoles et poursuivre l’intensification des cultures est «une fausse bonne idée».

Au contraire, estime Michael Urban, il s’agit aujourd’hui de travailler à la restitution d’espaces naturels. «Il faut non seulement arrêter d’empiéter sur la nature mais aussi restituer des espaces à la nature», ajoute-t-il. Avec quelles formes de compensation pour les pays concernés? «Cela pose toute la question de la valorisation des puits de carbone», reconnaît-il. Une façon de financer la restitution de certains espaces à la nature serait de réaffecter une partie des fonds publics qui sont utilisés pour subventionner directement ou indirectement la production agricole, lesquels sont estimés à quelque 700 milliards de dollars, suggère Michael Urban.

Nutrition à base de plantes et agriculture de précision

En tant que gérant d’actifs, Lombard Odier Investment Managers met l’accent sur quatre grands axes qui vont caractériser la transformation des systèmes alimentaires dans une perspective de durabilité. Premièrement, il s’agira de produire une alimentation plus nutritive essentiellement à base de plantes. Deuxièmement, il s’agira de nourrir directement les humains, sans passer par les animaux. Troisièmement, il s’agira de marier l’agriculture régénératrice avec l’agriculture de précision pour assurer une production durable. Quatrièmement, il s’agira de changer notre modèle de distribution afin de réduire le gaspillage.

«Notre approche est très différente de la sélection de titres de sociétés sur la base de critères ESG comme le font beaucoup d’autres fonds existants. Nous sommes à la recherche d’entreprises qui apportent réellement des solutions à la problématique de l’alimentation sur le plan mondial. Il s’agit notamment d’entreprises qui n’occupent encore qu’une position de niche mais qui disposent d’un fort potentiel de croissance», souligne Michael Urban. Dans quels domaines? Il peut s’agir d’entreprises actives dans les fertilisants qui développent de l’ammoniac à base d’hydrogène vert, illustre-t-il. Ou alors de sociétés actives autour de la thématique des protéines alternatives à base de plantes, cite à titre d’exemple Michael Urban.

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