Le casino est ouvert. La chasse aux shorts aussi

Axel Botte, Ostrum AM

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Baisse des actions et volatilité extrême aux Etats-Unis malgré une croissance meilleure qu’attendu. La Fed reste ferme.

©Keystone

GameStop, microcap devenue brièvement la plus grosse capitalisation du Russell 2000, est aujourd’hui un enjeu politique. La spéculation boursière permise par les plateformes pose la question du fonctionnement des marchés financiers et de leur efficience supposée. Les investisseurs individuels, dans un mouvement de collusion, sont désormais capables de contrer les positions risquées de Wall Street, où certains hedge funds vendent des quantités supérieures au flottant disponible. Les achats massifs de dérivés à brèves échéances force une accélération haussière à mesure que les teneurs de marché couvrent leurs expositions. L’effet «gamma» exponentiel à court terme amplifie la volatilité jusqu’à l’absurde. Les volumes traités sur les options excèdent l’activité de marché sur les sous-jacents. L’histoire financière est pavée de bulles spéculatives. Le concours de beauté est souvent irrationnel.

La question du risque systémique et économique associé est néanmoins un enjeu de politique publique important. Soyons-en sûr: GameStop n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les actions de croissance les plus vendues à découvert sur le NYSE ont plus que doublé en un an. Les sociétés de technologie américaines en pertes ont quadruplé en 2020 après plusieurs années d’atonie parfaite.

La réponse de Jerome Powell lors de la conférence
de presse à l’issue du FOMC de janvier est navrante.

Les excès financiers sont évidents. Les marges et les exigences de collatéral vont être relevées alors que les encours de margin debt nette aux Etats-Unis sont remontés à leur niveau de mars 2020. Les chambres de compensation ont d’ailleurs initié ce mouvement. En Europe, si la possibilité de vendre à découvert est beaucoup mieux encadrée, la surperformance des foncières semble attribuable aux rachats de positions vendeuses de fonds cherchant à prévenir le risque d’un emballement haussier.

Dans ce contexte, la réponse de Jerome Powell lors de la conférence de presse à l’issue du FOMC de janvier est navrante. La stabilité financière est un prérequis à la bonne transmission de la politique monétaire à l’économie et la Fed a le pouvoir d’imposer un relèvement des appels de marge.

Le président de la Fed doute même que la politique monétaire ait pu jouer un rôle dans l’accumulation de bulles spéculatives… du moins officiellement. Sur le plan conjoncturel, la croissance du PIB ressort à 4% en termes annualisés au quatrième trimestre grâce à l’investissement productif (R&D +8,2%, équipement +24%) et au logement. La consommation des ménages a diminué en novembre et décembre sous l’effet des restrictions sanitaires, laissant une épargne importante (13,7% du revenu disponible).

L’inflation se redresse en fin d’année. A minima, les banquiers centraux ne peuvent plus ignorer les risques immobiliers après la débâcle de 2008. Les prix du logement sont ainsi en hausse de 9% sur un an mais la Fed n’indique aucune inflexion dans les achats de créances hypothécaires (40 milliards de dollars par mois). Les achats mensuels de Treasuries sont également inchangés à 80 milliards mais un ajustement aux besoins de financement de l’Etat fédéral est acquis.

L’augmentation prévue des émissions à partir de mars (675 milliards attendus en nets au deuxième trimestre) est de nature à raviver la tendance à la pentification de la courbe, d’autant que les publications d’IPC viendront nourrir la thématique de reflation. Il sera intéressant d’observer la stratégie du Trésor face à la hausse de la demande d’emprunts indexés (point mort à 10 ans autour de 2,15%). Une augmentation des tailles d’émissions de TIPS n’est pas à exclure.

La surprise de la semaine en zone euro concerne l’inflation.

En zone euro, la situation économique est moins dégradée qu’anticipé au quatrième trimestre. Le PIB français s’affiche à -1,3%, l’Espagne (+0,4%) et l’Allemagne (+0,1%) sont en croissance modeste. La surprise de la semaine concerne l’inflation. Le rebond des prix en Allemagne atteint 1,4%m en janvier. Outre la hausse de la TVA et l’introduction d’une taxe sur le CO2, la repondération sectorielle implique de fortes variations sur l’indice harmonisé. L’IPCH hors tabac n’affichera pas sa saisonnalité habituelle en janvier, ce qui bénéficie aux porteurs d’emprunts indexés. Le swap d’inflation à 2 ans cote au plus haut depuis 2019. 

Par ailleurs, Klaas Knot a laissé entendre que la BCE pourrait intervenir sur l’euro. Cette sortie inattendue présage peut-être d’un geste sur les taux. Sur le Bund, les rendements oscillent sans réelle tendance entre -0,56% et -0,50%. Les émissions de l’UE assorties d’une prime ont comme attendu été bien accueillies. La Slovénie a aussi placé un nouvel emprunt à 60 ans. La situation italienne semble s’apaiser. La reconduction probable de Conte éloigne le risque d’élections. Le spread du BTP 10 ans revient vers 115pb malgré une demande un peu décevante aux adjudications de jeudi. La BoE devrait reconduire sa politique cette semaine repoussant ainsi les appels à une baisse des taux. Le crédit souffre quelque peu de la baisse des marchés d’actions. 

Le primaire dans le secteur financier reste en deçà des volumes de l’an passé mais les non-financières sollicitent encore le marché. La saison des publications débute ce qui mettra un coup de frein aux émissions privées. L’investment grade européen s’échange à 95pb contre Bund (+5pb). Le high yield connait une semaine de baisse. L’élargissement des spreads atteint 21pb effaçant ainsi la performance de 2021 dans le sillage des indices de CDS. Quant aux actions, les indices perdent 3 à 4% cette semaine. La saison des résultats a débuté aux Etats-Unis. Environ 80% des publications battent le consensus des analystes sans pour autant être saluées par les marchés, y compris en ce qui concerne les stars technologiques de la cote américaine.

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