Le calendrier réglementaire européen n’a pas aidé la finance durable

Anne Barrat

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Un an après le règlement SFDR, la confusion règne chez les gérants, les investisseurs et les entreprises. Coupable? Le timing, selon Masja Zandbergen, Robeco.

Très attendu, le règlement SFDR entré en vigueur en mars 2021, qui impose aux émetteurs de produits financiers et aux conseillers financiers la publication d'indicateurs de durabilité, est loin d’avoir atteint son objectif: aider les investisseurs à mieux cerner les risques et impacts négatifs en matière de durabilité de ces produits. Et ce, en grande partie parce que les obligations de reporting ont été imposées avant que les règles du jeu n’aient été posées.

Un rendez-vous manqué

«Le règlement SFDR était absolument nécessaire, la question ne se pose même pas, affirme Masja Zandbergen, responsable de la intégration ESG chez Robeco . On ne peut que regretter qu’il soit arrivé si tard. Et, surtout, que le calendrier de son entrée en vigueur ait été ce qu’il a été: nous avons dû classer nos fonds en article 8 ou 9 en mars 2021 sur la base d’instructions et de règles qui n’étaient pas encore disponibles. Et ce n’est hélas pas la seule incohérence que nous avons vécue: il nous a été demandé de commencer par établir un rapport de finance durable (SFDR) au niveau du groupe avant celui que nous devrons produire en 2023 au niveau des fonds. Il aurait été logique de faire le contraire, commencer par les fonds.»

En cause, l’ordre des nouvelles obligations: les 50'000 entreprises concernées par le reporting extra-financier et la mise en place d’un bilan carbone au titre de la directive CSDR ne devront le faire qu’en 2024 pour l’exercice 2023 alors que les gérants des fonds dans lesquelles elles sont susceptibles d’être sélectionnées sont tenus d’être en conformité avec le règlement SFDR au 1er juillet 2022. En cause également, le caractère très partiel de la taxonomie verte, qui est toujours en devenir et loin de couvrir tous les secteurs d’activités ni tous les aspects, sociaux, de gouvernance, qu’elle couvrira à terme. Ainsi, en l’état actuel des travaux, la taxonomie comporte très peu d’éclairage sur le reporting que devront faire les entreprises au niveau des lignes de métier et sur leurs dépenses de Capex, des informations pourtant essentielles pour un gérant. Un sentiment d’avoir «mis la charrue avant les bœufs» pour Masja Zandbergen, qu’elle résume ainsi: «quelle logique y a-t-il à demander à l’industrie financière de se mettre aux normes de la taxonomie verte alors que non seulement cette dernière est incomplète mais surtout avant que les entreprises ne soient obligées de le faire?»

Un long chemin avant l’harmonisation

Résultat, loin d’avoir améliorer la transparence, la mise en place de SFDR a renforcé les inégalités entre petits et gros gérants, entre small et mid caps d’un côté, large caps de l’autre, sans pour autant lever les problèmes d’hétérogénéité de reporting, bien au contraire. La rareté, sinon pauvreté des données disponibles avantage les gérants capables de mobiliser des ressources pour financer leur propre recherche. Quant aux entreprises, beaucoup n’ont pas les moyens de faire face à un surcroît de production d’informations, surtout quand les instructions sont lacunaires. Et Masja Zandbergen de prendre l’exemple du reporting sur les émissions de gaz à effet de serre, qui bénéficie d’un cadre balisé et utilisé depuis plusieurs années: 85% des sociétés du MSCI World produisent ces données, quand seulement 41% des small caps le font.

«Un autre défi majeur que nous rencontrons, outre la pauvreté des données disponibles sur les petites entreprises, est celui de l’hétérogénéité des cadres règlementaires en matière de finance durable dans les différents pays où nous intervenons. Toutes les régions ne sont pas au même niveau que l’Europe. In fine, il y a un risque important que le reporting fourni par l’ensemble des acteurs, des entreprises aux gérants d’actifs, ne permette pas des comparaisons sérieuses. Cela prendra encore des années avant que tout soit harmonisé et que les investisseurs puissent choisir sur ces critères 100% fiables des solutions 100% durables conclut Masja Zandbergen.»

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